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La 'guerre civile' est entretenue par Israel

Le Croissant chiite… safavide

par Gilles Munier,

Si les chiites pro-iraniens - appelés « safavides » par la résistance irakienne - sont aujourd’hui au pouvoir à Bagdad, c’est bien parce que les Américains les y ont portés. Depuis la guerre du Golfe de 1991, et plus particulièrement après le vote de l’Iraqi Liberation Act par le Congrès en 1998, les Etats-Unis les ont financés, formés, conseillés et armés.

L’appellation « safavide » remonte à Safi ad-Din, cheikh d’une confrérie soufi fondée au 14ème siècle à Ardabil, en Azerbaïdjan. L’ordre safavi évolua d’un sunnisme teinté d’alévisme (1), vers un chiisme extrémiste. Il prit de l’importance lorsque Haïdar, arrière petit-fils du Cheikh, épousa la fille du chef de la tribu turcomane des Moutons Blancs (Ak Koyunlu). Il disposa alors d’une armée de guerriers fanatiques, les Qizilbash (2), qui le considérait comme une sorte de dieu vivant, l’incarnation du Mahdi, le 12ème Imam occulté en Irak, à Samarra, en 939. Ismaïl, le fis de Haïdar, s’appuya sur eux pour prendre Tabriz et s’y faire couronner Chah en 1501, sous le nom d’Ismaïl 1er.

Ismaïl 1er (1487-1524) disait descendre de l’Iman Moussa Al-Kazim, 7ème Imam. Il se faisait passer pour Jésus – précédant dans le Coran la venue du Mahdi - ou pour des héros perses ressuscités. Il déclara finalement être le représentant de l’Imam caché. Il décréta le chiisme duodécimain religion d’Etat, alors que le pays était majoritairement sunnite depuis la conquête musulmane. Enfin, s’étant rendu maître de la Perse, il partit conquérir les lieux saints du chiisme : Najaf, Kerballa, Samarra.

L’Irak safavide
Ismaïl 1er prit Bagdad en 1508, sans effusion de sang. Puis, il ordonna aux Qizilbash de massacrer les sunnites et de détruire les mausolées d’Abou Hanifa (3) et d’Abdelkader Al-Guilani (4). Après son pèlerinage aux tombeaux des Imams Ali et Hussein, il nomma un vice-roi et rentra à Tabriz.

En 1524, profitant de la mort du Chah, Dhul-Fiqar - émir kurde du Louristan - s’empara de Bagdad et des principales villes d’Irak. Il prêta aussitôt allégeance au sultan ottoman Soliman le Magnifique pour se protéger de la colère des Safavides. Le nouveau Chah, Tahmasp 1er (1514-1576), qui considérait la perte de l’Irak comme un affront personnel et religieux, reprit Bagdad en 1530 et fit exécuter l’émir.

En 1534, Soliman contre-attaqua avec succès pour venger Dhul-Fiqar. Il entra triomphalement dans Bagdad, rétablit la paix civile et reconstruit les mausolées des deux cheikhs.

En 1622, le Chah Abbas 1er dit Le Grand (1571-1629) fit le siège de Bagdad pendant 3 mois. On dit que les habitants étaient affamés au point de se livrer à des actes de cannibalisme. Grâce à une trahison, les Perses envahirent la ville. Les sunnites furent à nouveau massacrés et les mausolées saccagés. L’occupation safavide dura 16 ans, jusqu’en 1638.

Selon une légende, personne n’avait osé dire au sultan ottoman Mourad IV que Bagdad avait été prise par les Perses. Un jour, un imam irakien aurait interpellé le sultan après le sermon de la prière du Vendredi et dit ceci: « Mais à quoi bon faire entendre ici la parole de Dieu et de son Prophète ! Y a t il encore aujourd’hui de vrai croyants ? Et où sont-ils ceux dont le bras s’arme pour la défense de la foi ? Voilà sept ans que Bagdad, la ville sainte, est la proie des infâmes chiites. Voilà sept ans que leur présence souille les temples où priaient nos glorieux califes, et nul ne se lève pour leur arracher leur conquête ; nul ne bouge pour les chasser du sanctuaire vénéré où ils profanent nos plus sacrés souvenirs ». Après avoir vérifié les dires de l’imam, Mourad IV proclama la guerre sainte. Il vainquit les Safavides à Samarra et reprit Bagdad (5).

L’instrumentalisation du chiisme par les Safavides
L’influence safavide en Irak ne s’est pas réduite aux deux périodes relativement courtes d’occupation du pays : 1508/1524 et 1622/1638, elle a perduré jusqu’à nos jours et a transformé profondément le chiisme originel, c’est à dire tel qu’il se pratiquait depuis l’assassinat de l’Imam Ali en 661 à Koufa.

Ismaïl 1er n’avait pas de formation religieuse sérieuse. Le chiisme duodécimain ne l’intéressait que dans la mesure où son instrumentalisation lui permettait d’étendre plus facilement son pouvoir et de mobiliser des troupes contre les Turcs Ottomans sunnites, ses ennemis héréditaires, originaires comme lui d’Asie centrale. Il officialisa la pratique, ancienne chez certains chiites (6), d’insulter les trois premiers califes : Abou Bakr, Omar et Othman.

Les mujtahid (7) traditionalistes de Nadjaf n’avaient aucune envie de se laisser déposséder de leur pouvoir par un étranger, et a fortiori par un roi perse. Leur courant, appelé - majoritaire en Irak, au Liban et dans le Golfe – ne reconnaissait en matière religieuse que l’interprétation des actes et des dires du Prophète et des Imams transmis par la tradition. Ils refusaient de reconnaître Ismaïl 1er comme Imam.

Pour les contrer, le Chah appuya un courant religieux concurrent, les usuli, à l’époque minoritaire et décrié. Il mettait en cause la stricte interprétation des textes sacrés en autorisant ses mutjahid - déclarés infaillibles - à pousser l’ijtihad (8) au-delà des limites tolérées, c'est-à-dire de répondre aux questions posées par les Croyants par des déductions personnelles et circonstancielles.

Les mutjahid usuli promettaient également le Paradis aux chiites qui leur faisaient allégeance et qui, surtout, leur versaient la Zakat – un des cinq pilliers de l’islam, impôt religieux destiné aux nécessiteux - et le Khums, le 5ème de leurs revenus. Cette dîme, abolie par le Prophète Muhammad, correspondait à la part du butin que ce dernier réservait après les batailles, pour ses besoins et ceux de la communauté. Elle était perçue cette fois au nom du Mahdi (9).

Accentuant la politique engagée par son père, Tahmasp 1er institua la pratique des flagellations à l’occasion de l’Achoura. Il recruta des religieux irakiens et libanais conciliants et fit traduire les livres théologiques chiites en langue persane. Devenus riches et puissants, les usuli l’emportèrent sur les traditionalistes. Des communautés chiites akhbari subsistèrent à Bassora, Bahrein et Muhammara (Khoramchar) dans l’Arabistan voisin. Elles sont encore aujourd’hui opposées à la main mise safavide sur l’Irak et la région.

Tandis qu’en Perse le pouvoir du clergé grandissait, au point que certains extrémistes réclamaient l’instauration d’une théocratie chiite, en Irak les mujtahid usuli arabes – aidés en sous main par les Turcs - tentaient de se dégager de l’emprise safavide. Nadjaf et Kerballa, jouissaient d’un statut particulier dans l’Empire ottoman permettant aux opposants chiites d’y trouver refuge. Prévoyant, le Chah Abbas 1er fit de Qom et de Mashad - où est enterré Ali Al- Ridha, le 8ème Imam - des centres religieux et universitaire concurrençant les villes saintes irakiennes.

Sous la dynastie Qadjar (1786-1925) - également d’origine quisilbach - qui succéda aux Safavides, puis sous celle des Pahlavis (1925-1979), le clergé accrut encore son pouvoir. En 1875, suite à un accord signé avec les Turcs par le Chah Nassereddin, les Perses disposaient en Irak d’un statut spécial, identique aux Capitulations concédées aux Européens dans l’Empire ottoman. Ils dépendaient juridiquement de leur consul, ne versaient pas de taxes et ne faisaient pas de service militaire. Ces avantages considérables se traduirent par l’installation en Irak de dizaines de milliers de Perses : commerçants, religieux ou tout simplement familles voulant vivre près des tombes d’Ali et de Hussein, ainsi que par la conversion au chiisme de tribus bédouines allergiques à l’enrôlement dans l’armée turque.



La question perse en Irak
Le chiisme est avant tout un phénomène arabe et irakien. La majorité de ses adeptes dans le sud rechigne à se laisser diriger par des ayatollahs perses, comme c’est le cas aujourd’hui d’Ali Sistani. Dans un pays où on connaît par cœur son arbre généalogique sur plusieurs générations, l’union avec des Ajami (10) est souvent considérée comme une tache.

Aussi, dès l’accession de l’Irak à l’indépendance en 1921, la Constitution dictée par les Britanniques fit la distinction entre “Irakiens authentiques” et “Irakiens non-authentique”. Les seconds, dits de catégorie B dans le Code de la nationalité, étaient recensés comme de « rattachement iranien ».

L’estimation du nombre des Perses en Irak – appelés Iraniens (11) depuis le décret du Chah Reza du 28 mars 1935 – était sujette à fluctuation. Tout dépendait si le gouvernement y ajoutait, ou pas, les Irakiens iranisés, voir les opposants du moment, irakiens ou non. Sous le mandat britannique et la royauté, les Iraniens représentaient tout de même à Kerballa environ 75% de la population. Une campagne de déportation réduisit le pourcentage… à 12%.

Les expulsions et déportations de chiites vers l’Iran sont liées aux crises qui ont secoué la région du Golfe depuis les années 70 : rébellion kurde, crise du Chatt Al-Arab, guerres Iran-Irak et du Golfe. En 1986, le ministre iranien de l'Intérieur estimait leur nombre à 500 000.

En Iran, les détenteurs de passeports iraniens ont été rapidement régularisés. Les autres, surnommés péjorativement mosta’rab, c'est-à-dire « devenus arabes » furent installés dans des camps. En septembre 1997, Amnesty International décomptait 490 000 réfugiés et le HCR 530 000 en 2001. Une bonne partie d’entre eux s’est engagée dans les mouvements d’opposition à Saddam Hussein – notamment dans la Brigade Badr - pour des raisons religieuses ou simplement pour subsister.

Après l’agression américaine de 2003, la plupart est revenue en Irak. Hazem Chaalan, « ministre » de la Défense d’Iyad Allaoui, déclarait en janvier 2005 que « le nombre d'Iraniens chiites qui sont entrés dans le pays dépasse le million ». Il accusait l’Iran, comme l’a fait le roi Abdallah II de Jordanie, de chercher à « créer un croissant chiite de style Safavide s’étendant de l’Iran jusqu’à la Syrie et le Liban, engloutissant l’Irak et apportant la corruption dans le pays» (12).

Subversion et terrorisme
En Irak, les premières organisations chiites anti gouvernementales ou pro-iraniennes apparurent dès la chute de la monarchie en juillet 1958. Al-Dawa Al-Islamiya (L’Appel de l’Islam) fut créée cette année là avec pour objectif ultime la prise du pouvoir. Son mode de fonctionnement était inspiré de celui des Frères musulmans. Elle était violemment anti-communiste, anti-baasiste, et anti-réforme agraire. Un de ses fondateurs, l’ayatollah Muhammad Baqer Al-Sadr, s’en éloigna un peu quand il appris que certains dirigeants étaient en relation avec l’Iran (13). A l’époque, la CIA et la SAVAK prenaient contact avec les extrémistes religieux car ils s’inquiétaient de l’entrée de ministres communistes au gouvernement irakien dans les années 70, de l’octroi d’une d’autonomie aux Kurdes et de la signature par Saddam Hussein d’un traité d’amitié entre l’Irak et l’URSS.

Al-Dawa n’aura pratiquement pas d’activités significatives jusqu’à la révolution islamique iranienne, si ce n’est la distribution de tracts ou la récupération de manifestations séditieuses souvent organisées par d’autres. Etant la seule organisation connue, le ministre de l’Intérieur irakien lui attribuait généralement la paternité des émeutes chiites qui étaient sévèrement réprimées. En 1977, Muhammad Baqer Al-Sadr fut condamné à la prison à vie suite à un soulèvement à Nadjaf, mais libéré deux ans plus tard.

Muhammad Baqer Al-Sadr avait, dit-on, de bonnes relations avec l’ayatollah Khomeiny bien qu’opposé au concept de velayat-e faqih, c'est-à-dire la monopolisation totale du pouvoir par un guide à la fois marja – expert en droit musulman- et chef politique. On dit aussi que ses idées ont influencé les rédacteurs de la Constitution iranienne de 1979. Après la révolution islamique, il avait déclaré illicite l’adhésion au parti Baas. Se sentant menacé en Irak, il avait proposé à Khomeiny de s’installer à Téhéran. L’ayatollah lui avait répondu de n’en rien faire.

La Savama, service secret iranien spécialisé dans l’assassinat politique, préférait soutenir le Munazamat al-Amal al-Islami (Mouvement de l’action islamique - MAI) de Muhammad Taqi Al-Mudarisi (14), une organisation concurrente d’Al-Dawa entraînée au Liban par Amal et le Fatah. En novembre 1979, le MAI tire sur des membres du Baas qui participe à la procession de l’Achoura à Kerballa : un haut responsable du parti est tué. Le 1er avril 1980, un militant du MAI lance une grenade sur Tarik Aziz, membre du Conseil de Commandement de la Révolution (CCR), en visite à l’Université Al-Mustansiriya à Bagdad. Il décharge son revolver dans la foule. Plusieurs étudiants sont tués. Quatre jours plus tard, lors de leur enterrement, un nouvel attentat à la grenade fait plusieurs victimes. Résultat : le 31 mars, le CCR publie un décret punissant de mort les membres d’Al-Dawa, le 4 avril, Muhammad Baqer Al-Sadr est arrêté. Il est exécuté le 8 pour « intelligence avec l’ennemi ». Khomeiny s’étonne de l’absence de réaction des Irakiens.

L’attentat passé inaperçu à l’époque, tout comme les condamnations à mort qui en ont résulté, est celui perpétré le 8 juillet 1982 à Doujail, un village chiite à 60 km au nord de Bagdad. Al-Dawa tenta d’y assassiner Saddam Hussein. Lors de son procès, le président irakien rappellera au « procureur général » Jaafar al-Moussaoui qu’il s’agissait d’ « un attentat contre un chef d'Etat préparé par un parti interdit financé par des parties extérieures. Nous étions en guerre avec l'Iran, n'oubliez pas ce fait" (15). Tarek Aziz témoignera en sa faveur en déclarant que l’attentat faisait partie« d'une série de tentatives d'assassinats de responsables qui a commencé en 1978 » dont il a été aussi la cible. « J'ai été victime d'actes criminels commis par un parti actuellement au pouvoir » dira-t-il aux juges: « Jugez-les. Ils ont tué des dizaines d'étudiants » (16).

En février 1983, un groupe d’Al-Dawa attaque les ambassades de France et des Etats-Unis à Koweït-City. Cinq américains sont tués, vingt quatre terroristes irakiens arrêtés. Jamal Jafaar Mohammed Ali Ebrahimi, un des organisateurs de l’opération, condamné à mort par contumace, est aujourd’hui « député » au Parlement irakien. Sous le nom d’Ahmed Al-Muhandis (Ahmed l’ingénieur), il a dirigé en 2005 le centre de détention d’Al-Jadriya et est le véritable chef des « Escadrons de la mort » chiites dépendant de la Brigade Badr. Démasqué début février 2007, il s’est réfugié en Iran.

Le Conseil supérieur de la révolution islamique en Irak (SCIRI)
Les Iraniens ont toujours plusieurs fers au feu. Le 17 novembre 1982, ils créèrent avec l’ayatollah Muhammad Baqir Al-Hakim Al-Majlis al-ala lil Thawra al-islamiya fil Iraq (Conseil supérieur de la révolution islamique en Irak) plus connu sous l’acronyme SCIRI. A la différence d’Al-Dawa et du MAI, pourtant proche des idées de Khomeiny, la nouvelle organisation annonçait clairement, parmi ses objectifs, qu’elle considérait « la République islamique en Iran comme une base pour la révolution islamique mondiale et universelle, soutenir et renforcer ses positions en face de l’impérialisme mondial ». Un corps militaire appelé Brigade Badr, dirigé par Abdul Aziz Al-Hakim fut rapidement constitué avec des réfugiés recrutés dans les camps pour combattre au côté des Pasdarans sur le front iranien, ce qui lui permit de dire bientôt à Khomeiny : « Il y a eu plus de 1000 martyrs qui se sont sacrifiés pour l’islam et la république islamique ».

La Brigade Badr est également intervenue au Kurdistan et lors du soulèvement chiite de 1991. De nombreux Irakiens haïssent ses dirigeants pour avoir torturé, lors d’interrogatoires, des prisonniers de la guerre avec l’Iran. Les opposants à Saddam Hussein restés en Irak lui reprochent d’avoir battu en retraite en Iran dès la contre attaque de la Garde Républicaine, laissant seuls les insurgés qui avaient pris pour argent comptant l’appel à la révolte lancé par George Bush père et l’Iran.

Les relations entre SCIRI et les Etats-Unis ont débuté en 1992, époque où les fonds secrets américains pour renverser Saddam Hussein transitaient par le Conseil National Irakien (CNI) d’Ahmed Chalabi. En 1996, Hamid Al Bayati, représentant à Londres de l’ayatollah d’Al-Hakim, était régulièrement consulté par la CIA et le Département d’Etat.

Dans un premier temps Al-Dawa fut tenue à l’écart des financements officiels en raison de l’attentat commis en 1983 contre l’ambassade US à Koweit, mais pas pour longtemps. En décembre 2000, à Londres, Abdulaziz Al Hakim intègrera des membres d’Al-Dawa dans sa délégation. L’un d’eux, Ibrahim Al Jafari - de son vrai nom Ibrahim Al-Ushaiqir – aura alors des entretiens séparés avec des membres du Département d’Etat. Il deviendra « Premier ministre » en janvier 2005.

L’agression américaine et l’occupation irano-safavide
A l’exception du Président Saddam Hussein qui a profité des 13 ans d’embargo pour organiser la résistance, le régime de Téhéran est le seul à avoir sérieusement préparé l’après-guerre. Le 9 septembre 2002, Ali Khamenei – Guide de la révolution islamique – a présidé un conseil de guerre au cours duquel il a chargé le Brigadier général Qassim Sullaimani du Corps des Pasdarans d’un plan d’infiltration de l’Irak dès l’annonce de l’attaque américaine.

Qassim Sullaimani savait tout – ou presque - des préparatifs de l’armada US grâce aux informations transmisent en Iran par Ahmed Chalabi, chef du CNI, l’ombrelle créée par la CIA pour regrouper les opposants qu’elle sponsorisait ! Le jour J, des commandos d’Al-Dawa, des Brigades Badr et des Pasdaran étaient prêts pour détruire les registres du cadastre et de l’Etat civil afin que des centaines de milliers d’Irako-iraniens – et l’inverse - et d’Iraniens puissent s’installer en Irak sans qu’on puisse ensuite les identifier (17). Une organisation appelée Thar-Allah (Vengeance de Dieu) avait ordre de liquider les membres du Département des affaires iraniennes des Moukhabarat et de s’emparer de ses archives…

Avec le retour de centaines de milliers d’anciens déportés et l’arrivée en masse d’Iraniens, « Safavide » n’est pas la seule insulte en vogue à Bagdad. Toutes sortes d’accusations et de peurs irraisonnées refont surface. Certains traitent les chiites de « râfida », citant un hadith du Prophète rapporté par Ali, qui dit : « Il apparaîtra à la fin des temps un groupe d’hommes qu’on appellera râfida parce qu’ils rejetteront l’Islam ». Ils rappellent leur collaboration avec les Mongols lors des prises de Bagdad et d’Alep, dénoncée par le Cheikh Ibn Taymiyya, mort en 1328. Les confréries soufies, dont les tombeaux des cheikhs ont été rasés dans le passé par les Perses, sont sur le pied de guerre. Le nettoyage religieux anti sunnite pratiqué sur la rive gauche du Tigre fait craindre à la Qadiriyya la destruction du mausolée du Cheikh Abdel Kader Al Guilani. Elle a constitué pour le défendre le Bataillon Al-Guilani, proche des groupes salafistes de la région d’Al-Anbar.

Les pro-iraniens répliquent en appelant les sunnites « nawasib », c'est-à-dire mécréants, ou « takfiri », extrémistes n’acceptant pas l’existence d’autres courants religieux. Ils les comparent aux Kharijites qui ont assassiné l’Imam Ali. Quant aux chiites qui refusent d’être embrigadés derrière Téhéran, ils sont traités de « chiites de Saddam » ou « chiites de Muawiyah» (18).

Le droit légitime de l’Iran d’effectuer des recherches dans le domaine atomique et l’intervention irano-safavide en Irak sont pour l’instant deux questions séparées. Le bombardement par les Etats-Unis ou Israël des sites nucléaires renforcerait mécaniquement le régime des mollahs au lieu de le déstabiliser, comme cela avait été le cas en Irak en 1982 après la destruction du réacteur Tammouz. L’Iran passera pour un pays martyr. Il fera jouer le devoir de solidarité pan-chiite pour contraindre les nationalistes irakiens de confession chiite à lui faire allégeance. C’est peut-être ce que les néo-conservateurs souhaitent pour accroître le risque d’une véritable guerre entre musulmans.

(4/3/07)

Notes :
(1) L’alévisme est une branche de l’islam proche du chiisme. Les Alévites vénèrent les 12 Imams, ne vont pas à la mosquée, ne considèrent pas le pèlerinage à La Mecque comme une obligation, ne font le Ramadan que quelques jours pour honorer l’Imam Hussein. Dans leur profession de foi, ils ajoutent le nom de Ali après celui du Prophète Muhammad. Les Alévites sont nombreux en Turquie, en Asie centrale et dans les Balkans.
(2) Qizilbash veut dire « Tête rouge ». Les Qizilbash portaient un bonnet rouge comprenant 12 plis, un par 12 Imams, une coutume qui aurait été prescrite par l’Iman Ali dans un rêve d’Haydar, le père d’Ismaïl 1er. Ils se battaient alors sans armure, se croyant protégés par le Mahdi, personnifié en leur chef spirituel du moment.
(3) Abou Hanifa, surnommé Al-Iman Al Azzam - le plus grand des imams - fonda une école juridique dont les préceptes furent appliquées plus tard dans tout l’Empire ottoman. Il est mort en 767.
(4) Abdelkader Al-Guilani est un des grands saints de l’islam. La tariqa Qâdiriya, la plus importante confrérie soufi du monde islamique, perpétue ses enseignements. Il est mort en 1166.
(5) Guide de l’Irak, par Gilles Munier - Ed. Jean Picollec, 2000, p.37-38.
(6) Cette pratique remonterait à Abd Allah Ibn Saba, un juif ou un chrétien yéménite converti à l’islam, qui faillit être exécuté par Ali après avoir appris que l’individu disait que c’était sur son ordre.
(7) Mujtahid : autorité religieuse habilitée, en raison de ses connaissances, à prendre des décisions en matière de droit islamique. Le mutjahid est appelé aujourd’hui ayatollah.
(8) L’Ijtihad est « l’effort de réflexion » des oulémas et des juristes musulmans qui interprètent le Coran et la Sunnah.
(9) Les mujtahid perçoivent également le radd, versé par les Croyants qui veulent se faire pardonner leurs mauvaises actions. Ils sont aussi les bénéficiaires du très lucratif trafic des corps enterrés dans le grand cimetière de Nadjaf. Ce commerce était toléré par les Ottomans à condition que les corps des défunts soient dirigés vers La Mecque, et pas Ardebil où sont les tombeaux du Cheikh Safi ad-Din et d’Ismaïl 1er.
(10) Du temps des califes, les Perses étaient considérés comme des « illettrés » parce qu’ils ne parlaient ni n’écrivaient la langue du Prophète. A l’époque abbasside, l’Irak, qui s’étendait jusqu’en Perse, était divisé en deux zones, une noble : l’Irak Arabi et l’Irak Ajami ! En réaction, dés l’époque du calife Al-Mansour – fondateur de Bagdad en 762 – le mouvement persan Shu’ubiyya (nationaliste) se mit à contester la suprématie religieuse des Arabes, et à lutter pour préserver la culture et la langue persane. Certains de ses membres traitaient même les Arabes de chameliers, c'est-à-dire d’incultes… Le terme « Shu’ubi » est donc compris comme voulant dire anti-arabe, et par extension « Iranien »…
(11) Iran signifie « Pays des Aryens ». Le Chah Reza, à l’origine du changement de nom de la Perse, était très influencé par certains milieux allemands. Il avait envisagé de proclamer la république et avait dû faire marche arrière sous la pression du clergé.
(12) Plus d’un million de chiites sont entrés en Irak depuis l’Iran (Iran Focus, 6/1/05)
http://www.iranfocus.com/french/modules/news/article.php?storyid=496
(13) Selon Hanna Batatu, professeur en science politique, auteur de nombreux ouvrages sur l’Irak, qui a obtenu cette information d’un haut dirigeant du mouvement libanais Amal. Cité Par Faleh A. Jabar, p.341, The shi’ite mouvement in Iraq, Saqi Books, Londres.
(14) Mouvement créé par Hassan Shirazi, assassiné à Beyrouth en 1980. Les membres de sa direction étaient de Kerballa.
(15) Saddam explique le massacre de Doujail
http://www.casafree.com/modules/news/article.php?storyid=5987
En mars 1963, le Général de Gaulle n’avait pas, lui non plus, hésité à faire exécuter Jean-Marie Bastien-Thierry qui avait tenté de l’assassiner au Petit-Clamart à la tête d’un commando de l’OAS.
(16) Tarek Aziz témoigne
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2006/05/24/001-Aziz.shtml
(17) Mohamed Mohadessin, président de la Commission des Affaires étrangères du CNRI (Conseil national de la résistance iranienne) a dévoilé à Paris (26/1/07) une liste de 31 690 noms d’agents irakiens recrutés en Iran et payés par les Forces spéciales Al Qods, dont 481 dépendant directement du bureau d’Ali Khamenei.
(18) Du nom du calife qui fonda la dynastie omeyyade après avoir exigé qu’Hassan, fils de Ali, abdique. Plusieurs ayatollahs irakiens ont pris position contre l’invasion irano-safavide : Jawad al-Khalisi, Ahmad Husseini Al Bagdadi, Mahmoud al-Hassani. En Iran, le grand intellectuel Ali Shariati – assassiné par la Savak ou par des khomeinistes qui considéraient son anticléricalisme comme un danger – faisait la distinction entre le chiisme d’Ali – qu’il appelait chiisme rouge - et le « chiisme noir » des Safavides.



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