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Accord Nucléaire US Russie sur le Dos de l'Iran


Il fut un temps où l'Iran aurai pu croire qu'un ordre mondial multipolaire serait juste et équitable pour les « nations opprimées ». Si cette idée n'a pas été ébranlée depuis longtemps, elle la sûrement été vendredi dernier quand le directeur de Rosatom, l'agence fédérale de la Russie pour l'énergie atomique, Sergei Kiriyeno, s'est envolé en urgence à Washington pour une « visite de travail » d'un jour.


Le Tzar du nucléaire russe s'empressait d'aller formaliser un accord entre la Russie et les US que Moscou recherchait assidûment depuis plusieurs années. Du point de vue de Washington, le moment ne peut être mieux choisi. Alors qu'il apparaissait qu'une nouvelle tournée de sanctions du CSONU semblait impossible à atteindre, les perspectives se sont éclaircies.


Téhéran n'est pas la seule capitale à devoir se faire du souci si les deux poids lourds de l'ordre nucléaire commencent à frayer ensemble. De nombreux pays – tels que l'Inde et l'Afrique du Sud – seraient également affectés par une revue du régime commercial du combustible nucléaire. Mais c'est l'Iran qui est dans la ligne de feu.



L'Accord Nucléaire US Russie



A Washington, Kiriyenko et le secrétaire au Commerce US, Carlos Gutierrez, ont signé un accord commercial autorisant la Russie à augmenter automatiquement ses exportations d'uranium enrichi vers les US. L'accord autorise la vente directe d'uranium enrichi russe aux centrales nucléaires US.



Auparavant, de telles transactions devaient passer par la Société d'Enrichissement US, une agence spéciale intermédiaire, sous le programme de conversion connu sous le nom de HEU-LEU. Ce régime discriminatoire maintenait la Russie en dehors du commerce hautement lucratif d'enrichissement d'uranium avec les US. Le HEU-LEU, connu sous le nom populaire d'« Accord De Megatons à Megawatts » date de 1993, et stipule que la Russie doit convertir 500 tonnes d'uranium hautement enrichi ou HEU, ce qui représente environ l'équivalent de 20 000 têtes nucléaires, à partir des stocks d'armes nucléaires démantelées de l'ex Union Soviétique, en uranium enrichi à bas taux, ou LEU, avant de le convertir en combustible nucléaire pour utilisation aux US.



L'accord de Washington veut dire beaucoup pour la Russie – commercialement, politiquement, et stratégiquement. Kiriyenko a admis qu'il valait 5-6 milliards de dollars US en terme commercial pour la seule période des cinq prochaines années à venir. Arrivé à 2014, 1 centrale nucléaire sur 5 américaine fonctionnera avec l'uranium russe. L'accès au marché US permet à la Russie d'utiliser pleinement sa capacité d'enrichissement d'uranium, qui est de l'ordre de 40 % de toute la production mondiale.



Le quotidien russe Nezavisimaya Gazeta a noté que Washington avait signalé être intéressé pour « développer sa coopération en matière de nucléaire civil avec Moscou ». Selon l'Institut à l'Energie Nucléaire US, le marché américain fera face à une pénurie d'uranium en 2011, donc cela se justifie pour les US de libéraliser son marché pour l'uranium russe. Selon Rosatom, le Russie a 870 000 tonnes d'uranium naturel, les réserves les plus importantes au monde après celles de l'Australie et du Kazakhstan.



Donc, avec l'accord signé vendredi, Washington offre un bonus à Moscou en supprimant les 110 % de droits de douane, exorbitants et discriminatoires, qui jusqu'à présent avait écarté l'uranium enrichi à bas taux russe du marché US. Les US interdisent également tout approvisionnement en combustible ou retraitement de déchets de combustible par la Russie pour les réacteurs nucléaires fabriqués aux US dans des pays tiers tels que la Taiwan et la Chine.




Mais le commerce US –Russie n'est jamais basé sur les seules considérations commerciales, c'est très politisé. Dans le cas du combustible nucléaire, cela l'est encore plus. Donc, le commerce de combustible nucléaire a un impact sur le régime de non prolifération. La Russie projette la création d'un centre international d'enrichissement d'uranium à Angarsk, dans l'Est de la Sibérie, qui fournira de l'uranium enrichi à des pays tiers projetant de développer de l'énergie nucléaire. Selon les dires de Kiriyenko, lors de la 51 ème conférence de l'AIEA à Vienne en septembre dernier, la Russie planifie l'usine d'Angarsk, qui sera sous contrôle de l'AIEA, comme « un pas vers la création d'une nouvelle génération d'infrastructure d'énergie nucléaire. »



L'usine sera également responsable du retraitement des déchets. Comme l'a fait remarqué en octobre l'ambassadeur de la Russie à l'ONU, Vitaly Churkin, le centre d'Angarsk sera « capable de jouer un rôle important » dans la non prolifération nucléaire en « assurant l'accès à l'énergie nucléaire pacifique à tous les pays qui respectent leurs obligations dans le cadre du TNPN. »


La Russie avait d'abord envisagé un centre international comme initiative de non prolifération qui aurait pu fournir une solution de compromis pour le problème nucléaire iranien. La proposition russe a d'abord été rendue publique il y a deux ans par Vladimir Poutin, qui a dit que les centres internationaux fourniraient aux pays un accès transparent à la technologie nucléaire civile, sans provoquer les craintes de la communauté internationale que l'uranium enrichi soit utilisé pour des programmes clandestins de fabrication d'armes nucléaires.


L'accord de vendredi dernier souligne le soutien des US à la démarche russe de création d'un cartel international de combustible nucléaire qui renforce le régime de non prolifération. Mais l'idée de centres internationaux n'est pas aussi démocratique qu'elle paraît. Moscou récemment a écarté l'idée que des installations du type Angarsk puissent être répliquées dans des pays arabes. Kiriyenko a affirmé, « nous croyons qu'il devrait y avoir un certains nombre de ces centres, mais c'est clair que ces centres devraient être situés dans des pays qui maîtrisent complètement la technologie d'enrichissement d'uranium afin que la technologie ne prolifère pas dans le monde. »


C'est clair qu'un cartel est en cours de création dans le domaine du commerce très lucratif du combustible nucléaire. Et Washington et Moscou sont sur la même longueur d'onde. Le vice premier ministre russe Sergei Ivanov a été cité admettant que tout signataire du TNP aura le droit d'acheter du combustible nucléaire enrichi des centres internationaux, « ceci en théorie seulement. Pour différentes raisons un pays pourra se voir refuser l'accès à l'uranium. »


Des experts russes du nucléaire ont reconnu que les US associaient implicitement l'accord signé avec la Russie vendredi dernier à Washington avec le fait que celle-ci cesse ses activités nucléaires en Iran, où elle est engagée dans la construction d'une centrale nucléaire à Bushehr. Rétrospectivement, la hâte manifeste avec laquelle la Russie a rempli – par 8 livraisons sur une période de 6 semaines depuis le 16 décembre – ses obligations d'approvisionnement en combustible nucléaire enrichi à bas taux, soit au total 82 tonnes, pour la centrale de Bushehr, peut être mise en perspective. La Russie a terminé le 28 janvier – tout juste 4 jours avant l'accord de vendredi dernier à Washington – sa 8ème et dernière livraison à Bushehr.


Les US libére la Russie de ses liens avec l'Iran


De même le président US George W. Bush a adopté une attitude tolérante surprenante envers les livraisons de combustible de la Russie pour Bushehr, alors qu'Israel et plusieurs capitales européennes ont vu d'un mauvais œil le geste de Moscou, le considérant comme une menace directe à la sécurité régionale. Pour citer un commentateur russe, « Bush n'a fait que répéter les mots de Vladimir Poutin comme quoi puisque maintenant la Russie fournissait l'Iran en combustible nucléaire, l'Iran n'aurait pas besoin de s'occuper lui-même d'enrichissement d'uranium. »


C'était une brillante déclaration pragmatique de la part de Bush. En fait, il a « libéré » Moscou de la « tyrannie » de la coopération nucléaire avec l'Iran. Mais il espérait alors que Moscou – dans la foulée de l'accord à Washington de vendredi - réajusterait sa position sur la nécessité de faire pression sur Téhéran par le biais de sanctions.


Suite à la réunion des « 5+1 » à Berlin le 22 janvier, le ministre des affaires étrangères russe Sergei Lavrov avait avancé que toute nouvelle résolution sur l'Iran présenterait certains traits :


Toute action au CS devrait avoir pour but de soutenir l'AIEA « en tenant compte des « progrès réalisés dans le travail de l'AIEA » et exprimer le soutien pour les efforts continus de l'AIEA pour répondre aux questions qui restent à clarifier. »


Toute nouvelle mesure « devrait être en rapport avec la situation réelle » c'est-à-dire, le CS doit prendre en compte la disposition à coopérer avec l'AIEA de l'Iran.

L'ouverture à des discussions doit être maintenue tant que « l'Iran accepte les termes établis par l'AIEA. »

« Les discussions porteront non seulement sur les questions nucléaires et non seulement pour assurer en pratique les droits légitimes de l'Iran à développer l'énergie nucléaire à des fins pacifiques, mais aussi à étendre la coopération économique avec l'Iran dans le champ du nucléaire, et à collaborer avec l'Iran sur des problèmes régionaux, sur des problèmes de sécurité de sa région. »

La nouvelle résolution sera « principalement sous forme d'appels à la vigilance de tous les pays » dans le développement de leurs relations avec l'Iran dans le domaine du nucléaire.

Lavrov a tiré satisfaction du fait que « finalement, nous avons reçu un texte qui diffère des demandes initiales de nos partenaires occidentaux, qui en fait allait dans le sens de punir l'Iran plutôt que de soutenir les efforts de l'AIEA. »

Selon les détails disponibles, l'ébauche de la résolution du CS établie à Berlin manquait de mordant. Elle contenait les éléments suivants :

Interdiction de voyager pour des iraniens « impliqués dans, directement associés ou fournissant un soutien à la prolifération des activités nucléaires de nature sensibles, ou pour le développement de systèmes de transport d'armes nucléaires ».
Stipulation que le gel des avoirs détaillés dans la résolution précédente inclura maintenant des personnes et des organismes spécifiques.


Conseil que tous les pays devraient « exercer une vigilance » sur les activités de leurs institutions financières avec les banques iraniennes, spécialement la Banque Melli et la banque Saderat.


Mais Washington a l'intention de jouer la « carte sanction « et les puissances occidentales suivront finalement les désirs de Washington. La Chine reste équivoque. Beijing « appelle toutes les parties à renforcer leurs efforts diplomatiques pour être créatifs et rechercher de nouvelles approches pour sortir de l'impasse, et trouver une solutions raisonnable à la question iranienne », pour citer le porte parole du ministère des affaires étrangères à Beijing.


Maintenant, après l'accord de vendredi à Washington, quelle est la position de la Russie ?


C'est pourquoi la déclaration du vice ministre des affaires étrangères russe Serge Kislyak posté sur le site web du ministère à Moscou mardi intrigue. Il dit que la Russie appelle l'Iran à geler l'enrichissement d e l'uranium jusqu'à «ce que les points compliqués aient été résolus » par l'AIEA. C'est ici un virage subtil dans la remarque. Jusqu'ici Moscou avait mis l'accent sur le rapport que le directeur de l'AIEA Mohammed ElBaradei doit remettre la troisième semaine de février au CS.


Jusqu'à maintenant on attendait qu'ElBaradei clarifie les questions en suspend sur les activités nucléaires passées de l'Iran. ElBaradei a dit dans une interview avec le quotidien basé au Koweit al-Rai : « l'Iran a fait une avancée dans la résolution du problème posé par son programme nucléaire ». Mais Kislyak a dit « je crois que ce gel de l'enrichissement est tout à fait possible si des décisions politiques appropriées sont prises. Les inquiétudes internationales peuvent être facilement calmées par Téhéran afin de créer des conditions favorables pour une coopération étendue de l'Iran avec d'autres pays.»

Il a aussi minimisé la coopération de l'Iran avec l'AIEA en disant « pour parler franc, nos collègues iraniens auraient pu commencer ce travail il y a longtemps et ne pas perdre tant d'années en confrontation, d'abord avec le conseil des gouverneurs de l'AIEA, et ensuite avec le CSONU. »


Kislyak a mis en garde sur le fait que la nouvelle résolution avec des sanctions « contient des signaux sérieux pour l'Iran et envisage des décisions pour étendre les sanctions adoptées précédemment par le CS ». Un commentateur russe renommé a ajouté rapidement sa voix à la mise en garde de Kislayk en prévenant que la nouvelle résolution « pourrait se montrer plutôt sérieuse » et que Moscou «ne l'avait pas noté à première vue ».

Il a ajouté, « l'adoption d'une nouvelle résolution a été continuellement repoussée à cause de la Russie et de la Chine Pendant ce temps, l'équipe du président Mahmud Ahmadinejad est allée plus loin dans le durcissement de son attitude. Il en résulte que des experts internationaux, y compris iraniens, sont d'accord sur le fait que le programme nucléaire iranien s'approche du point au-delà duquel il débouchera inévitablement sur le développement d'armes nucléaires. Sur toile de fond de faibles sanctions au CS, l'Iran a probablement été encouragé à aller de l'avant. »


Selon le double langage de la Russie, il semble qu'en plus des clauses de l'ébauche de résolution accepté à Berlin le 22 janvier, quelque soit les conclusions du directeur de l'AIEA, la résolution à venir devrait insister sur le fait que l'Iran doit stopper l'enrichissement d‘uranium comme pré condition à la reprise des discussions. Il est certain que Téhéran rejettera une telle pré- condition.

Mais l'Iran va devoir réaliser combien le monde multipolaire ne présente toujours pas de garantie de la fin des manigances entre grandes puissances ; Dans le système international post soviétique, l' »Animal ‘s Farm » de George Orwell existe toujours, et certains sont toujours plus égaux que les autres.



M.K. Bhadrakumar 09/02/08 copyright Asia Times on Line www.atimes.com


Traduction et introduction Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org


M.K Bhadrakumar a été en poste comme diplomate de carrière pour le Ministère des Affaires Etrangères Indou pendant 29 ans. Il a notamment été ambassadeur en Uzbekistan (1995-1998) et en Turquie (1998-2001)

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