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Genocides francais en Afrique : La colonisation, Hollande, fils de pieds noirs sefarades espagnols refugiƩs en Algerie apres l'inquisition, et la mythologie franc maconnique des elites racistes, racialistes francaises dans la soumission aux rites des genocideurs de l'Afrique comme le franc macon Jules Ferry

Elle est souvent trĆØs proche du pouvoir, comme au Gabon, oĆ¹ le prĆ©sident Omar Bongo est l’Ć©minence grise des obĆ©diences locales. Dans les multiples crises qui accompagnent la dĆ©mocratisation en cours du continent, les francs-maƧons africains s’efforcent souvent de jouer un rĆ“le de mĆ©diateur.

Au Congo-Brazzaville, l’ancien prĆ©sident congolais Denis Sassou Nguesso et son successeur Pascal Lissouba sont tous deux francs-maƧons, mais d’obĆ©diences diffĆ©rentes : M. Lissouba a Ć©tĆ© initiĆ© au Grand Orient (GO) de France, et M. Sassou Nguesso appartient Ć  une loge sĆ©nĆ©galaise affiliĆ©e Ć  la Grande Loge nationale franƧaise (GLNF).


A la suite des rĆ©cents affrontements entre leurs milices armĆ©es dans la capitale, des francs-maƧons franƧais et africains - de la Grande Loge de France (GLF), de la Grande Loge unie de CĆ“te-d’Ivoire et des Grands Orients et Loges unies du Cameroun (Goluc) - ont joint leurs efforts pour rĆ©tablir la paix, sans succĆØs jusqu’ici. Cet exemple en dit long sur l’influence des francs-maƧons en Afrique francophone.

Depuis la crĆ©ation de la premiĆØre loge par le GO, en 1781, Ć  Saint-Louis du SĆ©nĆ©gal, plusieurs francs-maƧons ont illustrĆ© l’histoire de la colonisation franƧaise.

Tout d’abord les deux promoteurs de l’abolition de l’esclavage, l’abbĆ© GrĆ©goire sous la RĆ©volution, et Victor Schoelcher, secrĆ©taire d’Etat Ć  la marine sous la IIe RĆ©publique, qui le fit supprimer dĆ©finitivement en 1848 - l’esclavage avait Ć©tĆ© entre-temps rĆ©tabli par NapolĆ©on Ier.

Puis Abd El Kader, reƧu en 1864 au Grand Orient, lequel voulait manifester ainsi Ć  l’Ć©mir algĆ©rien la reconnaissance des FranƧais pour la protection qu’il avait accordĆ©e, dans son exil syrien, aux chrĆ©tiens de Damas lors des massacres de 1860. Le grand artisan de l’expansion coloniale franƧaise, Jules Ferry, Ć©tait Ć©galement franc- maƧon.

Comme le sera le gouverneur des colonies FĆ©lix EbouĆ©, un Noir originaire de Guyane qui, en 1940, rallia le Tchad Ć  la France libre, entraĆ®nant toute l’Afrique-Equatoriale franƧaise et le Cameroun aux cĆ“tĆ©s du gĆ©nĆ©ral de Gaulle au moment oĆ¹ le rĆ©gime de Vichy promulguait les lois antimaƧonniques et antijuives.

Les francs-maƧons (ou « frĆØres de lumiĆØre », comme on dit parfois) furent assez nombreux dans l’administration coloniale. AprĆØs la seconde guerre mondiale, ils militĆØrent, pour la plupart, pour l’indĆ©pendance des territoires africains d’outre-mer, et de plus en plus d’Africains rejoignirent les loges.
AprĆØs 1960, l’annĆ©e des indĆ©pendances, la franc-maƧonnerie a continuĆ© Ć  essaimer, en s’africanisant et en s’Ć©mancipant par rapport aux obĆ©diences franƧaises. Dans plusieurs pays africains francophones, des obĆ©diences nationales se sont crĆ©Ć©es, qui ont nĆ©anmoins conservĆ© des liens plus ou moins Ć©troits avec les franƧaises, dont elles reflĆØtent parfois les clivages.

Comme on sait, la franc-maƧonnerie est muliple, voire morcelĆ©e, plus peut- ĆŖtre en France qu’ailleurs. Le clivage le plus net est celui qui sĆ©pare le Grand Orient des autres loges. A l’opposĆ© des autres rites, le GO n’invoque pas, dans sa Constitution, le Grand Architecte de l’Univers, c’est-Ć -dire Dieu, et ses membres ne prĆŖtent pas serment sur la Bible.

La Grande Loge de France et la Grande Loge nationale de France reconnaissent le Grand Architecte de l’Univers, mais seule la GLNF est reconnue par la Loge unie d’Angleterre, l’obĆ©dience mĆØre de la franc- maƧonnerie mondiale.

Les francs-maƧons franƧais continuent, bien sĆ»r, Ć  s’intĆ©resser Ć  l’Afrique : sous la Ve RĆ©publique, deux francs- maƧons au moins ont Ć©tĆ© Ć  la tĆŖte du ministĆØre de la coopĆ©ration, le socialiste Christian Nucci, du GO, et le gaulliste Jacques Godfrain, de la GLNF.

M. Guy Penne, l’ancien conseiller aux affaires africaines de FranƧois Mitterrand Ć  l’ElysĆ©e entre 1981 et 1986, est membre du GO. Et l’ambassadeur Fernand Wibaux, conseiller personnel pour les affaires africaines du prĆ©sident Jacques Chirac (aux cĆ“tĆ©s de Jacques Foccart, rĆ©cemment dĆ©cĆ©dĆ©), a Ć©tĆ© initiĆ© au GO.

D’une maniĆØre gĆ©nĆ©rale, les obĆ©diences nationales de l’Afrique francophone sont issues d’une fusion des loges du GO et de la Grande Loge de France, qui existaient avant l’indĆ©pendance. C’est le cas du Grand Rite Ć©quatorial gabonais (GRE), des Grands Orients et Loges unies du Cameroun, des Grands Orients et Loges associĆ©es du Congo (Golac) et du Grand BĆ©nin.

Mais au Gabon, Ć  cĆ“tĆ© du GRE, existe une Grande Loge nationale, affiliĆ©e Ć  la GLNF. En CĆ“te-d’Ivoire, coexistent plusieurs obĆ©diences, dont la Grande Loge unie et la Grande Eburnie, proches respectivement de la GLF et du GO. Au Togo, subsistent des loges du GO et de la GLF.

Au SĆ©nĆ©gal, les loges du GO et de la GLF ont Ć©galement conservĆ© leur affiliation respective, mais la GLNF est Ć©galement prĆ©sente. Si les francs-maƧons du Togo et du SĆ©nĆ©gal n’ont pas crĆ©Ć© d’obĆ©dience nationale, c’est parce qu’ils craignaient, assure-t-on, que celle-ci ne soit infiltrĆ©e par le pouvoir en place et n’en devienne un instrument, ce qui est parfois le cas dans d’autres pays.

Quoi qu’il en soit, la plupart des obĆ©diences plus ou moins liĆ©es au GO et Ć  la GLF participent aux Rencontres humanistes et fraternelles africaines et malgaches (Rehfram), qui se rĆ©unissent chaque annĆ©e depuis 1992 dans une capitale africaine, et auxquelles sont invitĆ©es ces loges franƧaises. Les deux derniĆØres rĆ©unions ont eu lieu en 1996 Ć  Libreville, au Gabon (avec 400 participants), et en 1997 Ć  Cotonou, au BĆ©nin (avec 600 personnes, dont des dĆ©lĆ©guĆ©s de plusieurs pays d’Europe).

Les loges africaines affiliĆ©es Ć  la GNLF - qui fait, en l’occurrence, cavalier seul - ne participent pas Ć  ces rencontres.

La GLNF a essaimĆ© ces derniĆØres annĆ©es en Afrique noire, et cette avancĆ©e de la seule obĆ©dience franƧaise reconnue par la Grande Loge unie d’Angleterre et par la maƧonnerie amĆ©ricaine agace les autres loges franƧaises, oĆ¹ certains la considĆØrent comme le cheval de Troie de l’influence anglo-saxonne sur le continent africain, ce dont elle se dĆ©fend Ć©nergiquement.

Aucune loge des anciennes colonies britanniques n’est conviĆ©e aux Rehfram (elles sont aussi divisĆ©es entre obĆ©diences liĆ©es Ć  la Grande Loge unie d’Angleterre, Ć  celle d’Ecosse ou celle d’Irlande, comme par exemple au Nigeria, au Zimbabwe, au Kenya et en Ouganda).

En revanche, le GO du ZaĆÆre (actuellement RĆ©publique dĆ©mocratique du Congo - RDC, une Ć©manation du GO de Belgique, prend part Ć  ces rĆ©unions « humanistes et fraternelles » entre loges d’Afrique francophone.

Face Ơ la rƩpression

LES francs-maƧons n’ont jamais manquĆ© d’ennemis, souvent peu recommandables, ce qui constitue sans doute leur meilleur « certificat de moralitĆ© ». Le plus acharnĆ© et le plus impitoyable Ć©tait Hitler, qui entendait lutter contre un imaginaire « complot judĆ©o-maƧonnique ».

Les dictatures fascistes (de Mussolini, de Franco, de Salazar et de Pinochet) ont Ʃgalement interdit la franc- maƧonnerie.

A l’autre extrĆŖme, les communistes Ć©taient, eux aussi, hostiles, du moins Ć  l’origine : en 1922, le Parti communiste franƧais ratifia la dĆ©cision du IVe congrĆØs de l’Internationale communiste excluant les francs-maƧons de ses rangs.

De fait, les communistes franƧais durent choisir entre la franc-maƧonnerie et le PC. Plus rƩcemment, les islamistes affichent Ʃgalement leur opposition formelle Ơ la franc- maƧonnerie.

Quant au Vatican, sa position a quelque peu Ć©voluĆ©. La premiĆØre condamnation de la franc-maƧonnerie par l’Eglise catholique remonte Ć  1738 et fut l’oeuvre du pape ClĆ©ment XII. Son hostilitĆ© aux « frĆØres de lumiĆØre » atteignit son paroxysme lors de la sĆ©paration de l’Eglise et de l’Etat.

MalgrĆ© un certain apaisement de la lutte entre clĆ©ricaux et laĆÆcs (les francs- maƧons ne sont plus excommuniĆ©s), les loges restent suspectes aux yeux des catholiques intransigeants. En 1983, la CongrĆ©gation pour la doctrine de la foi a encore proclamĆ© que les fidĆØles francs-maƧons sont « en Ć©tat de pĆ©chĆ© grave ».

C’est dans ce contexte que la franc-maƧonnerie africaine s’est vu interdire dans plusieurs pays du continent et y a Ć©tĆ© parfois persĆ©cutĆ©e. La rĆ©pression la plus notoire a Ć©tĆ© celle dont des francs-maƧons africains ont Ć©tĆ© l’objet en 1963 en CĆ“te-d’Ivoire.

Cette annĆ©e-lĆ , le prĆ©sident FĆ©lix HouphouĆ«t-Boigny imagina une sĆ©rie de complots qui lui fournirent l’occasion d’Ć©liminer de la scĆØne politique les dirigeants de l’aile gauche du Parti dĆ©mocratique de la CĆ“te-d’Ivoire - parti unique Ć  l’Ć©poque - soupƧonnĆ©s de sympathies communistes.

Plusieurs des accusĆ©s de ces complots Ć©taient francs-maƧons, la plupart du Grand Orient, notamment Jean-Baptiste Mockey, Jean Konan Banny, Amadou Thiam et Ernest Boka. Ils furent humiliĆ©s, battus, torturĆ©s, parfois en prĆ©sence du prĆ©sident lui-mĆŖme, Ć  Yamoussoukro. Ernest Boka mourut en dĆ©tention.
La franc-maƧonnerie fut interdite, Grande Loge de France comprise ; mais, en 1971, le prĆ©sident ivoirien lui-mĆŖme reconnut solennellement en public que les complots de 1963 n’Ć©taient qu’une affabulation, dont il accusa un obscur commissaire de police, et les accusĆ©s furent rĆ©habilitĆ©s. Certains furent mĆŖme nommĆ©s Ć  nouveau ministres, comme Jean-Baptiste Mockey.

Les feux des loges ivoiriennes furent rallumĆ©s au dĆ©but des annĆ©es 70 aprĆØs une intervention auprĆØs d’HouphouĆ«t de M. Pierre BiarnĆØs, initiĆ© au GO, qui Ć©tait Ć  l’Ć©poque correspondant du Monde en Afrique de l’Ouest et qui Ć©tait mandatĆ©, pour ce faire, par le grand maĆ®tre d’alors de cette obĆ©dience, Fred Zeller.
Dans l’ex-ZaĆÆre, le prĆ©sident Mobutu a interdit la franc-maƧonnerie lors de son arrivĆ©e au pouvoir en 1965, avant de l’autoriser Ć  nouveau en 1972.

A Madagascar, lors de son premier mandat prĆ©sidentiel, M. Didier Ratsiraka, Ć  l’Ć©poque marxisant mais mariĆ© Ć  une catholique, avait interdit la franc-maƧonnerie - celle-ci est cependant redevenue trĆØs active dans la Grande Ile depuis le tournant dĆ©mocratique qui prĆ©luda Ć  l’Ć©lection du prĆ©sident Albert Zafy, en 1993.

Une Grande Loge nationale malgache, parrainƩe par la GLNF, a ƩtƩ crƩƩe en 1996, et concurrence le Grand Rite Malgache, proche du GO.

L’avĆØnement de rĆ©gimes marxistes ou marxisants - en GuinĆ©e sous Sekou TourĆ©, au Mali sous Modibo Keita et au BĆ©nin sous M. Mathieu KĆ©rĆ©kou - entraĆ®na aussi l’interdiction de la franc- maƧonnerie dans ces pays.

Fily Dabo Cissoko et Hammadoun Dicko au Mali, Barry Diawandou et Barry III en GuinĆ©e, francs-maƧons et opposants aux rĆ©gimes en place, furent arrĆŖtĆ©s et moururent en dĆ©tention. Au BĆ©nin, il fallut une intervention du conseiller Guy Penne, au dĆ©but des annĆ©es 80, pour que M. Mathieu KĆ©rĆ©kou consente Ć  la rĆ©ouverture des loges.

C’est cependant au Liberia que des francs-maƧons ont Ć©tĆ© le plus fĆ©rocement Ć©liminĆ©s, lorsque le sergent-chef Samuel Doe prit le pouvoir par un coup d’Etat en 1980.

Depuis des gƩnƩrations, la prƩsidence de la RƩpublique et le gouvernement avaient ƩtƩ accaparƩs par des Afro-AmƩricains, en gƩnƩral affiliƩs Ơ la grande obƩdience noire de la franc-maƧonnerie amƩricaine, dite de Prince Hall.

Le palais prĆ©sidentiel arborait d’ailleurs des armoiries maƧonniques. Le prĆ©sident Tolbert (franc-maƧon comme son prĆ©dĆ©cesseur William Tubman) fut assassinĆ©, et Samuel Doe fit ensuite exĆ©cuter en public tous les membres du gouvernement.

La franc-maƧonnerie est aussi dans le collimateur de l’islamisme, ce qui n’empĆŖche pas des musulmans d’Afrique noire d’y adhĆ©rer (les Libanais, chrĆ©tiens ou musulmans, Ć©tablis sur le continent sont d’ailleurs relativement nombreux dans les loges d’Afrique occidentale).

La rĆ©fĆ©rence au Grand Architecte de l’univers est trĆØs oecumĆ©nique, et les francs-maƧons musulmans peuvent donc, en principe, prĆŖter serment sur le Coran, comme les juifs sur la Torah et les chrĆ©tiens sur la Bible.

L’un des plus illustres francs- maƧons musulmans est sans aucun doute le prĆ©sident gabonais El Hadj Omar Bongo, dont la conversion Ć  l’islam, en 1973, avait suscitĆ© d’autant plus d’Ć©tonnement que la grande majoritĆ© de la population gabonaise est soit animiste, soit chrĆ©tienne.

Au SĆ©nĆ©gal, on trouve des francs-maƧons dans les sphĆØres du pouvoir, bien que la trĆØs grande majoritĆ© de la population soit de confession musulmane. La franc- maƧonnerie s’y heurte Ć  la vive hostilitĆ© d’une frange intĆ©griste islamiste.

« Non, un musulman ne peut pas ĆŖtre franc-maƧon », a titrĆ© la revue Etudes islamiques, tandis que le pĆ©riodique Wal Fadjiri reprenait un article de la revue Ć©gyptienne Al Lewa’ Al Islami affirmant que « la franc-maƧonnerie et le mouvement BahaĆÆ ainsi que leurs clubs de services (Rotary, Lions, etc.) sont issus du judaĆÆsme et clairement incompatibles avec l’islam ».

Cette hostilitĆ© n’empĆŖche pas diffĆ©rentes obĆ©diences de faire du prosĆ©lytisme en pays musulman - ainsi la GLNF, qui a rĆ©cemment crĆ©Ć© trois loges Ć  Djibouti, oĆ¹ l’on prĆŖte serment sur le Coran.

Pourquoi la franc-maƧonnerie a-t-elle prospĆ©rĆ© en Afrique noire ? On peut avancer sans doute que les sociĆ©tĆ©s secrĆØtes sont familiĆØres aux Africains : il en existe dans la plupart des communautĆ©s villageoises, oĆ¹, selon des ethnologues comme le PĆØre Eric de Rosny, elles reprĆ©sentent un contrepoids efficace Ć  la puissance des chefs traditionnels.

Il est probable aussi que, Ć  l’Ć©poque coloniale, les Africains qui « entraient » en maƧonnerie - et qui appartenaient, pour la plupart, Ć  l’intelligentsia - y voyaient un moyen de promotion sociale, puisque leur admission dans une loge les plaƧait Ć  Ć©galitĆ© avec les Blancs au sein de l’obĆ©dience.

L’aspect Ć©sotĆ©rique et quasi mystique de la franc-maƧonnerie a aussi attirĆ© des intellectuels, tel le grand Ć©crivain malien HampatĆ© Ba (musulman), qui y voyait une Ć©cole d’oecumĆ©nisme et de rĆ©conciliation entre les religions monothĆ©istes, mais qui ne resta pas longtemps franc- maƧon.

Les obĆ©diences, tout en cultivant la spiritualitĆ©, n’en inscrivent pas moins leur action dans le siĆØcle. Comme sur les autres continents, les loges d’Afrique entendent jouer un rĆ“le dans les affaires de la nation et interviennent Ć  l’occasion sur la scĆØne politique, souvent pour jouer les mĆ©diateurs.

Ce fut le cas, notamment, au BƩnin, lors de la confƩrence nationale de 1989 qui accompagna le rƩtablissement du multipartisme. Le Grand BƩnin publia Ơ cette occasion un texte qui appelait Ơ la tolƩrance et contribua Ơ Ʃviter des affrontements violents.

Les francs-maƧons du Togo tentĆØrent Ć©galement, en 1993, de rĆ©concilier le Rassemblement populaire du Togo du prĆ©sident Eyadema (qui fit fermer les loges en 1972 avant de les rĆ©-autoriser quelques annĆ©es plus tard) et ses opposants lors d’une rencontre organisĆ©e Ć  Paris au siĆØge du GO : le dialogue ainsi instaurĆ© ne dĆ©boucha sur rien de concret. Ce fut Ć  nouveau le cas rĆ©cemment, on l’a vu, au Congo-Brazzaville. Une sourde lutte avec les Rose-Croix.

CES interventions dans la vie politique suscitent, bien entendu, de sĆ©rieuses rivalitĆ©s, non seulement entre obĆ©diences plus ou moins concurrentes, mais aussi avec d’autres organisations plus ou moins vaguement apparentĆ©es, du moins dans l’esprit du public. C’est le cas au Cameroun, oĆ¹ s’est apparemment dĆ©veloppĆ©e une sourde lutte d’influence entre les maƧons et les Rose-Croix.

Longtemps, la rumeur publique a prĆ©tendu que le prĆ©sident Paul Biya Ć©tait rosicrucien, d’autant plus que le grand maĆ®tre des Rose-Croix du Cameroun, M. Titus Edzoa, ancien ministre, avait accĆ©dĆ© au poste de secrĆ©taire gĆ©nĆ©ral de la prĆ©sidence.

Un vĆ©ritable coup de thĆ©Ć¢tre s’est produit en 1996 lorsque le grand maĆ®tre de la branche franƧaise de l’Ancien et Mystique Ordre de la Rose- Croix (Amorc), M. Serge Toussaint, venu Ć  Douala en juin 1996 pour une visite de travail, annonƧa que le nom du prĆ©sident camerounais ne figurait pas dans les fichiers de l’Ordre.

Quelques mois plus tard, M. Titus Edzoa quittait son poste Ć  la prĆ©sidence et, en juillet 1997, Ć©tait arrĆŖtĆ© pour une affaire concernant la liquidation d’une banque. Entre-temps, le grand maĆ®tre des Rose-Croix avait annoncĆ© sa candidature contre M. Paul Biya Ć  la prochaine Ć©lection prĆ©sidentielle .

Les rĆ©centes Rehfram ont fait l’objet d’une large couverture dans la presse locale, avec confĆ©rences de presse des grands maĆ®tres africains et franƧais. A Cotonou, en 1997, ces derniers ont tenu une confĆ©rence de presse conjointe, dont un quotidien bĆ©ninois a rendu compte.

L’un des dignitaires francs-maƧons minimise les « incomprĆ©hensions » qui subsistent entre l’Eglise catholique et la franc-maƧonnerie, tout en ajoutant : « Avec les autres religions, protestante et musulmane par exemple, il n’existe aucun problĆØme. »

Les Rehfram de 1997 donnĆØrent, par ailleurs, lieu Ć  un affrontement sĆ©vĆØre entre le GO de France et les obĆ©diences africaines. La dĆ©lĆ©gation du GO y prĆŖcha implicitement une laĆÆcitĆ© agnostique Ć  la franƧaise, ce qui dĆ©clencha une vive riposte de la ConfĆ©rence des puissances maƧonniques africaines (CPMAF, qui regroupe la plupart des loges africaines francophones).

La CPMAF souligna, dans une dĆ©claration, que l’Afrique avait « trop souffert des ingĆ©rences de toutes sortes », prĆ©cisant que les Rehfram « ne sauraient ĆŖtre ni le thĆ©Ć¢tre de rivalitĆ©s (...), ni une tribune de joutes dĆ©magogiques, ni un enjeu des hĆ©gĆ©monies avouĆ©es ou non ».

Le troisiĆØme terme de cette mise en garde visait la tentative du Grand Orient d’amener les obĆ©diences africaines Ć  abandonner le Centre de liaison et d’information des puissances maƧonniques signataires de l’appel de Strasbourg (Clipsas) pour rejoindre l’Association maƧonnique intercontinentale libĆ©rale (AMIL), crĆ©Ć©e Ć  l’initiative du GO.

Lors d’une rĆ©union Ć  Santiago du Chili, en 1996, celui-ci a, en effet, quittĆ© le Clipsas, qu’il accusait de se comporter comme une « super- obĆ©dience ».

FondĆ© en 1961 (et actuellement prĆ©sidĆ© par Mme Marie-France Coquard, ancienne grande maĆ®tresse de la Grande Loge fĆ©minine de France), le Clipsas laisse Ć  chaque obĆ©dience la libertĆ© d’exiger ou non la croyance en Dieu, mais critique la franc-maƧonnerie anglo-saxonne, Ć  laquelle il entend plus ou moins faire contrepoids. Il regroupe prĆØs d’une cinquantaine d’obĆ©diences (europĆ©ennes, africaines et sud-amĆ©ricaines).

L’AMIL - qui comptait, au dĆ©part, moins d’une dizaine d’obĆ©diences - se veut encore plus laĆÆque que le Clipsas, et on peut sans doute inscrire la dĆ©marche du GO Ć  Cotonou dans le contexte plus gĆ©nĆ©ral de la rivalitĆ© entre la France et les Etats-Unis sur le continent africain.

Mais cette dĆ©marche (outre la rĆ©action nĆ©gative des obĆ©diences africaines) a provoquĆ© quelques dĆ©fections au sein de l’AMIL. D’autres loges franƧaises n’ont pas cachĆ©, de leur cĆ“tĆ©, qu’elles partageaient la position de la CPMAF.

Sans doute des sociologues verront- ils, dans la rĆ©action de la CPMAF et dans son rejet des propositions des laĆÆcs du GO, la preuve que les sociĆ©tĆ©s africaines restent profondĆ©ment imprĆ©gnĆ©es de religiositĆ©, que ce soit celle des cultes ancestraux ou celle des confessions chrĆ©tiennes ou musulmanes. Mais peut-ĆŖtre est-ce moins simple.


La laĆÆcitĆ© telle que l’entend le GO n’exclut nullement la libertĆ© de conscience, comme en atteste l’adhĆ©sion de francs- maƧons africains catholiques, protestants et musulmans Ć  cette obĆ©dience, illustration de l’attirance un peu Ć©trange qu’exerce la franc-maƧonnerie sur le continent.


Par Claude Wauthier, Journaliste, auteur avec HervƩ Bourges des Cinquante Afrique, Le Seuil, Paris 1979.

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