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Le sang iraquien

Le sang iraquien

Par Mohamed Krichen,

Il est de bon aloi que le Premier ministre iraquien, Nouri Maliki, reconnaisse que les hommes politiques assument la responsabilité de la généralisation de la violence dans le pays à cause de leurs différents sans fin. Mais cela ne doit sûrement pas signifier pour lui que tous ces hommes, qui forment la nouvelle classe politique de l’Iraq nouveau, sont la cause de tous les malheurs, non seulement pour avoir collaboré avec les Usaméricains pour conquérir leur pays, mais aussi pour avoir libéré, ultérieurement, les ressorts des haines ethniques et confessionnelles, en rapport constant avec de nombreux intervenants étrangers.

La responsabilité politique est très importante, mais elle ne doit en aucun cas occulter une autre, aussi importante, qui est la responsabilité pénale. Qu’un ministre des Transports, par exemple, soit amené à démissionner de son poste à la suite de la collision de deux trains et la mort de dizaines d’usagers, ne veut pas dire que le dossier soit clos. Il s’en suit toujours une enquête technique de terrain et une instruction judiciaire qui doivent conduire, en principe, à déterminer la responsabilité matérielle des faits incriminés et à transférer les coupables éventuels à la justice ou, dans les cas moins graves, aux instances disciplinaires administratives.

Il doit en être ainsi en Iraq aussi. La responsabilité politique, claire et fondamentale, ne doit en aucun cas, empêcher de poursuivre pénalement, avec sérieux et diligence, les commanditaires et les exécutants de ces horribles massacres de civils, ainsi que tous ceux qui se tiennent derrière les explosions perpétrées dans les rues, loin de tout objectif militaire bien précis, ainsi que les responsables de ces cadavres anonymes, découverts chaque jour par dizaines et portant les traces indélébiles de sévices d’une indescriptible cruauté, dont les auteurs ne peuvent être des gens normaux. La responsabilité politique ne doit pas non plus empêcher de poursuivre les responsables des exécutions sommaires, sur base identitaire, ainsi que ceux qui se tiennent derrière les attaques contre les « maisons de Dieu », qu’elles s’appellent mosquées, husseinya ou églises.

Quels sont les commanditaires et les exécutants ?

C’est la question qui se pose avec insistance et acuité et à laquelle personne n’a osé jusqu’ici répondre avec courage et clarté, si ce n’est par des faux-fuyants et des insinuations renvoyant, sans la moindre preuve, tantôt aux Baathistes et tantôt aux Takfiris ou aux escadrons de la mort et sans que l’on puisse comprendre enfin qui a fait telle ou telle chose.

N’est-il pas curieux en effet que l’on n’ait jamais montré l’arrestation d’un quelconque individu, susceptible d’être sérieusement suspecté- conformément aux normes internationales en vigueur en pareil cas et non pas à travers les aveux télévisés, largement discrédités- d’avoir commis un acte criminel ?

L’image du vieux père pleurant son fils, celle de la femme, veillant sur la dépouille mortelle du mari ou du frère versant de chaudes larmes, ou enfin celle d’un enfant terrorisé et perdu parmi les cadavres des membres de sa famille, dans un marché populaire, réduit lui aussi au statut d’orphelin- comme le sont entre 4 et 5 millions d’enfants iraquiens, selon le dernier rapport de l’UNICEF- sont devenues très banales, tant elles couvrent la une de tous les organes de presse, des revues et des journaux télévisés à longueur de journée. Une tragédie humaine inédite est en passe de se normaliser dans l’esprit de beaucoup de gens!

Certains politiques et autres ne manquent pas de réagir et d’attribuer la responsabilité de ces faits à l’occupation usaméricaine de l’Iraq. Mais encore une fois, nous devrons distinguer entre responsabilité politique et responsabilité pénale, surtout que des rumeurs insistantes les attribuent toutes les deux aux Usaméricains.

Ainsi, selon les confidences d’un Iraquien, dans un congrès réuni récemment à Beyrouth, qui cite un capitaine de police qui tient à garder l’anonymat de peur d’être liquidé, « ce dernier a vu de ses propres yeux, alors qu’il était en mission dans un coin de Bagdad, des soldats usaméricains tirer au mortier, tour à tour, sur la cité AL ADHAMIA( à majorité sunnite) et sur la cité AL KADHIMIA( à majorité chiite), voisines, dans le but manifeste de les monter l’une contre l’autre. Ce capitaine qui a surpris les soldats usaméricains en flagrant délit, a été arrêté par eux et ne fut libéré qu’au bout de 4 heures après avoir réalisé ce qui l’attendait si par malheur il donnait à l’incident une dimension médiatique.

Quant aux escadrons de la mort, ils seraient liés, selon certaines sources, à la venue de Negroponte en tant qu’ambassadeur en Iraq, puis à sa nomination à la tête des services de renseignements de son pays, surtout qu’il est le précurseur de cette expérience au Salvador au milieu des années 1970.

D’autres préfèrent prendre plus de précautions et attendre avant d’accuser les Usaméricains de planifier et de souffler sur le feu de la guerre interconfessionnelle, estimant sans doute qu’il y a, autant chez les chiites que chez les sunnites, des extrémistes n’hésitant pas à commettre ce genre de crimes.

D’autres accusent l’Iran, ses services secrets et ses inconditionnels locaux d’être derrière ces crimes, alors que d’autres enfin en attribuent la paternité à Israël et même à des bandes criminelles et à des mercenaires étrangers, travaillant dans les nombreuses sociétés de sécurité et prêts à accomplir toutes les sales besognes pour le compte d’un client local, régional ou international.

De nombreuses questions demeurent sans réponse, mais il n’est pas exclu que toutes les parties citées plus haut, soient responsables à des niveaux et des degrés divers. En tout cas, les Iraquiens, les Arabes et le monde entier doivent savoir clairement qui doit assumer la responsabilité pénale de cette tragédie quotidienne en Iraq. Quant à la responsabilité politique, le dernier des enfants iraquiens victimes de cette tragédie, saura nous montrer du doigt, celui qui doit la porter.
Al Quds Al Arabi

Mohamed Krichen est un journaliste tunisien, membre de la rédaction et présentateur de la chaîne de télévision Al Jazeera.

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