Khalid Ibn Walid (584 - 642) est un génie militaire arabe, compagnon du prophète Mohammed, Il participe après la mort du prophète à la reconquête de la péninsule arabique et est le commandant des armées arabes lors des conquêtes de l'Irak et de l'empire byzantin (bataille de Yarmouk). Sur plus de cent batailles qu’il commande, il n’en perd aucune. Il est nommé Saïf Allah El Masloul (سيف الله المسلول) (épée d'Allah). Omar Ibn Al Khattab (second calife de l'Islam) le destitue dès son accession au pouvoir, pour des raisons qui restent toujours inexplicables. Des thèses comme querelles personnelles ou bien rivalité politique sont avancées. La destitution de Khalid Ibn Al Walid marque la fin de la progression spectaculaire des conquêtes arabes au temps des quatre grands califes.
LA CAMPAGNE MILITAIRE DE SYRIE
Le calife Abou-Bakr a retiré Khaled de l’Irak, et l’a envoyé en Syrie au moment où il allait se diriger vers le Madaïn, capitale des Sassanides, après avoir vaincu leurs armées partout et dans toutes les batailles. Finalement, il ne lui restait plus qu’à franchir le Tigre. On peut se demander pour quelles raisons Abou-Bakr a retiré Khaled de l’Irak ? Etait-ce une punition pour le pèlerinage qu’il avait effectué, sans prendre l’avis du calife ?C’est en tout cas, ce que laissent supposer certaines traditions : « pour le punir, il l’envoya vers la Syrie ». Mais, est-ce possible que le calife Abou-Bakr ait causé du tort aux intérêts des Musulmans, au moment où le Madaïn était sur le point de tomber aux mains des musulmans. Pour punir un général tel que Khaled, à supposer que l’intention fusse de le punir, était-ce nécessaire, par voie de conséquence de sanctionner la moitié de l’armée musulmane qui allait l’accompagner ? Et pourquoi l’avoir nommé commandant en chef de toutes les armées en Syrie ? Pourquoi lui dire de « revenir en Irak après avoir fini sa mission en Syrie ».Il est évident, d’après la lettre-même d’Abou-Bakr , que celui-ci s’est contenté au début de sa lettre d’un petit reproche, mais le reste de la lettre est plein d’éloges et de considération pour le travail de Khaled en Irak.
Nous pouvons dire que les raisons essentielles de l’envoi de Khaled en Syrie, furent tout d’abord, la nécessité liée à la situation critique du théâtre d’opérations ouest en Syrie, ensuite la proximité des deux théâtres d’opérations (l’Irak et la Syrie) et la pénurie de combattants en Arabie. Par ailleurs, « le projet de pousser en même temps la conquête de l’Irak et de la Syrie était trop hardi. Il fallait décider, et l'intérêt pour la Syrie était plus important ». On décida alors de laisser l’Irak de côté , pour quelque temps du moins.La situation en Syrie avant l’arrivée de Khaled.Ainsi, la conquête de la Syrie l'avait emporté en intérêt sur celle de l'Irak, et ceci, bien que les opérations en Irak aient abouti à des victoires successives, sans aucune défaite. En revanche, l'idée de conquérir la Syrie était antérieure et jugée plus importante que celle de l'Irak pour diverses raisons. L'importance que représentent les lieux Saints à JÉRUSALEM et ses environs aux yeux des Musulmans, résume à elle seule l’intérêt manifesté. D’ailleurs, comme l’a dit Abou-Bakr : « la prise d’un village en Syrie m’est plus chère que celle d’un grand district en Irak » .Lors des guerres de la Ridda, Abou-Bakr envoya 11 divisions pour combattre les apostasies (murtâddin), et à la tête de l’une de ces divisions un officier nommé Khaled ibn Saïd ibn Al-Ace. Il l’envoya s’établir à Taymâ au sud-est de Tabuk, pour deux raisons selon Tabari d’après le récit de Saïf . - Premièrement, former une armée de toutes les tribus qui n’étaient pas apostasiées. Un grande nombre de tribus s’étant réuni autour de lui . - Deuxièmement, en couverture face au nord au profit des divisions qui opéraient dans cette région, contre toutes attaques qui venaient soit du nord-est, soit du nord-ouest. Les Byzantins informés de la situation à leur frontière commandèrent aux tribus arabes chrétiennes (Bahrâ, Kelb, Salïh, Tanoukh, Lakhm, Djodhâm, Ghassanides) soumis à leur domination de rassembler de leur côté un contingent à Zîzâ168 ou Zerba, pour faire face aux troupes musulmanes. Khaled ibn Saïd, en fut informé, écrivit à Abou-Bakr. Le calife répondit à Khaled de marcher vers eux et « que Dieu soit en son aide ».
Les Arabes chrétiens informés de la marche des troupes musulmanes, se dispersèrent presque sans combat. Khaled ibn Saïd informa Abou-Bakr de la situation, il lui ordonna d’avancer avec prudence, afin de ne pas permettre à l’ennemi de le contourner. Khaled avança et s’établit entre Abil, Zîzâ et al-Castal, là, il fut attaqué par un corps d’armée Romain commandé par un officier nommé Bâhân et Khaled prit l’avantage sur eux. Malgré cette victoire, Khaled jugea que sa petite armée était incapable de faire face aux Romains. Il garda sa position, et écrivit au calife pour lui demander des renforts. L’arrivée de cette lettre à Médine coïncida avec la venue d’Ikrimah ibn Abou-Djahl et de son armée de Tihama, après avoir fini son expédition contre les apostasies. « Alors seulement Abou-Bakr commença à songer sérieusement à la conquête de la Syrie ». Il appela tous les musulmans à la guerre sainte, en même temps. Il envoya à Khaled des secours sous la conduite d’Ikrimah ibn Abou-Djahl et Dhoul-Kélâ al-Himyari. Khaled voyant les renforts arriver, avança avec son armée de nouveau à la rencontre de Bâhân, celui-ci, reculant devant lui jusqu’à Damas, pour l’attirer à un endroit favorable.Les Musulmans avalèrent l’hameçon, et campèrent à Mardj-Assaffar, au sud de Damas. A cet endroit, Bâhân les encercla et coupa leur route de retour, ce fut un combat terrible pour les Musulmans, le fils de Khaled ibn Saïd fut tué au début du combat. Khaled arriva à s’échapper avec une grande partie de ses soldats, et s’arrêta à Dhou-l-Marwa près de Médine. Ikrima arriva à faire une retraite honorable avec le reste de l’armée et réussit à se maintenir sur la frontière de la Syrie, tout en réorganisant son armée. Abou-Bekr envoya des lettres aux habitants de la Mecque, du Tâif, du Yémen, et à tous les Arabes du Nedjd et du Hidjâz, pour les appeler à la guerre Sainte. Dès que ces lettres furent rendues publiques, de nombreux Musulmans demandèrent à marcher sous les étendards de la religion. Peu à peu le noyau de l'armée s'est formé à djorf, près de Médine où un camp fut dressé, et comme le nombre croissait quotidiennement, le calife put commencer à organiser l'armée, à répartir les commandements, et ordonner le départ. Selon Madaîni et Ibn Ishâk, l'armée se composait de quatre divisions, chacune de 7000 hommes, sous le commandement de Yazid ibn Abou-Sofyan , Shorahbîl ibn Hassana , Abou-Obéidah ibn al jarrâh, et Amr ibn al-Ace.
Le moment du départ de l’armée vers la Syrie venu, Abou-Bekr l’accompagna jusqu’à une certaine distance de la ville et, leur adressa quelques mots, en leur souhaitant les succès les plus heureux. Ensuite, s’adressant à Yazid, « il lui donna des instructions à l’adresse de ses troupes qu’on admire à juste titre pour le sens et la modération qui y dominent ». Il lui recommanda de traiter les troupes avec douceur, de ne rien faire de considérable sans consulter les principaux Officiers, de ne jamais s’écarter de la justice ni de l’équité, d’insuffler aux troupes beaucoup de courage et d'audace, d’user avec modération des avantages qu’il pourrait remporter, d’avoir toujours devant les yeux les principes de l’humanité lorsqu’il serait vainqueur. Il lui recommanda surtout d’empêcher le massacre des enfants, des femmes et des vieillards, de ne pas abattre les arbres fruitiers, les champs cultivés, de laisser en paix les Moines qui vivent dans les monastères. Après ce discours, Abou-Bekr dit adieu aux généraux et aux troupes et reprit le chemin de Médine ; l’armée continua sa route vers la Syrie.Abou-Bakr donna à chaque division une direction et un objectif à atteindre, il ordonna à la division de Yazid de prendre la direction de Tabouk, sur la frontière nord-ouest de la péninsule Arabique, ensuite d’atteindre Damas comme objectif. Arrivé à Balcâ à l’est de la mer Morte en Jordanie, Yazid apprit qu’un corps de Romains de 3 000 hommes se trouvait à al-Arabah en Palestine. Il envoya contre eux un détachement commandé par Abou-Omâma al-Bâhili qui leur livra bataille, tua leur chef et les poursuivit jusqu’à al-Dâthina où « il les mit en déroute une seconde fois ». Quelques jours après le départ de Yazid de Médine, la division de Shorahbîl prit la même route pour se rendre à Bosra. Entre-temps la division d’Abou-Obéidah s’impatienta pour prendre le chemin du Djihâd, mais Abou-Bekr attendit l’arrivée de plus de renforts. Après l’arrivée de ceux-ci, la division d’Abou-Obéidah prit la route de la Syrie, dans le but d’atteindre Hims, en empruntant la route qui passa par Wadi al-kora- Hidjr – Ziza. Mais arrivant à Mo’ab en Jordanie, il tomba sur une petite garnison qui se rendit après un léger accrochage, puis Abou-Obéidah continua sa route jusqu’au confins du Jabiah, où il installa son quartier. La quatrième division commandée par Amr ibn al-Âce, prit la route de Tabouk direction la Palestine. Amr arriva en Palestine par le sud et s’installa dans le Ghaur qui s’appelle aujourd’hui (Wadi-Araba).Du côté des Romains, d’après l’Abbé de Marigny : « l’empereur Héraclius n’imaginait pas avoir beaucoup à craindre de la part d’un Empire naissant, tel qu’était celui des Arabes, qu’il croyait d’ailleurs déchiré par des factions intestines. D’un autre côté, les conquêtes qu’il venait de faire sur un peuple aussi formidable que les Perses, semblait lui promettre qu’aucune autre nation ne serait assez hardie pour venir l’attaquer dans ses États. Cette malheureuse confiance lui fit négliger les précautions que la prudence aurait dû lui inspirer, de sorte que ses frontières se trouvaient sans défense, principalement du côté de la Syrie, où il n’y avait aucune place fortifiée ». De là, on peut dire que les guerres qui se déroulaient entre les Byzantins et les Perses prenaient leurs chemins au nord de l’Irak, en raison de la situation géographique de la région et qu’au sud il n’y avait que le désert de l’Arabie, difficile à franchir.
Cependant, face aux mouvements des troupes musulmanes, l’empereur se retira de Damas vers Himes où il installa son quartier général temporairement. De là, il mobilisa ses forces et décida de chasser les Musulmans en dehors de ses frontières. Jusqu’à ce moment-là, la situation en Syrie était stable, et il n’y avait que quelques accrochages entre les deux antagonistes. Les Musulmans, informés des grandes préparations byzantines, s’arrêtèrent pour demander du secours à Médine et envoyèrent une lettre à Abou-Bakr décrivant la situation en Syrie. Celui-ci décida alors de projeter la moitié des troupes de l’Irak en Syrie avec à leur tête Khaled Ibn al-Walid.Le chemin difficile.Khaled était à Hîra en Irak, de retour de son pèlerinage à la Mecque, lorsqu’il reçut une lettre du calife Abou-Bakr pour aller secourir les armées musulmanes en Syrie, dans laquelle il lui dit: « Pars vite au secours de tes frères en Syrie. Prends la moitié des troupes avec toi et laisse l’autre moitié sous le commandement de Mothanna. Je te donne le commandement de l’armée qui se trouve en Syrie et si Dieu vous donne la victoire, reviens avec tes troupes en Irak». Il est difficile de suivre Khaled dans son voyage d’Irak en Syrie, car les itinéraires donnés par les historiens, la date de son départ, l’effectif de l’armée qu’il emmena avec lui en Syrie et même la chronologie de ses batailles présentent beaucoup de différences. Bien que notre but ne soit pas une recherche historique, mais le génie militaire de ce personnage, nous allons essayer de nous rapprocher de la vérité en analysant les récits des historiens.Khaled commença à faire les préparatifs de son départ pour la Syrie. D’après le contenu de cette lettre, sa mission fut de renforcer l’armée de Syrie. Khaled analysa donc la situation et réalisa le danger que couraient ses frères en Syrie. Il faut partir vite pour gagner du temps. Il fit le partage des troupes entre Mothana et lui selon les ordres du calife, et envoya les femmes et les enfants à Médine avec le quint des dernières batailles ainsi que les nouvelles de son départ pour la Syrie.A l’époque de Khaled, il y avait trois routes pour aller en Syrie à partir de l’Irak. La première, était la grande route entre l’Irak et la Syrie, celle qui longeait l’Euphrate et passait par le sud-est de la Syrie.
Celle-ci était une route stratégique longue, mais facile à parcourir, fertile et abondante en eau. Utilisée pour le commerce entre les deux empires, elle était bien entretenue et bien gardée tout au long, par des postes de surveillances et des sentinelles. La deuxième était, celle qui partait de Hîra en passant par Doumat al-Djandal et arrivait en Syrie par le sud-ouest à Bosra. Celle-ci était la voie la plus longue et la plus sûre, libre d’accès et pas tenue par l’ennemi, mais ne permettait pas à Khaled d’arriver le plus vite possible et de surprendre l’ennemi. La troisième était inoccupée et la plus courte (de Carâcair à Souwa). Mais il aurait fallu franchir une vaste étendue aride, où l’on ne trouvait de l’eau qu’après cinq jours de marche accélérée. Celle-ci était la plus dangereuse, bien qu’elle fusse courte.Il est facile à celui qui connaît le tempérament de Khaled de savoir lequel de ces chemins Khaled allait choisir. Il adopta la troisième solution. Il ne l’avait pas choisi en raison de son caractère aventurier mais parce qu’elle était courte, elle n’était pas tenue par l’ennemi, et surtout elle lui permettait de prendre à revers les forces ennemies.L'exemplarité de ces actions est contradictoire aux descriptions de Glubb dans son livre "Les Grandes Conquêtes Arabes" (la stratégie des Pirates). En fait l’armée musulmane pouvait atteindre ses positions sans que son ennemi ait pressenti le danger venant d’Irak. Les faits indiquant ce choix furent, lorsque Khaled arriva à Carâcair.
Il demanda à ses compagnons : « Comment puis-je avoir un chemin qui me mène derrière les lignes ennemies ? De sorte qu’il ne m’empêche pas de porter secours aux Musulmans ». Nous pensons que Khaled avait demandé à ses compagnons le chemin le plus court qui menait en Syrie à partir de Hîra ou d’Ain at-tamr et non en arrivant à Carâcair, car il est inimaginable que Khaled aille s’aventurer à Carâcair et ensuite demander à ses troupes de traverser le désert entre Carâcair et Souwa. On peut diviser le voyage de Khaled en trois étapes distinctes. La première étape fut de Hîra à Carâcair, la deuxième de Carâcair à Souwa, enfin la troisième fut de Souwa à Mardj Râhit. En d’autres termes, la mise en route, la traversée du désert et la jonction avec l’armée de Syrie. Au début du mois de Safar de l’an treize de l’hégire (avril 634), Khaled quitta Hîra et se dirigea vers Ain at-tamr puis arriva à Carâcair. Là, il fit le partage des troupes entre Mothana et lui. Il y a une divergence d’opinion chez les historiens sur le nombre des combattants qui accompagnaient Khaled en Syrie. Madâini parle de 800 ou 500, Balâthori donne 800, 600 ou 500, Ibn Assakr mentionne 3000, Ibn al-Athir énumère 500, 600, 9000 ou 6000 et enfin Saif parle de 9 000, nombre très exagéré selon De Goeje. Pour déterminer le nombre exact ou l’approcher au moins, il faut revenir en arrière, au commencement de la conquête de l’Irak. Il y avait deux armées qui partaient pour l’Irak, celle de Khaled qui comptait dix-huit mille hommes et celle d’Iyâd Ibn Ghanam, dont les historiens ne donnaient pas le nombre. Mais en comparant l’effectif des divisions des batailles de la Ridda, celles de l’Irak ou celles de la Syrie, on peut se permettre d’estimer l’armée d’Iyâd à pas moins de cinq mille hommes. Cela nous donne un total de vingt-trois mille homme.Selon les ordres d’Abou-Bakr, Khaled devait céder la moitié de ses troupes à Mothana.
En excluant les pertes minimes des Musulmans dans les batailles de l’Irak et les troupes que plaça Khaled dans les villes conquises ou dans les postes de surveillance, le nombre de neuf mille nous paraît logique. Étant donné que la mission principale de Khaled était de secourir l’armée de Syrie, il est inconcevable qu’un commandant tel que Khaled, connaissant la puissance de l’armée byzantine en nombre et en matériel, parte avec une armée peu nombreuse pour secourir ses frères en Syrie qui souffraient patiemment du manque de personnel. Sans oublier que Khaled avait déjà affronté les forces impériales à Mūtah et avait une sorte de revanche à prendre contre les Byzantins.Aussitôt le partage des troupes fait et le retour de Mothana à Hîra, Khaled demanda à ses hommes le chemin le plus court qui menait en Syrie. On lui présenta un guide nommé Rafi ibn Omayrah de la tribu de Tay, qui pendant son enfance avait traversé une fois le désert de Samawa qui se trouvait entre Carâcair et Souwa. (La distance entre ces deux villages est estimée à 400 km de désert.) Il prévint Khaled du danger que présentait une telle aventure, de ne pas exposer ses troupes à une mort presque certaine et qu’il aurait à franchir une vaste étendue aride, où l’on ne trouvait de l’eau qu’après cinq jours de marche. Khaled connaissant les qualités de ses hommes, déterminé à mener à bout sa mission, stimula le courage des troupes par ses paroles. Suivant les conseils de Rafi, chaque homme emporta la provision d’eau nécessaire pour ce laps de temps. Pour satisfaire les besoins des chevaux, Rafi demanda cinquante chamelles parmi les plus grandes et après avoir excité leur soif par plusieurs jours de privation, on les fit boire abondamment, ensuite on leur lia les oreilles et on attacha fortement leurs mâchoires dans le but de les empêcher de ruminer. Avec un tel exploit, Khaled inventa pour la première fois dans l’histoire le concept de chameaux-citernes. Khaled dû surmonter une autre difficulté : la chaleur étouffante du désert. Alors Khaled décida de marcher dès l’après-midi, et toute la nuit en se dirigeant vers le nord-nord-ouest, en suivant l’étoile dite du matin, en faisant reposer ses troupes le jour.
À chaque grande halte, on tuait quelques-unes des chamelles et on servait l’eau contenue dans leur estomac à boire aux chevaux.Le cinquième jour de traversée, arrivée à une vaste étendue sablonneuse, l’armée manquait de provisions, les hommes épuisés par quatre jours de marche accélérée, les hommes et les chevaux étaient assoiffés. Leur guide Rafi, touché par une ophtalmie, ne distinguait plus les objets. Khaled lui demanda : « Où sommes-nous ? » « Nous sommes à Souwa .Répondit Rafi ; Apercevez-vous deux petits mamelons jumeaux ? » « oui » répondit Khaled. Rafi répliqua : « Alors, cherchez aux alentours ! Si vous voyez un arbre qui a la forme d’un homme assis ». Les soldats cherchèrent sans rien trouver. Rafi leur dit : « Quelqu’un l’avait coupé ! ». Après bien des recherches, en creusant autour du lieu indiqué par Rafi, une eau abondante jailli soudain. Rafi tout fier leur dit : « Je ne suis passé par là qu’une fois dans ma vie avec mon père lorsque j’étais enfant ». Cet exploit périlleux fut retracé par un poète musulman de l’armée de Khaled, en évoquant les qualités de Rafi et les hommes qui l’avaient réalisé : « O, l’excellent homme que Rafi ! Comme il nous a bien conduit à travers le désert depuis Carâcair jusqu’à Souwa.
Cinq jours, si une armée essaie de traverser le désert, elle tombera d'épuisement. Le chemin de deux jours abrégé par un jour, par des marches de l’après-midi au lendemain. Personne avant-toi (Rafi) n’avait osé cette traversée ».La troisième étape de voyage reprit après une halte d’une journée à Souwa, afin de permettre à l’armée de récupérer. A l’aube, l’armée plia bagage, et se dirigea vers Arak, ensuite vers Tadmor ( Palmyre ), qui était une ville ancienne bien fortifiée. Après un léger accrochage, les habitants s’enfermèrent derrière les murailles de la ville. Les musulmans campèrent aux portes de la ville. Le lendemain, Khaled accompagné d’une poignée de cavaliers fit le tour de la cité, mais constatant la solidité des murailles, il décida de reprendre sa route car le siège d’une ville bien fortifiée allait prendre beaucoup de temps et le détourner de sa mission principale (le secours de l’armée de Syrie). Il ordonna le départ de ses troupes, puis s’approchant des murailles, il s’adressa aux habitants en disant : « Ô habitants de Tadmor ! Si vous étiez dans les nuages, Dieu nous porta vers vous, ou vous en ferait redescendre et nous vous vaincrions. Néanmoins, j’ai l’intention de me porter auprès de mes compagnons en Syrie, car je leur ai déjà écrit et informé de ma venue et ils m’attendent avec impatience. Je jure à Dieu, si vous ne vous réconciliez pas cette fois-ci, je reviendrai plus tard après avoir terminé avec mes compagnons, je vous tuerais et je capturerais vos femmes et enfants. Je vous préviens, je suis Khaled Ibn al-Walid, peut-être vous avez déjà entendu parler de moi ». Au moment où Khaled s’apprêtait à partir, les habitants crièrent de toute leur force : « Revenez ! nous nous réconcilions avec vous, selon vos conditions. » Khaled accepta leur proposition et signa un traité avec eux. Ensuite, il continua sa route en longeant les côtés est des chaînes de montagne au sud de Tadmor, vers al-Caryatain-Howwarain. Arrivé à Merdj Râhit, le dimanche 24 avril 634 (20 safar de l’an 13 de l’hégire), il surprit les Gassânites chrétiens pendant qu’ils célébraient la fête de Pâques. Après les avoir vaincus et disséminés, il se dirigea vers le sud dans le but de faire la jonction de l’armée musulmane qui assiégeait la ville de Bosra.
Quelques jours après l’arrivée de Khaled à Bosra, la ville se rendit après une légère résistance.C’est ainsi que Khaled avait fait son entrée en Syrie après un voyage qui n’avait duré que dix-huit jours, depuis Hîra jusqu’à Merdj Rahit. Arrivé à Bosra , il fit la jonction avec l’armée de la Syrie et prit le commandement de l’ensemble des forces. « Où sa présence changea bientôt toute la face des affaires. Sa grande réputation ranima le courage des troupes, qui semblèrent n’avoir rien à craindre sous la conduite d’un tel Général ». Khaled commença une guerre d’usure contre les Byzantins, il fractionna son armée et la fit disperser en Syrie et Palestine. Il laissa une garnison à Bosra sous le commandement de Shorahbîl. Il envoya Yazid faire irruption dans Balcâ et ordonna à Amr de faire de-même en Palestine. Quant à Abou-Obéidah et Khaled, ils restaient dans le Ghouta de Damas dans le but d’assiéger la ville de Damas. La bataille d’Adjnadyn.Les Byzantins voyant que les armées musulmanes opéraient séparément, décidèrent alors d’envoyer deux armées. La première, sous le commandement du gouverneur d’Emèse, un certain Wardan ou (Verdan), se dirigeait vers Bosra. La deuxième, sous le commandement de Théodore, le frère de l’empereur, se trouvait dans la pente de Djilak, au Nord de la Palestine. Le but de la première armée était d’essayer de reprendre la ville de Bosra. Et si ce plan réussissait, les armées de Khaled et Abo-Obéidah qui assiégeaient la ville de Damas, seraient isolées. Quant à la deuxième armée byzantine, son but était d’empêcher l’armée d’Amr Ibn al-Âci qui opérait en Palestine de remonter vers le Nord. Les nouvelles parvinrent à Khaled qu’Héraclius avait déjà envoyé deux armées pour barrer les routes des Musulmans.
Après la réunion de son conseil de guerre, Khaled décida de lever le siège de Damas, de retirer au plus vite l’armée de Shorahbil qui se trouvait à Bosra, et écrit de même aux deux autres commandants Amr et Yazid en leur donnant Adjnadyn, comme point de regroupement.Pour sa première grande bataille contre les Byzantins et avec les décisions qu’il venait de prendre, Khaled voulut céder provisoirement les terrains conquis, concentrer toutes ses forces en un point donné (Adjnadyn), et combattre l’ennemi en laissant son dos au désert qu’il connaissait très bien. En cas de malheur, il pourrait retirer ses troupes sans que l’ennemi ose le poursuivre ou s’aventurer dans le désert de l’Arabie.Aussitôt les ordres donnés, l’armée musulmane leva le siège de Damas. Khaled suivant les conseils d’Abou-Obéidah, partit avec l’avant-garde, laissant l’arrière-garde avec ce dernier. Dès que le commandant de la garnison de la ville vit les musulmans se mettre en marche, il décida d’attaquer l’arrière-garde musulmane où se trouvaient tous les bagages, les femmes et les enfants, un objet fort précieux à n’importe quelle armée. Les Byzantins attaquèrent l’arrière-garde musulmane et arrivèrent à l’encercler. Les Musulmans se battirent avec fureur pour défendre leurs femmes et enfants. Malgré les efforts fournis par les Musulmans, les Byzantins parvinrent à faire quelques prisonnières parmi les femmes et de s’emparer d’une partie de la caravane de matériels. Khaled fut instruit de ce fait, fit demi-tour avec une bonne partie de ses cavaliers à la poursuite des Byzantins qui essayaient à rejoindre Damas, et il parvint enfin à les rattraper ensuite les anéantir et récupérer tous ce qu’ils avaient pris.Après cette épreuve difficile aussi bien pour les Musulmans que les Byzantins, Khaled décida de marcher au plus prés de l’arrière-garde, et en même temps d’accélérer le pas, afin d’arriver au plus vite Adjnadyn.
Dans le camp byzantin, Verdan qui devait attaquer Bosra, fut informé de l’évacuation rapide des troupes musulmanes de la ville, il changea sa direction et se porta lui aussi à Adjnadyn où il prit le commandement de l’ensemble des forces byzantines qui s’élevait à soixante-dix mille hommes, tandis que l’armée musulmane ne comptait que trente-sept mille hommes. Dès son arrivée, Verdan s’était cantonné à quelque distance des Musulmans, il fit reposer ses troupes et se contenta d'observer le camp musulman.La clarté des ordres donnés par Khaled, les qualités de ses hommes et surtout la précision des mouvements exécutés par les Musulmans, lors de la descente vers Adjnadin émerveille beaucoup d’historiens. Parmi ceux-là, l’Abbé De Marigny : «Les renforts que Khaled avait mandés de toutes parts, eurent le temps d’arriver. Et cette augmentation de forces mit les Musulmans en état de tout entreprendre contre les Chrétiens. Ce qu’il y eut de surprenant, c’est que ces différents secours qui étaient partis de divers endroits, la plupart fort éloignés les uns des autres, arrivèrent tous cependant à Adjnadyn précisément le même jour ».La Bataille d’Adjnadyn s’est déroulée, le 28 de Djomâda 1er de l’an 13 de l’hégire (30 juillet 634). Les deux armées s’étaient observées durant trois à quatre jours auparavant. Khaled résolut d’attaquer l’ennemi en premier, cependant il était d’avis de se mettre à la défensive jusqu’à midi ensuite entamer une contre-attaque sur l’ennemi. La veille, il passa en revue ses troupes et désigna les postes des officiers généraux ; Abo-Obéidah fut chargé de la conduite du cœur, l’aile droite sous le commandement de Moath Ibn Djabal, l’aile gauche fut confié à Said Ibn Amir, la cavalerie sous le commandement de Said Ibn Zaid et enfin il plaça 4 000 hommes avec à leur tête Yazid Ibn Abou-Soufiyan, pour garder le camp musulman. Le jour de la bataille après avoir fait la prière du matin, Khaled rassembla ses hommes et parcourut ensuite tous les rangs, afin d’inciter le courage de ses soldats. Après avoir fait ces préparatifs, Khaled se plaça au centre du dispositif musulman en gardant auprès de lui les officiers supérieurs.Lorsque les deux armées furent face à face et attendirent le signal pour débuter le combat, un prêtre portant une coiffure noire, sortit des rangs et demanda une conférence avec le commandant musulman. Khaled se présenta devant lui. Le prêtre lui demanda : « Êtes-vous le commandant de cette armée ? Khaled répondit : On me considère comme tel, tant que je serai fidèle à Dieu et à son prophète. Et si je manque à mes obligations, je n’ai aucune autorité sur les Musulmans. Sachez, vous les Arabes, reprit le prêtre, vous êtes venus conquérir un terrain que personne n’a jamais essayé de s’approprier. Les Perses avaient déjà tenté, cependant ils en sont revenus effrayés.
D’autres aussi nous ont combattus mais ils ont perdu leur vie sans résultat. Vous nous avez battus jusque là, néanmoins la victoire ne sera pas votre alliée tout le temps. Monseigneur Verdan sera généreux avec vous, il m’a envoyé vous informer que si vous vous retiriez d’ici, il donnerait à chacun d'entre vous, un dinar, plus un habit et un turban. Quant à vous, on vous donnera cent fois plus. Le prêtre ajouta :"Regardez, nous avons une armée nombreuse, elle n’est pas semblable aux celles que vous avez affrontées, car notre empereur a sélectionné les meilleurs parmi ses généraux pour la commander. Khaled répondit fermement, vous avez un choix parmi trois ; L’Islam ou payer le tribut ou le sabre. Sans ces conditions, les Musulmans ne quitteront pas la Syrie, et à propos des cadeaux dont vous avez parlé, soyez certain, par la volonté de Dieu, que dans peu du temps nous les posséderons ».Le prêtre retourna porter les réponses de Khaled à son maître Verdan, qui se mit en colère et jura d’écraser les Musulmans par une attaque violente. Il ordonna à ses archers de prendre position en première ligne, de sorte que les Musulmans soient à la portée de leurs flèches. Lorsque les Musulmans virent les Byzantins se positionner, ils voulurent les attaquer, mais Khaled les arrêta en disant : « Attaquez sur mon ordre, et ça ne sera qu’après que le soleil dépasse le zénith ».Deux heures avant-midi le combat commença par une salve de traits, lancée par les archers byzantins, qui tua ou blessa bien du monde, ensuite les Byzantins lancèrent une attaque sur l’aile droite puis l’aile gauche, toutefois les Musulmans se défendaient bien.Par sa manœuvre défensive, Khaled encaissa tranquillement les deux attaques dans le but de gagner du temps jusqu’au début de l’après midi, cependant la colère commença à jaillir parmi ses troupes. Un officier avança vers Khaled lui disant : « jusqu’à quand nous restons immobile face à ses attaques incessantes de l’ennemi ? Ils nous ont lancé leurs flèches, si bien que les chevaux sont pris de panique et il nous est impossible de monter à cheval ». À ce moment-là, pour gagner plus du temps, Khaled avança vers ses cavaliers et leur proposa de faire un combat singulier avec les Byzantins. Les deux armées rejoignirent leurs emplacements et les duels débutèrent entre eux. Les Byzantins perdirent une partie de leurs meilleurs officiers dans ces combats singuliers qui prirent fin en début de l’après-midi.
A la fin de ces duels, Khaled décida de lancer une attaque générale. Mais, « avant de se décider à prendre l’offensive, on devra donc évidemment peser toutes les conditions indispensables à sa réussite. Si l’on ne constate pas qu’on remplit au moins le plus grand nombre d’entre elles, on obtiendra difficilement un succès». Alors quelles sont les conditions de la réussite que Khaled devait remplir ?Pourquoi avant le combat, Khaled fixa comme but à ses hommes, la défense jusqu’à midi ensuite lancer une attaque générale ? Il y a peut-être deux explications pour une telle décision. Il est fort possible que les positions musulmanes étaient face à l’est et les positions ennemies étaient face à l’ouest. C’est-à-dire, dès le matin, ses hommes seraient éblouis par le soleil, sans oublier que le combat s’est déroulé en un mois de juillet avec une chaleur accablante. Et il est de coutume que l’assaillant produise plus d’efforts que le défenseur. Pour l’autre explication, les historiens rapportent que Khaled a choisi de se mettre à la défensive ensuite attaquer, en se référant aux moments préférés du prophète, et en connaissant l’attachement que portent ses hommes à ce dernier.L’action menée par les musulmans tourna à leur avantage, bien qu’ils soient moins nombreux que leurs adversaires. Le combat dura jusqu’à la fin de l’après-midi, moment à partir duquel les deux armées se retirèrent chacune dans leur camps et les actions hostiles cessèrent pour cette journée.Les pertes ennemies étaient considérables, raison pour laquelle Verdan réunit son conseil de guerre dans le but de trouver une solution à cette crise. Il décida de tramer un complot pour assassiner Khaled selon un plan dessiné par lui et ses principaux généraux.
Ce fier musulman était le fléau des Chrétiens, et ce n’était pas sans raison que Muhammad saws l’avait surnommé l’épée de Dieu. Mais comme il n’était pas aisé d’entreprendre de se défaire de ce général, en l’attaquant en brave, Verdan voulait le prendre en traître ». Conformément au plan; Verdan envoya un député chez Khaled demandé une conférence avec lui pour le lendemain. En même temps, Verdan comptait envoyer pendant la nuit dix cavaliers qui se mettraient en embuscade aux environs de l’endroit où la conférence devait avoir lieu, et lorsque Verdan donnerait le signal pendant cette prétendue conférence, les cavaliers devaient tuer Khaled.Le député divulgua tout le plan byzantin à Khaled, en échange d’épargner sa vie et celle de sa famille lorsque les Musulmans gagneraient le combat. Khaled le fit retourner chez Verdan en lui ordonnant de transmettre son accord pour la conférence. D’abord Khaled envisagea d’aller seul tuer les cavaliers byzantins, mais quand il étudia l’affaire avec son conseil de guerre, il fut convenu de tout le monde d’envoyer dix hommes au lieu de l’embuscade pour déjouer le plan de Verdan. A minuit, les Musulmans chargés de régler cette affaire se portèrent du côté de l’embuscade et tuèrent les cavaliers byzantins qui étaient en train de dormir à ce moment là. Revêtant leurs habits, ils se mirent à leur place et rendirent compte à Khaled de la fin de leur mission.
Le jour levé, les deux armées étaient en ordre de bataille. Les Musulmans indignés de l’infâme plan dessiné par les Byzantins pour tuer leur chef, juraient entre-eux de s’en venger. Khaled avança vers le point de rendez-vous proposé par Verdan, et les deux commandants arrivèrent presque en même temps. Khaled demanda à Verdan ce qu’il avait à lui proposer. Verdan essaya d’abord de faire peur aux musulmans en évoquant la force de son armée, la situation difficile que vivent les Arabes, que ces derniers n’étaient à la hauteur des Byzantins et qu’ils feraient mieux de retourner chez eux. Khaled lui répondit en se levant : « Ô misérable Byzantin, je ne suis pas venu pour entendre des choses qu’on a déjà tant de fois rejetées. C’est ta dernière chance d’être musulman ou payer le tribut, sinon les armes décideront la querelle ». Ensuite, Verdan voyant Khaled sabre à la main sur le point de partir, ne voulait pas laisser passer cette occasion tant attendue. Il cria à ses cavaliers cachés, sans rien savoir de ce qui s’était passé la nuit. Dix hommes habillés en Byzantins sortirent derrière une petite colline et s’approchèrent d’eux. Verdan fut ravi de voir son plan jusque là réussir, mais lorsque ces hommes approchaient davantage, il comprit son erreur : ces hommes n’étaient que des Musulmans déguisés. Sachant à cet instant-là que son plan avait été déjoué par les Musulmans, il demanda quartier à Khaled, que ce dernier ne le lui accorda point. Un officier parmi les dix cavaliers musulmans lui coupa la tête par un coup de sabre.Le style de Khaled dans le combat reposait sur le choix du moment propice à l’attaque, car « une fois qu’on l’a laissé échapper, ne revient pas de sitôt, pas plus à la guerre que dans la vie de tous les jours ». Toutefois, dès qu’il avait n’importe quel avantage tactique sur son adversaire, il l’exploitait à outrance. Cependant lorsque les possibilités de manœuvre furent limitées pour des raisons diverses, il utilisa l’arme psychologique. Ainsi il tuait le chef d’une armée ou plusieurs de ses grands généraux, puis, après avoir concentré ses forces, il exploitait le choc psychologique infligé à l’ennemi en donnant l’assaut. C’est ce qui est passé dans cette bataille. Lorsqu’il tua Verdan, il donna le signal de l’attaque générale, l’ensemble des troupes musulmanes se lancèrent avec ardeur dans la bataille à l’exception des quatre mille hommes de Yazid qui était en réserve. Khaled et ses généraux donnaient l’exemple de courage et d’intrépidité à ses hommes, ils combattaient au-devant d’eux. Les Musulmans frappaient violemment les formations byzantines, qui après la mort de leur chef combattaient désespérément pour repousser ces attaques. Finalement, lorsque Khaled engagea la réserve, le combat tourna au profit des Musulmans, qui avec ce renfort, arrivèrent à faire des percées dans plusieurs secteurs ennemis. La résistance byzantine s’affaiblissait lentement, ensuite, après la mort de leur deuxième chef, les soldats commencèrent à prendre la fuite, les Musulmans à leur poursuite.
Selon Al-Azdi223, les fuyards s’étaient divisés en quatre groupes pour rejoindre les villes de, Jérusalem, Damas et Emèse.C’est ainsi que Khaled gagna sa première grande bataille contre les Byzantins. Cette victoire bien que les historiens ne rapportent pas grande chose sur la tactique employée de part et d’autre, ouvrit la route pour la conquête de Syrie. La Bataille de Yarmouk. Nous avons décidé de parler de cette bataille à la fin de ce chapitre, car elle est considérée comme le chef-d’œuvre qui a couronné les opérations de Khaled en Syrie, en rendant les musulmans maîtres de ce pays.Tout d’abord, il est important de situer cette bataille dans la chronologie des actions musulmanes en Syrie. Au début de l’an quinze de l’hégire (636), d’une part les musulmans contrôlèrent une grande partie du territoire de la Syrie, à l’exception de la bande littorale qui composait le Liban actuel, et une partie de la Palestine comme Jérusalem et les villes avoisinantes, avec environ 36 000 hommes ; d’autre part, les Byzantins avaient mobilisé 240 000 hommes, composés de plusieurs éléments, de Byzantins, d’Arméniens, Syriens et d’Arabes chrétiens, dans le but de chasser les musulmans et de reconquérir les villes. Le commandement en chef de cette armée avait été confié à Bâhân ou Mâhân. Les Musulmans, bien informés de cette situation, étaient à ce moment là, fractionnés en quatre corps d’armée ; Amr Ibn al-Âci était en Palestine, Shorahbîl en Jordanie, Yazid au nord à Qaysariah, Abou-Obéidah et Khaled étaient à Emèse. Avec une telle dispersion, les Musulmans étaient exposés à la destruction un par un, et ne pouvaient pas défendre tout ce grand territoire face à un assaillant aussi déterminé.
Cependant la stratégie musulmane, était d’abandonner temporairement le terrain dans le but d’anéantir l’ennemi, tandis que la stratégie adverse était de reprendre ce qu’il avait perdu auparavant. C’est pourquoi, lors de la réunion du conseil de guerre, les Musulmans décidèrent, sur une proposition de Khaled, un repli tactique afin de concentrer leurs troupes sur Yarmouk et être le plus prés possible du désert de l’Arabie, par lequel « ils pourraient recevoir les courriers et les secours» de Médine, ou même de s’y retirer si la situation leur étaient défavorable. Par leur repli, les Musulmans créèrent un « vide »devant les Byzantins dans le but de les attirer dans le piège qu’ils leur avaient préparé à Yarmouk et de les faire éloigner de leurs bases.Avant de se retirer, les Musulmans rendirent aux habitants d’Émèse, les contributions qu’ils avaient déjà recueillies « le Khradj » en leur disant : « nous ne sommes pas en mesure de vous protéger ni de vous défendre, on vous laisse à vos propres forces ». Les habitants d’Émèse répondirent : « votre gouvernement et votre justice nous sont plus favorables que l’injustice et l'asservissement auxquelles nous étions exposés auparavant ». Les musulmans firent de même pour les autres villes abandonnées, en expliquant aux habitants les raisons pour lesquelles ils leur rendent les contributions. Cela montre comme le précise De Goeje que « La disposition des esprits en Syrie était très favorable aux Arabes, et ils l’avaient mérité, car la douceur avec laquelle ils traitaient les vaincus, contrastait fortement avec la tyrannie mesquine des maîtres précédents ».Les troupes musulmanes entamèrent leur retraite des villes et se regroupèrent à al-Djabya puis se dirigèrent vers Yarmouk où elles établirent leur camp « derrière la rivière et en laissant la ville d’Athroat dans leur dos ». Ensuite arrivèrent les byzantins qui dressèrent leur camp « entre le monastère d’Ayoub et Yarmouk ». Avant d’analyser cette bataille, il nous apparaît nécessaire de décrire sommairement le champ de bataille; La plaine de Yarmouk qui séparait les deux armées, n’était qu’une plaine ondulée moyennement élevée de 500 à 750 mètres, entourée de ses côtés ouest et sud par des ravins profonds. À l’ouest se trouvait Wâdi (vallée) al-Ruqad qui n’était qu’un ravin très profond, qui s’étendait sur 25km et se liait avec la rivière Yarmouk à la hauteur de Yacouça puis le lac de Tibériade. Au sud se trouvait la vallée de Yarmouk dans laquelle la rivière de Yarmouk s’écoulait.
Elle prenait sa source à Jilin à l’est, ensuite se dirigea en zigzagant vers l’ouest sur une longueur de 30km en se joignant avec la vallée d’al-Ruqad à la hauteur de Yacouça, puis se versa dans la rivière de Jourdan au sud du lac de Tibériade. Une colline appelée al-Samên d’une hauteur de 150m contrôlait la plaine de Yarmouk et offrait un point d’observation du champ de bataille. Après la bataille, cette colline après la bataille prit le nom de « colline de Rassemblements », parce que pendant la bataille de nombreux Musulmans s’y rassemblèrent. « Durant un mois » les deux formations sont restées face à face, en se préparant pour le combat et en s’observant. Simultanément, les pourparlers entre les deux commandants adverses n’ont eu aucun résultat. Avant cette bataille, les Arabes utilisaient les formations traditionnelles, c’est-à-dire l’organisation de l’armée en « avant-garde, centre, ailes et arrière-garde ». On utilisait aussi la formation serrée et l’attaque sans repli. Mais Khaled avait l’expérience des batailles précédentes qu’elles soient en Irak ou en Syrie. Il remarqua que ses ennemis étaient bien organisés, bien équipés et utilisaient un style différent, de celui qui était employé par les Arabes. Il décida alors pour cette bataille d’emprunter le style de l’ennemi et le mélanger avec son style. « Il adopta pour la première fois dans l’histoire arabe » l’organisation de son armée en Kardoss. « Il forma trente-six à quarante Kardoss», « chaque Kardoss est composé de mille hommes », en respectant l’unité tribale dans chaque bataillon.Il plaça à l’avant-garde Qobath Ibn al-Asham, le centre fut commandé par Abou-Obéidah, l’aile droite fut commandée par Amr Ibn al-Ace, l’aile gauche fut commandée par Yazid Ibn Abou-Sofyân, l’arrière-garde fut commandée par Said Ibn Zohair et enfin la cavalerie fut commandée par Khaled lui-même. De plus, pour maintenir le moral de ses hommes, il nomma des lecteurs du Coran avec à leur tête al-Moqdad Ibn al-Asowad.
« À l’avant, il aligna les soldats sur trois lignes, une ligne composée d’archers, la deuxième, les porteurs de sabres, la troisième, les porteurs de lances» et il plaça des cavaliers dans les intervalles qui se trouvaient entre ses formations.Le centre de l’armée byzantine étaient composée de fantassins et « organisée en vingt lignes », précédé par les archers et couvert par les cavaliers qui formaient les deux ailes. « L’aile droite fut commandée par Ibn Qanatir, l’aile gauche fut commandée par Djeredja (Georgius) chef des troupes arméniennes», « l’avant-garde, composée de tribus de Lakhum et Djotham, fut commandée par Djabala Ibn al-Ayham » . La bataille s’est déroulée le cinq du mois de Radjab de l’an quinze de l’hégire « août 636 ». Parmi les Musulmans, il y avait des Arabes chrétiens qui s’étaient convertis à l’Islam auparavant. Ces Arabes, en raison de leur teint plus clair que ceux du désert, pouvaient entrer et sortir des deux camps sans qu’on les aperçoive. Ils étaient utilisés comme des espions de part et d’autre. « Un jour avant le combat, Khaled les envoya dans le camp ennemi, dans le but de se renseigner sur les Byzantins. À minuit, ils revinrent à Khaled l’informer que dès l’aube, l’ennemi allait les attaquer et il était en train de se préparer pour demain ».Dès qu’il apprit la nouvelle, il mobilisa ses troupes durant la nuit. À l’aube, les Musulmans accomplirent la prière de l’aube, ensuite, les commandants des formations, chacun dans son coin, essayèrent d’inciter le courage de leurs soldats, soit par des Versets du Coran soit par leur parole. Au levé du jour, Bahan était déjà prêt pour le combat (avec la même organisation que nous avons décrit plus haut).
Et lorsque Khaled vit de loin les formations ennemies s’approcher comme « une nuée de sauterelles noires», « en lançant des cris comme le grondement du tonnerre », il retourna précipitamment auprès des femmes musulmanes qui se trouvaient sur une colline et leur dit : « Dès que vous voyez venir un fuyard vers vous, tuez-le ». Puis, il se dirigea vers Abou-Obéidah et lui dit : « Je vois que ces gens sont venus nombreux, résolus, et lancent des cris qui montrent leur détermination. En outre, mes chevaux ne sont pas nombreux et ne peuvent rien faire face à leurs chevaux. Pour cela, j’ai l’intention de partager mes chevaux avec Qaiss Ibn Habirah, ensuite nos chevaux restent derrière l’aile droite et l’aile gauche et lorsque l’ennemi attaque, Dieu raffermira les pas des soldats jusqu’à la fin de l’élancement de l’attaque. À ce moment-là, j’attaquerai avec mes chevaux ». Il ajouta (à Abou-Obéidah) : « Je juge utile que tu cèdes ta position à Said Ibn Zaid et que tu sois en arrière, car si les Musulmans sont informés que tu es derrière-eux, par pudeur de Dieu et puis de toi, ils n’oseraient pas s’enfuir ».Al-Waqidi rapporte que la bataille s’est déroulée sur plusieurs jours. Le premier jour commença par les duels et quelques accrochages. Le combat du deuxième jour, débuta par une attaque de « l’aile gauche byzantine sur l’aile droite musulmane, qui était composée des tribus d’Azd, de Moth’hidj et de Hadramout. Mais les Musulmans tenaient fermes, les Byzantins se renforçaient par un deuxième bataillon puis par un troisième. A ce moment-là, une partie de l’aile droite musulmane se replia vers le centre et l’autre partie vers l’arrière ». En ce moment, les femmes musulmanes jouèrent un rôle capital pour faire revenir au combat les gens qui abandonnaient leur poste. Elles les accueillirent avec des piquets de tente, et leur lancèrent des pierres.Lorsque Khaled remarqua le désordre à l’aile droite musulmane, il initia une contre-attaque sur l’aile gauche ennemie et parvint, après des attaques successives, à rétablir la situation. Le troisième jour, l’aile gauche musulmane a connu, elle lui aussi, les mêmes situations.
Elle a subi une attaque de l’aile droite byzantine, et les femmes musulmanes ont rempli le même rôle qu’auparavant. Qaiss Ibn Habirah initia de son côté une contre-attaque avec ses cavaliers sur les Byzantins, et réussit à les repousser.Le quatrième jour appelé « la journée des borgnes» commença par des duels au cours desquels, les Musulmans prirent l’avantage. La perte de plusieurs commandants de qualité mit Mahan en colère. Il ordonna à ses archers de lancer « cent mille flèches d’un seul trait. Elles tombaient comme une tempête de grêle sur les Musulmans». On dénombra chez les Musulmans sept cent borgnes.Le cinquième jour de la bataille, « Il y avait du brouillard ce jour-là». Khaled décida de porter une attaque générale car il savait que « Jamais la victoire ne couronna les efforts passifs de ceux qui adoptèrent la défensive, toujours elle passa au camp de ceux qui agirent offensivement ».Il ordonna aux commandants du centre et des deux ailes le signal de l’attaque générale, en laissant la liberté du manœuvre pour ses cavaliers, puis, il ordonna à Qaiss Ibn Habirah (commandant de la deuxième division de cavalerie) d’attaquer la cavalerie de l’aile gauche ennemie. Il voulait, par cette manœuvre, priver l’infanterie ennemie de l’appui de leur cavalerie. « les Grecs se battirent avec toute la fureur qu’il inspire le désespoir, ces derniers furent contraints à céder à la bravoure des Arabes, qui honteux d’avoir paru plier aux premiers efforts de l’ennemi, réparèrent glorieusement dans la fuite les fautes qu’ils avaient pu commettre au commencement des attaques » Au moment où l’aile droite musulmane attaqua l’aile gauche ennemie, Qaiss effectua son attaque, Khaled exécuta un mouvement tournant sur l’aile gauche ennemie. L’aile gauche byzantine qui était composée de combattants slaves, qui se battirent avec ardeur, mais en raison de l’absence de l’appui de leur cavalerie, ils ont reculé sur le centre de l’armée byzantine, composée d’Arméniens.Par cette manœuvre, Khaled réussit de tourner l’aile gauche ennemie, de neutraliser et mettre hors de combat la cavalerie.Lorsque Mahan remarqua la fuite d’une partie de sa cavalerie, il essaya de rassembler ce qui lui restait de cavaliers dans une division, pour faire une contre-attaque et rétablir la situation en sa faveur. Cependant avant qu’il parvînt à rassembler ses troupes, la cavalerie musulmane essayait déjà de les disperser par des attaques frontale et latérale.Finalement, la cavalerie lourde byzantine réalisait l’impossibilité de faire la différence face à la rapidité et la légèreté de la cavalerie musulmane, « elle prenait la fuite, en laissant leur infanterie sur place ». Le combat avait duré « Du matin» jusqu’à « L’écoulement d’une grande partie de la nuit», et la fuite de la cavalerie romaine se passa « Juste avant le couché du soleil».
« Lorsque les Musulmans virent la cavalerie romaine prendre la fuite, ils lui avaient cédé le passage », ne voulant ni l’arrêter, ni la poursuivre. Ensuite, les Musulmans ont attaqué l’infanterie romaine, l’enveloppant par leur cavalerie et leur infanterie. Les Romains avaient pris la fuite et « S’étaient précipité vers les ravins de Yarmouk », « Dans l’obscurité de la nuit ». L’infanterie romaine était composée en grande partie de groupes enchaînés, chaque groupe était composé de dix soldats et « dès qu’un ou deux soldats de ses groupes tombaient, ils emportaient avec eux le reste de la chaîne ». Saif chez Tabari rapporte que le combat dura jusqu’au lever du jour. Certains historiens ont évalué la perte chez les Byzantins à cent vingt mille soldats de Yarmouk tandis que d’autres donnent le chiffre de soixante-dix mille. La perte chez les Musulmans s’évaluait à « trois » ou « quatre mille ». « La défaite des Romains avaient été complète. L’infanterie était anéantie et il ne restait que la cavalerie, qui s’était sauvée en grande partie, mais seulement en fuyant précipitamment dans toutes les directions, vers Damas, vers Césarée vers Jérusalem et même vers Antioche». Le lendemain, Khaled et ses cavaliers poursuivirent les fuyards de l’armée romaine jusqu’à Emèse en passant par Damas. Lorsque Héraclius apprit la nouvelle de la défaite, il quitta Antioche et se rendit à Constantinople en disant : « Avant, je vous ai dit au revoir, mais aujourd’hui, je vous dit, Adieu ma Syrie, belle province, tu es à l’ennemi ».Sans aucun doute, la bataille de Yarmouk a été décisive dans la mesure où elle a occasionné une transformation capitale et durable. Car après cette bataille, les Musulmans étaient devenus les maîtres de la Syrie et les Byzantins ont cédé une grande partie de leurs territoires aux Musulmans, qu’ils soient en Syrie ou plus tard en Afrique du Nord.
http://www.stratisc.org/tri_alsuwaidi_6.html [www.stratisc.org]
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