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Le Comité contre la torture de l’ONU met à nu le dispositif de répression en Algérie


Alkarama for Human Rights, 19 mai 2008

Alkarama se félicite des observations finales du Comité contre la torture publiées le 16 mai 2008. Elles reflètent largement ses propres préoccupations face à la situation des droits de l’homme en Algérie.
Les experts indépendants s’étaient réunis début mai pour examiner le rapport périodique du gouvernement algérien, présenté avec huit ans de retard. Auparavant, une rencontre avec les ONG de défense des droits de l’homme à laquelle Alkarama a participé avait permis à celles-ci d’exprimer leurs préoccupations.

En dépit des efforts de la délégation algérienne et de son chef Idriss Jazaïri pour présenter le pays comme un havre de démocratie dans lequel « l’Etat algérien a utilisé toutes les ressources légales pour lutter contre le terrorisme » et « placé le droit à la vie au dessus de toute considération », les experts du Comité ont souligné les graves violations de principes fondamentaux. M. Jazaïri en a même perdu toute contenance, attaquant personnellement les experts indépendants et en particulier Madame Belmir Saadia l’experte marocaine, tout en reprochant aux membres du comité d’être « subjectifs » et mus par des « préjugés ».

Le Comité constate dans ses Observations finales que la définition du terrorisme est peu spécifique et permet de criminaliser des agissements ne relevant pas du terrorisme. De même que le maintien de l’état d’urgence est préoccupant notamment parce qu’il « se manifeste toujours, entre autres, par la délégation des fonctions de la police judiciaire aux agents du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), lesquels, selon les informations reçues, seraient à l’origine de nombreux cas de torture… ».

Ces agents du DRS se trouveraient, selon les membres de la délégation algérienne sous le contrôle du Procureur général. Cette affirmation n’a pas manqué de faire sourire les personnes présentes dans la salle et en particulier les journalistes et représentants d’ONG au fait de la pratique algérienne. Le Comité, pour sa part, se référant aux témoignages reçus, a recommandé que « tous les lieux de détention, y compris ceux régis par le DRS soient placés sans délai sous le contrôle de l’administration pénitentiaire civile et du parquet ». En dépit des vaines tentatives du représentant algérien de nier l’existence de centres de détention secrets, le Comité onusien a demandé aux autorités gouvernementales d’« enquêter sur les allégations concernant l’existence de centres secrets régis par le DRS ».

Le Comité contre la torture rejoint ainsi dans ses conclusions le Comité des droits de l’homme qui avait également épinglé l’Algérie sur cette question particulièrement sensible. Il s’agit, à n’en pas douter, d’un échec cinglant du représentant de l’Algérie dont toutes les tentatives, souvent maladroites, n’ont en fait servi qu’à conforter l’instance onusienne dans ses convictions.

Le code pénal dans lequel a été intégrée la loi antiterroriste de septembre 1992, a également retenu l’attention ; il comprend, selon les experts, des dispositions en contradiction avec les principes de la Convention contre la torture ratifiée par l’Algérie. Il en est ainsi du délai de garde à vue qui peut atteindre 12 jours (et le dépasse souvent), de la fixation de la majorité pénale à 16 ans. De même, certains principes n’ont pas été introduits dans la législation algérienne : le Comité fait référence au droit à un avocat lors de la garde à vue, ou l’interdiction expresse d’utiliser des aveux extorqués sous la torture dans des procédures judiciaires.

Le Comité a relevé positivement l'existence de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme. Il conseille toutefois de renforcer son indépendance pour lui permettre notamment de jouer son rôle de surveillance de l'application des conventions y compris celle contre la torture. Aussi recommande-t-il de publier et diffuser ses rapports annuels.

L’organe onusien s’est déclaré particulièrement préoccupé par certaines dispositions de l’ordonnance d’application de « la charte pour la paix et la réconciliation nationale », notamment celles relatives à l’exonération de poursuites dans les cas de « crimes tels que la torture, y compris le viol, et la disparition forcée qui sont des crimes imprescriptibles ». Il préconise que « l’Etat partie devrait prendre sans délai toutes les mesures nécessaires » pour garantir que ces crimes, passés ou récents « fassent l’objet d’enquêtes systématiques et impartiales, que les auteurs de ces actes soient poursuivis et sanctionnés… »

Dans le dossier spécifique des disparitions forcées, le Comité relève les contradictions dans les chiffres indiqués par l’Etat qui varient entre 4000 et 7000. Il demande que les listes de disparus ainsi que le rapport de l'instrument ad hoc sur les disparitions soient rendus publics. Aussi recommande-t-il que des enquêtes soient initiées par les autorités judiciaires sans dépôts de plainte au préalable, que les familles soient informées des résultats des enquêtes et que les responsables soient sanctionnés. L’organe onusien rappelle que la disparition forcée constitue une forme de torture pour les familles et il est particulièrement préoccupé par l’obligation de celles-ci à attester de la mort de leur parent pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation. Cette disposition peut constituer « une forme de traitement inhumain et dégradant en les exposant à un phénomène de survictimisation »
Le décès sous la torture de Mounir Hammouche, dont le cas avait été communiqué par Alkarama au Rapporteur spécial sur la torture, a particulièrement retenu l’attention du Comité. Celui ci demande aux autorités algériennes de fournir à la famille le rapport d’autopsie qu’elle sollicite en vain depuis plus d’un an. A partir de ce cas, le Comité formule une recommandation générale, invitant l’Etat à «déclencher spontanément et systématiquement des enquêtes promptes et impartiales dans tous les cas où existent des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis, y compris en cas de décès de la personne détenue. » Les résultats devraient être communiqués aux familles.

Le Comité prévoit enfin un suivi de ses recommandations. Il conseille d’une part la publication le plus largement possible de celles-ci par l’Etat et d’autre part demande que dans un délai d’un an celui-ci lui fournisse des renseignements quant à la nécessité du maintien de l’état d’urgence, le contrôle par les autorités civiles des centres de détention secrets, les listes des disparus et les violences commises contre les femmes. Il invite l’Etat algérien à ratifier les traités des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auquel il n’est pas partie, mais surtout à accepter la visite des Rapporteurs spéciaux sur la torture, les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires.

Ces observations et recommandations font suite à celles du Comité des droits de l’homme du 1er novembre 2007, tout aussi sévères. Elles marquent un tournant dans l’analyse de l’ONU de la situation de l’Algérie. Tandis que dans les années 90, la diplomatie algérienne avait su tempérer les critiques en mettant en avant la lutte contre le terrorisme, cette fois-ci de nombreux experts des Comités onusiens ont clairement établi qu’en Algérie des agents de l’Etat commettaient des « crimes contre l’humanité ».

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