Conclusion du rapport du gouvernement Rwandais accablant contre les criminels de guerre de la mafia Francafrique... Les génocides en RDC et Algérie sur les rails de la justice internationale...
La France connaissait les préparatifs du génocide
Conclusion générale
La France connaissait les préparatifs du génocide
La France connaissait l’éventualité que le régime Habyarimana commette un génocide ou de massacres de très grandes ampleurs et ceci dés octobre 1990. Par la suite, elle ne pouvait ignorer que des préparatifs de massacres étaient en cours, plus importants que ceux qui avaient été commis entre octobre 1990 et février 1993. Or, s’il est question de massacres ethniques dépassant en ampleur les actes de génocide précédemment organisés par le régime, il y avait tout lieu d’évoquer, dès avant avril 1994, la préparation d’un génocide de grande ampleur. La conclusion selon laquelle la France devait savoir qu’un génocide était en cours de préparation découle de l’évolution du contexte politique et sécuritaire du pays ainsi que de la position privilégiée des agents français dans tous les rouages de l’appareil sécuritaire du
pays. Les éléments qui fondent cette conclusion sont les suivants.
Le contexte politique et sécuritaire depuis octobre 1990 a connu une évolution allant dans le sens d’une radicalisation du régime, menant à la formulation progressive d’une doctrine politique de nature ouvertement génocidaire. Dans le contexte d’un Etat fondé sur une discrimination ethnique officielle, le régime a réagi à l’attaque du FPR d’octobre 1990 en se retournant contre la population tutsi intérieure qui n’était pas partie prenante au conflit armé déclenché par le FPR. Le régime a répondu à l’attaque par des massacres de milliers de Tutsi et l’arrestation de dizaines de milliers d’autres. Au lendemain de l’attaque du 1er octobre 1990, des barrières ont été érigées–et maintenues jusqu’en1994-où l’on arrêtait de façon systématique les Tutsi dont un certain nombre étaient emmenés dans différents sites militaires où ils étaient torturés et exécutés.
Dans un télégramme diplomatique du 15 octobre 1990, le colonel Galiénié mentionne le risque de génocide. Dans une lettre, elle aussi datée du 15 octobre, l’ambassadeur Martres fait de même. Enfin, devant la MIP, l’ambassadeur Martres a reconnu que le génocide était prévisible dès octobre 1990, citant notamment le colonel Serubuga, chef d’Etat-major adjoint de l’armée rwandaise, qui s’était réjoui de l’attaque du FPR parce qu’elle servirait de justification aux massacres des Tutsi.
Durant cette première période du conflit, une presse extrémiste proche du régime a éclos, dont un des premiers actes saillants a été la publication le 6 décembre 1990 des « 10 commandements des Bahutu » par le journal Kangura qui désigna sans ambiguïté les Tutsi comme les ennemis des Hutu et de l’Etat. En janvier 1992, le directeur des Affaires africaines au ministère des affaires étrangère, Paul Dijoud, lors d’une rencontre à Paris avait donné à Paul Kagame, à l’époque commandant en chef de l’APR, l’avertissement suivant : « si vous n’arrêtez pas le combat, si vous vous emparez du pays, vous ne retrouverez pas vos frères et vos familles, parce que tous auront été massacrés1».
1 Témoignage de Jacques Bihozagara devant la Commission à Kigali le 24/10/2006;voir également l’interview donnée par le président Paul Kagame à Renaud Girard, Le Figaro, 22-23novembre 1997 :
« Quand la France jetait Kagamé enprison… ». Auditionné par laMIP, Paul Dijouda confirmél’existence de cet épisode, mais a curieusement rejeté la faute sur la délégation du FPR en arguant que « les
Au début de l’année 1992, se met en place un dispositif devant mener à des massacres de masse sur une base ethnique bien organisés. Il y a eu le démarrage effectif du programme de « défense civile » en février 1992 dans le nord et le nord-est du pays. Début 1992, démarre aussi la formation des Interahamwe dans les principaux camps militaires du pays. En mars 1992, ces Interahamwe jouent un rôle prépondérant et publiquement dénoncé dans les massacres du Bugesera, œuvrant de concert avec la garde présidentielle. Le 21 septembre 1992, le chef d’état-major de l’armée, Déogratias Nsabimana, envoyait un mémorandum secret à ses subordonnés dans lequel il définissait, entre autres, les réfugiés rwandais, les Tutsi de l’intérieur, les peuplades nilo-hamitiques de la région mais aussi les « Hutu mécontents » comme étant « l’ennemi». Le document avait été porté à la connaissance du public peu de temps après. Mi-octobre 1992, le fichier informatisé des personnes recherchées
et à surveiller (PRAS) est rendu opérationnel par le Centre de recherche criminelle et de documentation (CRCD). Il a pour but de faciliter le fichage, la recherche et la surveillance de Tutsi et d’opposants politiques.
Au début de l’année 1992, se met en place un dispositif devant mener à des massacres de masse sur une base ethnique bien organisés. Il y a eu le démarrage effectif du programme de « défense civile » en février 1992 dans le nord et le nord-est du pays. Début 1992, démarre aussi la formation des Interahamwe dans les principaux camps militaires du pays. En mars 1992, ces Interahamwe jouent un rôle prépondérant et publiquement dénoncé dans les massacres du Bugesera, œuvrant de concert avec la garde présidentielle. Le 21 septembre 1992, le chef d’état-major de l’armée, Déogratias Nsabimana, envoyait un mémorandum secret à ses subordonnés dans lequel il définissait, entre autres, les réfugiés rwandais, les Tutsi de l’intérieur, les peuplades nilo-hamitiques de la région mais aussi les « Hutu mécontents » comme étant « l’ennemi». Le document avait été porté à la connaissance du public peu de temps après. Mi-octobre 1992, le fichier informatisé des personnes recherchées
et à surveiller (PRAS) est rendu opérationnel par le Centre de recherche criminelle et de documentation (CRCD). Il a pour but de faciliter le fichage, la recherche et la surveillance de Tutsi et d’opposants politiques.
1, publie un rapport qualifiant de génocide les massacres qui ont émaillé la période d’octobre 1990 à janvier 1993.
Ce rapport confirmait celui publié en mars 1993 de la Commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990, qui, lui aussi, avait invoqué la qualification de génocide de ces massacres.
Après la mort du président burundais Ndadaye, le 21 octobre 1993, la coalition Hutu-power devait formaliser son discours en prônant le massacre des Tutsi et des Hutu attachés au processus de paix. C’est aussi à cette époque que la Radio des Mille Collines débutait ses émissions faisant la promotion de la haine contre les Tutsi et les Hutu opposés au Hutu-power. Durant ce dernier trimestre 1993, la formation des Interahamwe s’accélère, le phénomène prend de plus en plus d’ampleur, du fait de leur nombre, à Kigali et dans le nord du pays surtout, mais aussi du fait de leur niveau d’organisation avec des véhicules, des armes blanches modernes et leur efficacité redoublée. Or, les Interahamwe n’avaient aucune autre vocation connue que la participation aux massacres des Tutsi et à d’autres actes de violence et d’intimidation contre les Tutsi et les partisans de l’opposition. En 1994, le 20 février, le même le chef d’état major des FAR Deogracias Nsabimana montre à son cousin,
Jean-Berchmans Birara, une autre liste de 1500 personnalités destinées à être assassinées. Ce dernier l’apporte aux chancelleries occidentales, y compris à l’ambassade de France.
accompagnateurs du major Kagame (…) circulaient avec des valises de billets » et qu’ils « s’étaient fait repérer par la police et ont été arrêtés » :(voirEnquête…, III, auditions, vol. 1, p.378).
1 M. Bacre Waly Ndiaye, Rapport sur les graves violations des droitsde l’homme au Rwanda(E/CN4/1994/7/add.1).
Or, durant toute la période d’octobre 1990 à avril 1994, des officiers français étaient présents dans presque tous les organes de sécurité rwandais. A partir de 1991, jusqu’au moins en décembre 1993, il y avait de nombreux conseillers français auprès des FAR, de la gendarmerie, des conseillers dans l’organe d’investigation de la gendarmerie, le CRCD, ainsi que dans presque toutes les unités spécialisées dont la garde présidentielle. Les conseillers militaires français se retrouvaient à tous les niveaux, dans les états-majors, dans les unités d’élite et sur chacun des secteurs opérationnels à la lisière de la ligne de front. Dans les états-majors, ils participaient et souvent prenaient la direction dans l’élaboration des stratégies, établissaient des plans de batailles et de sécurisation notamment de Kigali. Dans les secteurs opérationnels, ils dirigeaient les actions de combats des FAR. Jusqu’en avril 1994, il y avait
des conseillers français dans les états-majors de l’armée et de la gendarmerie ainsi que dans le bataillon paracommando, un de ceux qui ont été les plus impliqués dans le déclenchement du génocide. Ainsi, les officiers français non seulement se retrouvaient un peu partout dans les organes de sécurité du pays, mais ils y occupaient aussi des rôles très importants.
Or, durant toute la période d’octobre 1990 à avril 1994, des officiers français étaient présents dans presque tous les organes de sécurité rwandais. A partir de 1991, jusqu’au moins en décembre 1993, il y avait de nombreux conseillers français auprès des FAR, de la gendarmerie, des conseillers dans l’organe d’investigation de la gendarmerie, le CRCD, ainsi que dans presque toutes les unités spécialisées dont la garde présidentielle. Les conseillers militaires français se retrouvaient à tous les niveaux, dans les états-majors, dans les unités d’élite et sur chacun des secteurs opérationnels à la lisière de la ligne de front. Dans les états-majors, ils participaient et souvent prenaient la direction dans l’élaboration des stratégies, établissaient des plans de batailles et de sécurisation notamment de Kigali. Dans les secteurs opérationnels, ils dirigeaient les actions de combats des FAR. Jusqu’en avril 1994, il y avait des conseillers français dans les états-majors de l’armée et de la gendarmerie ainsi que dans le bataillon paracommando, un de ceux qui ont été les plus impliqués dans le déclenchement du génocide. Ainsi, les officiers français non seulement se retrouvaient un peu partout dans les organes de sécurité du pays, mais ils y occupaient aussi des rôles très importants.1 ». La MINUAR mit en place une petite cellule de collecte de renseignements en novembre 1993. Un mois après, son agent principal, le lieutenant Mark Nees, malgré son manque de formation pour cette tâche, et, semble-t-il, ses
erreurs, rédige grâce à un réseau d’informateurs des rapports révélant des réunions au sommet de l’Etat pour déstabiliser la MINUAR, tuer les opposants et les Tutsi. C’est dans ce cadre qu’en janvier 1994 la MINUAR entre en contact avec le chef Interahamwe « Jean-Pierre » qui révèle un plan d’extermination des Tutsi de Kigali. Si la MINUAR, avec ses moyens limités et son amateurisme confessé en matière de renseignement, a réussi à glaner ce type d’information, on peut imaginer la quantité et la qualité des informations que les agents français avaient en leur possession.
La France a participé aux initiatives les plus importantes de préparation du génocide
Au niveau politique et idéologique, la France a conforté le régime Habyarimana dans l’élaboration de sa doctrine génocidaire. Dans leur communication interne, télégrammes diplomatiques, notes de services et autres documents, les différents responsables du dossier rwandais entre 1990 et 1993 énoncent leur option radicalement ethnique du conflit rwandais.
Pour ces responsables, et en premier lieu le président Mitterrand, il s’agit d’abord et avant tout d’une guerre ethnique, régionalisée, opposants les Hutu majoritaires et les « nilo-hamitique », Tutsi minoritaires. Le présent rapport a fourni de nombreux exemples de cette vision française, chez les décideurs français comme chez les exécutants des différentes interventions militaires pendant toute la période du conflit rwandais. A titre d’exemple citons la déclaration du président Mitterrand faite en conseil des ministres, justifiant insidieusement le génocide en cours, le 22 juin 1994 : « Le Président de la République rappelle que le Rwanda, comme le Burundi, est essentiellement peuplé de Hutus. La majorité des habitants a donc soutenu naturellement le gouvernement du président Habyarimana. Si ce pays devait
passer sous la domination tutsie ethnie très minoritaire qui trouve sa base en Ouganda où certains sont favorables à la création d’un « Tutsiland » englobant non seulement ce dernier pays mais aussi le Rwanda et le Burundi, il est certain que le processus de démocratisation serait interrompu2 ». Or, l’appréhension essentiellement politique ou ethnique du conflit était
1Le Figaro, 6 avril 2004.
2 Déclaration de François Mitterrand au conseil des ministres, 22juin1994.
le principal point de discorde entre, d’un coté les opposants modérés, et de l’autre, le régime Habyarimana et la coalition Hutu-power.
1» avec le président
Habyarimana contre le FPR. Tant les acteurs politiques rwandais que les observateurs ont fait une interprétation très précise de cet appel de Debarge rapportée ici par l’historien français Gérard Prunier: « Même s’il est compréhensible que Paris désire exploiter le resserrage des rangs hutu contre le FPR tutsi, la déclaration, officielle, du ministre français est choquante.
Dans un tel climat de tension ethnique, après les massacres des dernières semaines, cet appel à un « front commun », forcément basé sur la race, est presque un appel à la guerre raciale »2. La journaliste belge Colette Braeckman, présente au Rwanda à l’époque, affirme que tout en faisant mine de soutenir le processus d’Arusha, « en privé, les diplomates français se vantent d’avoir divisé les partis d’opposition en encourageant la naissance du Hutu power. »3Or la création de la coalition Hutu-power était une condition nécessaire à la
Mise en œuvre réussie du génocide.
La France a soutenu à bout de bras en organisant, en formant, en armant les FAR. Elle s’est aussi battue à leurs côtés à différentes reprises, en octobre 1990, en janvier 1990, en juin 1992 et en février 1993. Or cette armée avait une doctrine militaire de type génocidaire, puisqu’elle désignait comme ennemi une partie de sa population civile et qu’elle a mis en pratique cette doctrine lorsque des membres de la gendarmerie et de la garde présidentielle participaient aux massacres de population civile comme en mars 1992 dans le Bugesera. Les militaires français ont participé à la tenue de barrières dans différentes régions du pays, mais tout particulièrement autour de Kigali, où ils faisaient des contrôles d’identité sur une base ethnique, arrêtant des Tutsi. Certains d’entre ces derniers étaient ensuite torturés et assassinés en connivence avec les militaires français.
Les officiers français au Rwanda ont contribué à la conceptualisation et à l’organisation du programme de « défense civile » qui devait servir comme instrument administratif de l’exécution du génocide. Pour rappel, il s’agit du programme de formation paramilitaire et de l’armement de la population de façon générale, sous la supervision des autorités locales.
C’est à travers ce programme qu’à partir de mai 1994 le génocide va se systématiser sur l’ensemble du territoire contrôlé par le gouvernement intérimaire. Ce programme est différent de la milice Interahamwe qui en a cependant constitué le fer de lance. Ainsi, le lieutenant-colonel Gilbert Canovas, suite à une tournée d’inspection de la ligne de front en février 1991,
1 Voir « La France tente une médiation entre le Président et l’opposition »,(AFP), Le Monde, 2 mars 1993.
2 G. Prunier, 1999, p.216-127.3 Témoignage recueilli par la Commission à Kigali, le 14/06/2007.
Rédige un rapport dans lequel il propose à l’armée rwandaise “ la mise en place de petits éléments en civil, déguisés en paysans, dans les zones sensibles, de manière à neutraliser les rebelles généralement isolés ”.Il s’agit de la conceptualisation de l’utilisation de soldats déguisés ou de civils dans des actions de guerre.
En février 1992, le programme de « défense civile » débute dans le nord-est du Rwanda.
Malgré les réserves émises dans un télégramme diplomatique par l’attaché militaire français à Kigali, le colonel Cussac, qui semble bien avoir eu le souci de se couvrir, au même moment ce sont des militaires français qui lancent ce programme. Celui-ci avait été en discussion entre Rwandais depuis des mois, mais n’avait jamais pu démarrer. C’est le soutien organisationnel et logistique de l’armée française qui lui permet d’être lancé. Les militaires français sont allés chercher des volontaires auprès de bourgmestres pour participer au programme de formation, ils ont offert les armes pour les premiers groupes de participants, ils ont assuré la logistique, supervisé la formation et assuré certains cours.
Les militaires français ont formé et contribué à former militairement les Interahamwe entre le début de l’année 1992 jusqu’au départ de l’opération Noroît en décembre 1993. Certains témoins, mais cela n’est pas systématique, disent aussi qu’il arrivait que des militaires français contribuent à la formation idéologique dont le point d’enseignement principal était de définir le Tutsi comme l’ennemi. Cette formation s’est faite dans cinq grands camps militaires où étaient établis les militaires français. Après le massacre du Bugesera de mars 1992, qu’a bien suivi le colonel Robardey, l’armée française savait que les Interahamwe qu’elle formait avaient pour principale mission le massacre des Tutsi, vocation qui n’a fait que se confirmer au fil du temps. Les militaires français ont pleinement participé à l’intensification de la formation des Interahamwe durant le dernier trimestre de 1993. Cette intensification faisait partie des préparatifs du génocide, et cela, l’armée française ne pouvait l’ignorer, pour les raisons synthétisées plus haut.
Les gendarmes français ont contribué au fichage des Tutsi et des opposants politiques. Les gendarmes français attachés à la CRCD ont introduit l’informatisation des banques de données du service, en particulier du fichier des personnes à rechercher et à surveiller (PRAS). Le 14 octobre 1992, le colonel Robardey écrivait au chef d’état-major de la gendarmerie nationale, le colonel Augustin Ndindiliyimana, l’informant que le PRAS était prêt à fonctionner, et qu’il n’attendait que son accord pour le rendre opérationnel. Le général Jean Varret, chef de la Mission militaire de coopération d’octobre 1990 à avril 1993, avait été l’initiateur du projet de coopération française au CRCD. Lors de son audition par la MIP, il a affirmé qu’il avait eu le sentiment que le travail des gendarmes français à la CRCD devait servir à ficher les Tutsi. Or, au tout début du génocide, les militaires qui se déplaçaient de maisons en maisons pour tuer des opposants politiques ou des notables tutsi étaient munis de listes imprimées. La gendarmerie avait la surface en effectif et en logistique nécessaire pour une bonne collecte de l’information, et elle avait le logiciel préparé par les gendarmes français. Un ancien cadre du Service central de renseignement a affirmé à la Commission que son institution n’avait jamais atteint ce niveau d’organisation. Il y a ainsi de fortes chances que ces listes utilisées au début du génocide aient été dressées avec la contribution du PRAS.
Dans les jours qui ont suivi l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, l’ambassadeur Martres a enjoint le colonel Bagosora de prendre le pouvoir. Une année plus tôt, ce dernier avait publiquement annoncé qu’il allait « préparer l’apocalypse ». Ensuite,
1 MIP, Enquête…, t.1, version PDF, p. 156.
Martres a donné sa bénédiction à la formation du gouvernement intérimaire rassemblant presque exclusivement des membres de la coalition Hutu power. Or, tant le colonel Bagosora que la quasi-totalité des futurs membres du gouvernement intérimaire, étaient connus pour leur position défendant une solution violente contre ceux qu’ils taxaient d’être les complices intérieurs du FPR, les Tutsi de façon générale et les opposants hutu au Hutu power.
1 Réservons encore cependant l’évaluation du caractère volontaire ou non de ce soutien.
La France a participé à la mise en exécution du génocide
Durant toute la période du génocide, la France a soutenu diplomatiquement et militairement le gouvernement intérimaire qui, au su du monde entier, en temps réel, était en train d’organiser et d’exécuter un génocide. Le 27 avril 1994, soit trois semaines après le déclenchement du génocide, deux émissaires de ce gouvernement, Jérôme Bicamumpaka, ministre des Affaires étrangères, et Jean-Bosco Barayagwiza, un des chefs de la CDR, furent reçus à Paris à l’Elysée et à Matignon, alors que les Etats-Unis et la Belgique leur avaient refusé le visa2. Ils eurent des entretiens avec de hauts responsables français, notamment le premier ministre Edouard Balladur, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, et Bruno Delaye, chef de la cellule africaine de la présidence3.
Le 9 mai 1994, le général Huchon reçut le lieutenant-colonel Ephrem Rwabalinda, conseillé du chef d’état-major des FAR. Durant l’entretien, les deux officiers ont discuté en « priorité » : « - le soutien du Rwanda par la France sur le plan de la politique internationale ; - la présence physique des militaires Français au Rwanda[…] pour des coups de mains dans le cadre de la coopération ; - l’utilisation indirecte des troupes étrangères régulières ou non ; […] » 4 Le général Huchon s’est engagé à fournir des munitions de 105mm, des munitions pour armes individuelles, ainsi que du matériel de transmission pour faciliter le déroulement des communications secrètes entre lui et le général Augustin Bizimungu, commandant en chef des FAR. Ces communications devaient servir à préparer une intervention militaire directe de la France au Rwanda.
Pendant toute la période du génocide, des militaires français restés au Rwanda se battaient aux côtés des FAR. Durant cette période, la France a continué à approvisionner en munitions et en armes la partie gouvernementale en train de commettre le génocide. Différentes livraisons en provenance ou commanditées par la France sont bien documentées pour les mois d’avril, mai, juin et juillet 1994. En juin 1194, lorsque les FAR ont été sur le point
1 Gérard Prunier, 1999, p.417.2 HRW, FIDH, Aucun témoin ne doit survivre…, p.750
3Le Monde, 1er avril 1998.
4 Le Rapport peut être consulté sur le site de l’agence Voltaire : www.voltairenet.org/article5869.html
d’être défaites par le FPR, le président Mitterrand a décidé d’intervenir militairement au Rwanda en lançant l’opération Turquoise. L’objectif premier de cette intervention était de couper le pays en deux à partir de Kigali, d’arrêter l’avancée du FPR et l’obliger à négocier un partage du pouvoir avec le gouvernement génocidaire. Le Premier ministre Balladur s’est opposé à ce projet, mais surtout, lorsque Turquoise débarque au Rwanda, il est trop tard, le FPR a trop avancé.
A leur arrivée, les militaires français se sont empressés de sécuriser certaines enclaves
Comme les camps de survivants du génocide, Nyarushishi ou, plus tard, Murambi, à grand renfort de publicité. Par ailleurs, dans le reste de la région, ils ont collaboré avec les autorités préfectorales, communales et locales organisatrices de l’extermination de leur population tutsi. Ils ont laissé en place les infrastructures du genocide, à savoir les barrières tenues par les Interahamwe. Ils ont demandé de façon expresse que les Interahamwe continuent à contrôler ces barrières et continuent à tuer les Tutsi qui tenteraient de circuler. Ils ont demandé de façon tout aussi expresse qu’on leur apporte les Tutsi qui s’étaient faufilés dans les camps de déplacés, que les Interahamwe tuent au moins certains de ces Tutsi. Un peu partout dans les trois préfectures, ils ont laissé les Interahamwe tuer des Tutsi sous leurs yeux. Les militaires français ont commis de nombreux viols, forcé des relations sexuelles spécifiquement avec des rescapées tutsi. Ces abus sexuels visant particulièrement les rescapées tutsi étaient systémiques, c’est-à-dire, fréquents, tolérés et générés par les normes et pratiques de l’institution auxquels appartiennent les hommes qui les commettaient. Il s’agit dans le cas d’espèce d’une manifestation de l’agression des militaires français contre les rescapées tutsi dans un contexte de génocide. Les conditions déplorables, notamment nutritionnelles, dans lesquelles étaient maintenus les survivants du génocide secourus par les militaires français, que cela soit au camp finalement établi à Bisesero, à Nyurishishi ou à Murambi, obligeant une nouvelle fois les survivants à risquer leur vie en quittant les enclaves « protégées »pour chercher de quoi se nourrir, ont causé la mort de certains d’entre eux. Les refus de soins à des femmes et à des jeunes filles à Kibuye et à Cyangugu par certains médecins militaires français, ainsi que les amputations abusives à Goma, tout ceci dénote une claire hostilité des militaires français contre les survivants tutsi, du seul fait de leur ppartenance ethnique. Ces faits se sont déroulés durant toute la période de l’opération Turquoise, c'est-à-dire du 23 juin au 22 août. Enfin, que cela soit à Gikongoro, à Kibuye ou à Cyangugu, durant les derniers jours de leur présence, les militaires français ont pratiqué la politique de la terre brûlée. Ils ont ordonné aux autorités locales d’inciter la population hutu à fuir massivement au Zaïre. Des officiers supérieurs français en situation de commandement ont tenu des réunions publiques pour inciter directement la population à fuir. Enfin, durant ces derniers jours de leur mission, les militaires français ont encouragé le pillage et la destruction des infrastructures publiques, ils y ont aussi participé.
Depuis octobre 1990, la France a appuyé le régime Habyarimana dans ses dérives, notamment dans la commission d’actes de génocide avant avril 1994. Elle l’a soutenu dans ses préparatifs du génocide. A partir d’avril 1994, la France a cette fois-là soutenu le gouvernement intérimaire et les FAR qui étaient en train de commettre un génocide total à la face du monde. L’appuie de la France a été de toute nature, politique, militaire, diplomatique et logistique. Or depuis octobre 1990, le régime Habyarimana, et ensuite celui du gouvernement intérimaire, se sont illustrés dans des massacres de populations civiles tutsi, non belligérantes et le plus souvent loin du terrain des opérations de guerre. Depuis 1990, ces massacres n’ont aucune utilité stratégique, aucune justification pratique. Il s’agit d’épisodes d’une guerre ethnique menée contre une population civile, avant de passer en avril à une guerre d’extermination de cette population. A aucun moment la France n’a tenté de contraindre son allié à plus de retenue, alors que celui-ci lui devait tout dans sa guerre contre le FPR. Il n’existe aucun indice d’une quelconque tentative par les décideurs politiques et militaires français de mettre un terme à cette guerre contre les civils tutsi. La persistance et la détermination de ce soutien porte à se poser la question du véritable rôle de la France dans la préparation et la perpétration du génocide. Cette persistance montre que les décideurs politiques et militaires français avaient fait leur cette guerre contre les Tutsi. Les hommes qui ont géré cette intervention militaire au Rwanda depuis octobre à août 1994 sont presque les mêmes. Leur identification est aisée.
Depuis octobre 1990, la France a appuyé le régime Habyarimana dans ses dérives, notamment dans la commission d’actes de génocide avant avril 1994. Elle l’a soutenu dans ses préparatifs du génocide. A partir d’avril 1994, la France a cette fois-là soutenu le gouvernement intérimaire et les FAR qui étaient en train de commettre un génocide total à la face du monde. L’appuie de la France a été de toute nature, politique, militaire, diplomatique et logistique. Or depuis octobre 1990, le régime Habyarimana, et ensuite celui du gouvernement intérimaire, se sont illustrés dans des massacres de populations civiles tutsi, non belligérantes et le plus souvent loin du terrain des opérations de guerre. Depuis 1990, ces massacres n’ont aucune utilité stratégique, aucune justification pratique. Il s’agit d’épisodes d’une guerre ethnique menée contre une population civile, avant de passer en avril à une guerre d’extermination de cette population. A aucun moment la France n’a tenté de
contraindre son allié à plus de retenue, alors que celui-ci lui devait tout dans sa guerre contre le FPR. Il n’existe aucun indice d’une quelconque tentative par les décideurs politiques et militaires français de mettre un terme à cette guerre contre les civils tutsi. La persistance et la détermination de ce soutien porte à se poser la question du véritable rôle de la France dans la préparation et la perpétration du génocide. Cette persistance montre que les décideurs politiques et militaires français avaient fait leur cette guerre contre les Tutsi. Les hommes qui ont géré cette intervention militaire au Rwanda depuis octobre à août 1994 sont presque les mêmes. Leur identification est aisée.
personnes menacées ou à risque. »TP Ces zones de sécurité sont prévues par les Conventions de PT Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels.
En créant la ZHS, l’armée française s’était arrogée le plein exercice de l’autorité, à l’exclusion de toute autre institution. En décidant de garder et de collaborer avec le personnel politique et administratif, avec les hommes de main et leurs infrastructures qui avaient perpétré le génocide durant les deux mois et demi précédents, en leur demandant et/ou les laissant continuer les assassinats de Tutsi qui dans le contexte étaient constitutifs du crime de génocide, souvent sous leur yeux, les militaires français de Turquoise et leurs commanditaires ont pleinement pris en charge le projet génocidaire.
TPPT
1 Antoine Mindua, « de la légalité de la ‘zone de sécurité française’ au Rwanda», Afrique 2000, n°12,1994, p.20.
RECOMMANDATIONS
La Commission demande au Gouvernement rwandais de se réserver le droit de porter plainte contre l’Etat français pour sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide de 1994 au Rwanda devant les instances judiciaires internationales habilitées.
La Commission recommande au Gouvernement rwandais de trouver un règlement diplomatique de la question avec l’Etat français dans la mesure où ce dernier est prêt à reconnaître l’entière étendue de sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide au Rwanda et de prendre les mesures de réparation conséquentes en accord avec le Gouvernement rwandais.
La Commission demande au Gouvernement rwandais de soutenir toute action individuelle ou collective de victimes qui souhaiteraient porter plainte devant les tribunaux pour le préjudice causé par les actions de l’Etat français et/ou ses agents au Rwanda.
La Commission recommande au Gouvernement rwandais de faire une large diffusion du présent rapport.
La Commission demande au Gouvernement rwandais de mettre en place une instance de suivi de la question.
La France connaissait les préparatifs du génocide
Conclusion générale
La France connaissait les préparatifs du génocide
La France connaissait l’éventualité que le régime Habyarimana commette un génocide ou de massacres de très grandes ampleurs et ceci dés octobre 1990. Par la suite, elle ne pouvait ignorer que des préparatifs de massacres étaient en cours, plus importants que ceux qui avaient été commis entre octobre 1990 et février 1993. Or, s’il est question de massacres ethniques dépassant en ampleur les actes de génocide précédemment organisés par le régime, il y avait tout lieu d’évoquer, dès avant avril 1994, la préparation d’un génocide de grande ampleur. La conclusion selon laquelle la France devait savoir qu’un génocide était en cours de préparation découle de l’évolution du contexte politique et sécuritaire du pays ainsi que de la position privilégiée des agents français dans tous les rouages de l’appareil sécuritaire du
pays. Les éléments qui fondent cette conclusion sont les suivants.
Le contexte politique et sécuritaire depuis octobre 1990 a connu une évolution allant dans le sens d’une radicalisation du régime, menant à la formulation progressive d’une doctrine politique de nature ouvertement génocidaire. Dans le contexte d’un Etat fondé sur une discrimination ethnique officielle, le régime a réagi à l’attaque du FPR d’octobre 1990 en se retournant contre la population tutsi intérieure qui n’était pas partie prenante au conflit armé déclenché par le FPR. Le régime a répondu à l’attaque par des massacres de milliers de Tutsi et l’arrestation de dizaines de milliers d’autres. Au lendemain de l’attaque du 1er octobre 1990, des barrières ont été érigées–et maintenues jusqu’en1994-où l’on arrêtait de façon systématique les Tutsi dont un certain nombre étaient emmenés dans différents sites militaires où ils étaient torturés et exécutés.
Dans un télégramme diplomatique du 15 octobre 1990, le colonel Galiénié mentionne le risque de génocide. Dans une lettre, elle aussi datée du 15 octobre, l’ambassadeur Martres fait de même. Enfin, devant la MIP, l’ambassadeur Martres a reconnu que le génocide était prévisible dès octobre 1990, citant notamment le colonel Serubuga, chef d’Etat-major adjoint de l’armée rwandaise, qui s’était réjoui de l’attaque du FPR parce qu’elle servirait de justification aux massacres des Tutsi.
Durant cette première période du conflit, une presse extrémiste proche du régime a éclos, dont un des premiers actes saillants a été la publication le 6 décembre 1990 des « 10 commandements des Bahutu » par le journal Kangura qui désigna sans ambiguïté les Tutsi comme les ennemis des Hutu et de l’Etat. En janvier 1992, le directeur des Affaires africaines au ministère des affaires étrangère, Paul Dijoud, lors d’une rencontre à Paris avait donné à Paul Kagame, à l’époque commandant en chef de l’APR, l’avertissement suivant : « si vous n’arrêtez pas le combat, si vous vous emparez du pays, vous ne retrouverez pas vos frères et vos familles, parce que tous auront été massacrés1».
1 Témoignage de Jacques Bihozagara devant la Commission à Kigali le 24/10/2006;voir également l’interview donnée par le président Paul Kagame à Renaud Girard, Le Figaro, 22-23novembre 1997 :
« Quand la France jetait Kagamé enprison… ». Auditionné par laMIP, Paul Dijouda confirmél’existence de cet épisode, mais a curieusement rejeté la faute sur la délégation du FPR en arguant que « les
Au début de l’année 1992, se met en place un dispositif devant mener à des massacres de masse sur une base ethnique bien organisés. Il y a eu le démarrage effectif du programme de « défense civile » en février 1992 dans le nord et le nord-est du pays. Début 1992, démarre aussi la formation des Interahamwe dans les principaux camps militaires du pays. En mars 1992, ces Interahamwe jouent un rôle prépondérant et publiquement dénoncé dans les massacres du Bugesera, œuvrant de concert avec la garde présidentielle. Le 21 septembre 1992, le chef d’état-major de l’armée, Déogratias Nsabimana, envoyait un mémorandum secret à ses subordonnés dans lequel il définissait, entre autres, les réfugiés rwandais, les Tutsi de l’intérieur, les peuplades nilo-hamitiques de la région mais aussi les « Hutu mécontents » comme étant « l’ennemi». Le document avait été porté à la connaissance du public peu de temps après. Mi-octobre 1992, le fichier informatisé des personnes recherchées
et à surveiller (PRAS) est rendu opérationnel par le Centre de recherche criminelle et de documentation (CRCD). Il a pour but de faciliter le fichage, la recherche et la surveillance de Tutsi et d’opposants politiques.
Au début de l’année 1992, se met en place un dispositif devant mener à des massacres de masse sur une base ethnique bien organisés. Il y a eu le démarrage effectif du programme de « défense civile » en février 1992 dans le nord et le nord-est du pays. Début 1992, démarre aussi la formation des Interahamwe dans les principaux camps militaires du pays. En mars 1992, ces Interahamwe jouent un rôle prépondérant et publiquement dénoncé dans les massacres du Bugesera, œuvrant de concert avec la garde présidentielle. Le 21 septembre 1992, le chef d’état-major de l’armée, Déogratias Nsabimana, envoyait un mémorandum secret à ses subordonnés dans lequel il définissait, entre autres, les réfugiés rwandais, les Tutsi de l’intérieur, les peuplades nilo-hamitiques de la région mais aussi les « Hutu mécontents » comme étant « l’ennemi». Le document avait été porté à la connaissance du public peu de temps après. Mi-octobre 1992, le fichier informatisé des personnes recherchées
et à surveiller (PRAS) est rendu opérationnel par le Centre de recherche criminelle et de documentation (CRCD). Il a pour but de faciliter le fichage, la recherche et la surveillance de Tutsi et d’opposants politiques.
1, publie un rapport qualifiant de génocide les massacres qui ont émaillé la période d’octobre 1990 à janvier 1993.
Ce rapport confirmait celui publié en mars 1993 de la Commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’homme au Rwanda depuis le 1er octobre 1990, qui, lui aussi, avait invoqué la qualification de génocide de ces massacres.
Après la mort du président burundais Ndadaye, le 21 octobre 1993, la coalition Hutu-power devait formaliser son discours en prônant le massacre des Tutsi et des Hutu attachés au processus de paix. C’est aussi à cette époque que la Radio des Mille Collines débutait ses émissions faisant la promotion de la haine contre les Tutsi et les Hutu opposés au Hutu-power. Durant ce dernier trimestre 1993, la formation des Interahamwe s’accélère, le phénomène prend de plus en plus d’ampleur, du fait de leur nombre, à Kigali et dans le nord du pays surtout, mais aussi du fait de leur niveau d’organisation avec des véhicules, des armes blanches modernes et leur efficacité redoublée. Or, les Interahamwe n’avaient aucune autre vocation connue que la participation aux massacres des Tutsi et à d’autres actes de violence et d’intimidation contre les Tutsi et les partisans de l’opposition. En 1994, le 20 février, le même le chef d’état major des FAR Deogracias Nsabimana montre à son cousin,
Jean-Berchmans Birara, une autre liste de 1500 personnalités destinées à être assassinées. Ce dernier l’apporte aux chancelleries occidentales, y compris à l’ambassade de France.
accompagnateurs du major Kagame (…) circulaient avec des valises de billets » et qu’ils « s’étaient fait repérer par la police et ont été arrêtés » :(voirEnquête…, III, auditions, vol. 1, p.378).
1 M. Bacre Waly Ndiaye, Rapport sur les graves violations des droitsde l’homme au Rwanda(E/CN4/1994/7/add.1).
Or, durant toute la période d’octobre 1990 à avril 1994, des officiers français étaient présents dans presque tous les organes de sécurité rwandais. A partir de 1991, jusqu’au moins en décembre 1993, il y avait de nombreux conseillers français auprès des FAR, de la gendarmerie, des conseillers dans l’organe d’investigation de la gendarmerie, le CRCD, ainsi que dans presque toutes les unités spécialisées dont la garde présidentielle. Les conseillers militaires français se retrouvaient à tous les niveaux, dans les états-majors, dans les unités d’élite et sur chacun des secteurs opérationnels à la lisière de la ligne de front. Dans les états-majors, ils participaient et souvent prenaient la direction dans l’élaboration des stratégies, établissaient des plans de batailles et de sécurisation notamment de Kigali. Dans les secteurs opérationnels, ils dirigeaient les actions de combats des FAR. Jusqu’en avril 1994, il y avait
des conseillers français dans les états-majors de l’armée et de la gendarmerie ainsi que dans le bataillon paracommando, un de ceux qui ont été les plus impliqués dans le déclenchement du génocide. Ainsi, les officiers français non seulement se retrouvaient un peu partout dans les organes de sécurité du pays, mais ils y occupaient aussi des rôles très importants.
Or, durant toute la période d’octobre 1990 à avril 1994, des officiers français étaient présents dans presque tous les organes de sécurité rwandais. A partir de 1991, jusqu’au moins en décembre 1993, il y avait de nombreux conseillers français auprès des FAR, de la gendarmerie, des conseillers dans l’organe d’investigation de la gendarmerie, le CRCD, ainsi que dans presque toutes les unités spécialisées dont la garde présidentielle. Les conseillers militaires français se retrouvaient à tous les niveaux, dans les états-majors, dans les unités d’élite et sur chacun des secteurs opérationnels à la lisière de la ligne de front. Dans les états-majors, ils participaient et souvent prenaient la direction dans l’élaboration des stratégies, établissaient des plans de batailles et de sécurisation notamment de Kigali. Dans les secteurs opérationnels, ils dirigeaient les actions de combats des FAR. Jusqu’en avril 1994, il y avait des conseillers français dans les états-majors de l’armée et de la gendarmerie ainsi que dans le bataillon paracommando, un de ceux qui ont été les plus impliqués dans le déclenchement du génocide. Ainsi, les officiers français non seulement se retrouvaient un peu partout dans les organes de sécurité du pays, mais ils y occupaient aussi des rôles très importants.1 ». La MINUAR mit en place une petite cellule de collecte de renseignements en novembre 1993. Un mois après, son agent principal, le lieutenant Mark Nees, malgré son manque de formation pour cette tâche, et, semble-t-il, ses
erreurs, rédige grâce à un réseau d’informateurs des rapports révélant des réunions au sommet de l’Etat pour déstabiliser la MINUAR, tuer les opposants et les Tutsi. C’est dans ce cadre qu’en janvier 1994 la MINUAR entre en contact avec le chef Interahamwe « Jean-Pierre » qui révèle un plan d’extermination des Tutsi de Kigali. Si la MINUAR, avec ses moyens limités et son amateurisme confessé en matière de renseignement, a réussi à glaner ce type d’information, on peut imaginer la quantité et la qualité des informations que les agents français avaient en leur possession.
La France a participé aux initiatives les plus importantes de préparation du génocide
Au niveau politique et idéologique, la France a conforté le régime Habyarimana dans l’élaboration de sa doctrine génocidaire. Dans leur communication interne, télégrammes diplomatiques, notes de services et autres documents, les différents responsables du dossier rwandais entre 1990 et 1993 énoncent leur option radicalement ethnique du conflit rwandais.
Pour ces responsables, et en premier lieu le président Mitterrand, il s’agit d’abord et avant tout d’une guerre ethnique, régionalisée, opposants les Hutu majoritaires et les « nilo-hamitique », Tutsi minoritaires. Le présent rapport a fourni de nombreux exemples de cette vision française, chez les décideurs français comme chez les exécutants des différentes interventions militaires pendant toute la période du conflit rwandais. A titre d’exemple citons la déclaration du président Mitterrand faite en conseil des ministres, justifiant insidieusement le génocide en cours, le 22 juin 1994 : « Le Président de la République rappelle que le Rwanda, comme le Burundi, est essentiellement peuplé de Hutus. La majorité des habitants a donc soutenu naturellement le gouvernement du président Habyarimana. Si ce pays devait
passer sous la domination tutsie ethnie très minoritaire qui trouve sa base en Ouganda où certains sont favorables à la création d’un « Tutsiland » englobant non seulement ce dernier pays mais aussi le Rwanda et le Burundi, il est certain que le processus de démocratisation serait interrompu2 ». Or, l’appréhension essentiellement politique ou ethnique du conflit était
1Le Figaro, 6 avril 2004.
2 Déclaration de François Mitterrand au conseil des ministres, 22juin1994.
le principal point de discorde entre, d’un coté les opposants modérés, et de l’autre, le régime Habyarimana et la coalition Hutu-power.
1» avec le président
Habyarimana contre le FPR. Tant les acteurs politiques rwandais que les observateurs ont fait une interprétation très précise de cet appel de Debarge rapportée ici par l’historien français Gérard Prunier: « Même s’il est compréhensible que Paris désire exploiter le resserrage des rangs hutu contre le FPR tutsi, la déclaration, officielle, du ministre français est choquante.
Dans un tel climat de tension ethnique, après les massacres des dernières semaines, cet appel à un « front commun », forcément basé sur la race, est presque un appel à la guerre raciale »2. La journaliste belge Colette Braeckman, présente au Rwanda à l’époque, affirme que tout en faisant mine de soutenir le processus d’Arusha, « en privé, les diplomates français se vantent d’avoir divisé les partis d’opposition en encourageant la naissance du Hutu power. »3Or la création de la coalition Hutu-power était une condition nécessaire à la
Mise en œuvre réussie du génocide.
La France a soutenu à bout de bras en organisant, en formant, en armant les FAR. Elle s’est aussi battue à leurs côtés à différentes reprises, en octobre 1990, en janvier 1990, en juin 1992 et en février 1993. Or cette armée avait une doctrine militaire de type génocidaire, puisqu’elle désignait comme ennemi une partie de sa population civile et qu’elle a mis en pratique cette doctrine lorsque des membres de la gendarmerie et de la garde présidentielle participaient aux massacres de population civile comme en mars 1992 dans le Bugesera. Les militaires français ont participé à la tenue de barrières dans différentes régions du pays, mais tout particulièrement autour de Kigali, où ils faisaient des contrôles d’identité sur une base ethnique, arrêtant des Tutsi. Certains d’entre ces derniers étaient ensuite torturés et assassinés en connivence avec les militaires français.
Les officiers français au Rwanda ont contribué à la conceptualisation et à l’organisation du programme de « défense civile » qui devait servir comme instrument administratif de l’exécution du génocide. Pour rappel, il s’agit du programme de formation paramilitaire et de l’armement de la population de façon générale, sous la supervision des autorités locales.
C’est à travers ce programme qu’à partir de mai 1994 le génocide va se systématiser sur l’ensemble du territoire contrôlé par le gouvernement intérimaire. Ce programme est différent de la milice Interahamwe qui en a cependant constitué le fer de lance. Ainsi, le lieutenant-colonel Gilbert Canovas, suite à une tournée d’inspection de la ligne de front en février 1991,
1 Voir « La France tente une médiation entre le Président et l’opposition »,(AFP), Le Monde, 2 mars 1993.
2 G. Prunier, 1999, p.216-127.3 Témoignage recueilli par la Commission à Kigali, le 14/06/2007.
Rédige un rapport dans lequel il propose à l’armée rwandaise “ la mise en place de petits éléments en civil, déguisés en paysans, dans les zones sensibles, de manière à neutraliser les rebelles généralement isolés ”.Il s’agit de la conceptualisation de l’utilisation de soldats déguisés ou de civils dans des actions de guerre.
En février 1992, le programme de « défense civile » débute dans le nord-est du Rwanda.
Malgré les réserves émises dans un télégramme diplomatique par l’attaché militaire français à Kigali, le colonel Cussac, qui semble bien avoir eu le souci de se couvrir, au même moment ce sont des militaires français qui lancent ce programme. Celui-ci avait été en discussion entre Rwandais depuis des mois, mais n’avait jamais pu démarrer. C’est le soutien organisationnel et logistique de l’armée française qui lui permet d’être lancé. Les militaires français sont allés chercher des volontaires auprès de bourgmestres pour participer au programme de formation, ils ont offert les armes pour les premiers groupes de participants, ils ont assuré la logistique, supervisé la formation et assuré certains cours.
Les militaires français ont formé et contribué à former militairement les Interahamwe entre le début de l’année 1992 jusqu’au départ de l’opération Noroît en décembre 1993. Certains témoins, mais cela n’est pas systématique, disent aussi qu’il arrivait que des militaires français contribuent à la formation idéologique dont le point d’enseignement principal était de définir le Tutsi comme l’ennemi. Cette formation s’est faite dans cinq grands camps militaires où étaient établis les militaires français. Après le massacre du Bugesera de mars 1992, qu’a bien suivi le colonel Robardey, l’armée française savait que les Interahamwe qu’elle formait avaient pour principale mission le massacre des Tutsi, vocation qui n’a fait que se confirmer au fil du temps. Les militaires français ont pleinement participé à l’intensification de la formation des Interahamwe durant le dernier trimestre de 1993. Cette intensification faisait partie des préparatifs du génocide, et cela, l’armée française ne pouvait l’ignorer, pour les raisons synthétisées plus haut.
Les gendarmes français ont contribué au fichage des Tutsi et des opposants politiques. Les gendarmes français attachés à la CRCD ont introduit l’informatisation des banques de données du service, en particulier du fichier des personnes à rechercher et à surveiller (PRAS). Le 14 octobre 1992, le colonel Robardey écrivait au chef d’état-major de la gendarmerie nationale, le colonel Augustin Ndindiliyimana, l’informant que le PRAS était prêt à fonctionner, et qu’il n’attendait que son accord pour le rendre opérationnel. Le général Jean Varret, chef de la Mission militaire de coopération d’octobre 1990 à avril 1993, avait été l’initiateur du projet de coopération française au CRCD. Lors de son audition par la MIP, il a affirmé qu’il avait eu le sentiment que le travail des gendarmes français à la CRCD devait servir à ficher les Tutsi. Or, au tout début du génocide, les militaires qui se déplaçaient de maisons en maisons pour tuer des opposants politiques ou des notables tutsi étaient munis de listes imprimées. La gendarmerie avait la surface en effectif et en logistique nécessaire pour une bonne collecte de l’information, et elle avait le logiciel préparé par les gendarmes français. Un ancien cadre du Service central de renseignement a affirmé à la Commission que son institution n’avait jamais atteint ce niveau d’organisation. Il y a ainsi de fortes chances que ces listes utilisées au début du génocide aient été dressées avec la contribution du PRAS.
Dans les jours qui ont suivi l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, l’ambassadeur Martres a enjoint le colonel Bagosora de prendre le pouvoir. Une année plus tôt, ce dernier avait publiquement annoncé qu’il allait « préparer l’apocalypse ». Ensuite,
1 MIP, Enquête…, t.1, version PDF, p. 156.
Martres a donné sa bénédiction à la formation du gouvernement intérimaire rassemblant presque exclusivement des membres de la coalition Hutu power. Or, tant le colonel Bagosora que la quasi-totalité des futurs membres du gouvernement intérimaire, étaient connus pour leur position défendant une solution violente contre ceux qu’ils taxaient d’être les complices intérieurs du FPR, les Tutsi de façon générale et les opposants hutu au Hutu power.
1 Réservons encore cependant l’évaluation du caractère volontaire ou non de ce soutien.
La France a participé à la mise en exécution du génocide
Durant toute la période du génocide, la France a soutenu diplomatiquement et militairement le gouvernement intérimaire qui, au su du monde entier, en temps réel, était en train d’organiser et d’exécuter un génocide. Le 27 avril 1994, soit trois semaines après le déclenchement du génocide, deux émissaires de ce gouvernement, Jérôme Bicamumpaka, ministre des Affaires étrangères, et Jean-Bosco Barayagwiza, un des chefs de la CDR, furent reçus à Paris à l’Elysée et à Matignon, alors que les Etats-Unis et la Belgique leur avaient refusé le visa2. Ils eurent des entretiens avec de hauts responsables français, notamment le premier ministre Edouard Balladur, le ministre des Affaires étrangères Alain Juppé, et Bruno Delaye, chef de la cellule africaine de la présidence3.
Le 9 mai 1994, le général Huchon reçut le lieutenant-colonel Ephrem Rwabalinda, conseillé du chef d’état-major des FAR. Durant l’entretien, les deux officiers ont discuté en « priorité » : « - le soutien du Rwanda par la France sur le plan de la politique internationale ; - la présence physique des militaires Français au Rwanda[…] pour des coups de mains dans le cadre de la coopération ; - l’utilisation indirecte des troupes étrangères régulières ou non ; […] » 4 Le général Huchon s’est engagé à fournir des munitions de 105mm, des munitions pour armes individuelles, ainsi que du matériel de transmission pour faciliter le déroulement des communications secrètes entre lui et le général Augustin Bizimungu, commandant en chef des FAR. Ces communications devaient servir à préparer une intervention militaire directe de la France au Rwanda.
Pendant toute la période du génocide, des militaires français restés au Rwanda se battaient aux côtés des FAR. Durant cette période, la France a continué à approvisionner en munitions et en armes la partie gouvernementale en train de commettre le génocide. Différentes livraisons en provenance ou commanditées par la France sont bien documentées pour les mois d’avril, mai, juin et juillet 1994. En juin 1194, lorsque les FAR ont été sur le point
1 Gérard Prunier, 1999, p.417.2 HRW, FIDH, Aucun témoin ne doit survivre…, p.750
3Le Monde, 1er avril 1998.
4 Le Rapport peut être consulté sur le site de l’agence Voltaire : www.voltairenet.org/article5869.html
d’être défaites par le FPR, le président Mitterrand a décidé d’intervenir militairement au Rwanda en lançant l’opération Turquoise. L’objectif premier de cette intervention était de couper le pays en deux à partir de Kigali, d’arrêter l’avancée du FPR et l’obliger à négocier un partage du pouvoir avec le gouvernement génocidaire. Le Premier ministre Balladur s’est opposé à ce projet, mais surtout, lorsque Turquoise débarque au Rwanda, il est trop tard, le FPR a trop avancé.
A leur arrivée, les militaires français se sont empressés de sécuriser certaines enclaves
Comme les camps de survivants du génocide, Nyarushishi ou, plus tard, Murambi, à grand renfort de publicité. Par ailleurs, dans le reste de la région, ils ont collaboré avec les autorités préfectorales, communales et locales organisatrices de l’extermination de leur population tutsi. Ils ont laissé en place les infrastructures du genocide, à savoir les barrières tenues par les Interahamwe. Ils ont demandé de façon expresse que les Interahamwe continuent à contrôler ces barrières et continuent à tuer les Tutsi qui tenteraient de circuler. Ils ont demandé de façon tout aussi expresse qu’on leur apporte les Tutsi qui s’étaient faufilés dans les camps de déplacés, que les Interahamwe tuent au moins certains de ces Tutsi. Un peu partout dans les trois préfectures, ils ont laissé les Interahamwe tuer des Tutsi sous leurs yeux. Les militaires français ont commis de nombreux viols, forcé des relations sexuelles spécifiquement avec des rescapées tutsi. Ces abus sexuels visant particulièrement les rescapées tutsi étaient systémiques, c’est-à-dire, fréquents, tolérés et générés par les normes et pratiques de l’institution auxquels appartiennent les hommes qui les commettaient. Il s’agit dans le cas d’espèce d’une manifestation de l’agression des militaires français contre les rescapées tutsi dans un contexte de génocide. Les conditions déplorables, notamment nutritionnelles, dans lesquelles étaient maintenus les survivants du génocide secourus par les militaires français, que cela soit au camp finalement établi à Bisesero, à Nyurishishi ou à Murambi, obligeant une nouvelle fois les survivants à risquer leur vie en quittant les enclaves « protégées »pour chercher de quoi se nourrir, ont causé la mort de certains d’entre eux. Les refus de soins à des femmes et à des jeunes filles à Kibuye et à Cyangugu par certains médecins militaires français, ainsi que les amputations abusives à Goma, tout ceci dénote une claire hostilité des militaires français contre les survivants tutsi, du seul fait de leur ppartenance ethnique. Ces faits se sont déroulés durant toute la période de l’opération Turquoise, c'est-à-dire du 23 juin au 22 août. Enfin, que cela soit à Gikongoro, à Kibuye ou à Cyangugu, durant les derniers jours de leur présence, les militaires français ont pratiqué la politique de la terre brûlée. Ils ont ordonné aux autorités locales d’inciter la population hutu à fuir massivement au Zaïre. Des officiers supérieurs français en situation de commandement ont tenu des réunions publiques pour inciter directement la population à fuir. Enfin, durant ces derniers jours de leur mission, les militaires français ont encouragé le pillage et la destruction des infrastructures publiques, ils y ont aussi participé.
Depuis octobre 1990, la France a appuyé le régime Habyarimana dans ses dérives, notamment dans la commission d’actes de génocide avant avril 1994. Elle l’a soutenu dans ses préparatifs du génocide. A partir d’avril 1994, la France a cette fois-là soutenu le gouvernement intérimaire et les FAR qui étaient en train de commettre un génocide total à la face du monde. L’appuie de la France a été de toute nature, politique, militaire, diplomatique et logistique. Or depuis octobre 1990, le régime Habyarimana, et ensuite celui du gouvernement intérimaire, se sont illustrés dans des massacres de populations civiles tutsi, non belligérantes et le plus souvent loin du terrain des opérations de guerre. Depuis 1990, ces massacres n’ont aucune utilité stratégique, aucune justification pratique. Il s’agit d’épisodes d’une guerre ethnique menée contre une population civile, avant de passer en avril à une guerre d’extermination de cette population. A aucun moment la France n’a tenté de contraindre son allié à plus de retenue, alors que celui-ci lui devait tout dans sa guerre contre le FPR. Il n’existe aucun indice d’une quelconque tentative par les décideurs politiques et militaires français de mettre un terme à cette guerre contre les civils tutsi. La persistance et la détermination de ce soutien porte à se poser la question du véritable rôle de la France dans la préparation et la perpétration du génocide. Cette persistance montre que les décideurs politiques et militaires français avaient fait leur cette guerre contre les Tutsi. Les hommes qui ont géré cette intervention militaire au Rwanda depuis octobre à août 1994 sont presque les mêmes. Leur identification est aisée.
Depuis octobre 1990, la France a appuyé le régime Habyarimana dans ses dérives, notamment dans la commission d’actes de génocide avant avril 1994. Elle l’a soutenu dans ses préparatifs du génocide. A partir d’avril 1994, la France a cette fois-là soutenu le gouvernement intérimaire et les FAR qui étaient en train de commettre un génocide total à la face du monde. L’appuie de la France a été de toute nature, politique, militaire, diplomatique et logistique. Or depuis octobre 1990, le régime Habyarimana, et ensuite celui du gouvernement intérimaire, se sont illustrés dans des massacres de populations civiles tutsi, non belligérantes et le plus souvent loin du terrain des opérations de guerre. Depuis 1990, ces massacres n’ont aucune utilité stratégique, aucune justification pratique. Il s’agit d’épisodes d’une guerre ethnique menée contre une population civile, avant de passer en avril à une guerre d’extermination de cette population. A aucun moment la France n’a tenté de
contraindre son allié à plus de retenue, alors que celui-ci lui devait tout dans sa guerre contre le FPR. Il n’existe aucun indice d’une quelconque tentative par les décideurs politiques et militaires français de mettre un terme à cette guerre contre les civils tutsi. La persistance et la détermination de ce soutien porte à se poser la question du véritable rôle de la France dans la préparation et la perpétration du génocide. Cette persistance montre que les décideurs politiques et militaires français avaient fait leur cette guerre contre les Tutsi. Les hommes qui ont géré cette intervention militaire au Rwanda depuis octobre à août 1994 sont presque les mêmes. Leur identification est aisée.
personnes menacées ou à risque. »TP Ces zones de sécurité sont prévues par les Conventions de PT Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels.
En créant la ZHS, l’armée française s’était arrogée le plein exercice de l’autorité, à l’exclusion de toute autre institution. En décidant de garder et de collaborer avec le personnel politique et administratif, avec les hommes de main et leurs infrastructures qui avaient perpétré le génocide durant les deux mois et demi précédents, en leur demandant et/ou les laissant continuer les assassinats de Tutsi qui dans le contexte étaient constitutifs du crime de génocide, souvent sous leur yeux, les militaires français de Turquoise et leurs commanditaires ont pleinement pris en charge le projet génocidaire.
TPPT
1 Antoine Mindua, « de la légalité de la ‘zone de sécurité française’ au Rwanda», Afrique 2000, n°12,1994, p.20.
RECOMMANDATIONS
La Commission demande au Gouvernement rwandais de se réserver le droit de porter plainte contre l’Etat français pour sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide de 1994 au Rwanda devant les instances judiciaires internationales habilitées.
La Commission recommande au Gouvernement rwandais de trouver un règlement diplomatique de la question avec l’Etat français dans la mesure où ce dernier est prêt à reconnaître l’entière étendue de sa responsabilité dans la préparation et l’exécution du génocide au Rwanda et de prendre les mesures de réparation conséquentes en accord avec le Gouvernement rwandais.
La Commission demande au Gouvernement rwandais de soutenir toute action individuelle ou collective de victimes qui souhaiteraient porter plainte devant les tribunaux pour le préjudice causé par les actions de l’Etat français et/ou ses agents au Rwanda.
La Commission recommande au Gouvernement rwandais de faire une large diffusion du présent rapport.
La Commission demande au Gouvernement rwandais de mettre en place une instance de suivi de la question.
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