Saleh Al-Naami - IslamOnline
L’histoire du conflit palestinien/israélien prouve que les dirigeants israéliens ont toujours utilisé les périodes de cessez-le-feu et de trêve pour renforcer leurs préparatifs en vue d’affrontements ultérieurs ; c’est à cela qu’Israël est occupé en ce moment.
Sous cessez-le-feu, mais à l’affût de l’affrontement !
Il y a quelques jours, devant chez lui à Qalqilya, une cité dans le nord de la Cisjordanie, un militant du Hamas de 29 ans, Ibrahim Nasser, pense ne pas être en danger, n’étant pas sur la liste des militants « recherchés » par les forces d’occupation israélienne. A sa grande surprise, un véhicule civil s’arrête pile devant lui, 4 hommes vêtus en civil en descendent, l’abattent à bout portant et s’enfuient. Ces hommes appartiennent à la Duvdevan (le mot hébreu pour cerise), l’escadron de la mort israélien bien connu, chargé de l’assassinat des militants palestiniens en Cisjordanie.
Les citoyens palestiniens du quartier sont sidérés, non seulement parce que Nasser n’était pas un militant et qu’il n’était pas listé par les forces d’occupation, mais encore parce l’opération s’est produite alors même qu’une trêve, conclue par le Hamas et Israël par la médiation des Egyptiens est en vigueur. La déception pour cette « accalmie » ne se limite plus aux Palestiniens de Cisjordanie, elle est maintenant passée dans la bande de Gaza.
Nabil Abu Samha, 29 ans, surveillant à l’hôpital Shuhadaa’ Al-Aqsa de Gaza, a le visage ruisselant de sueur et tente de se protéger de la chaleur accablante avec un journal à la main. Depuis plus d’une heure, il attend un taxi pour aller à Gaza toucher son salaire du mois, mais il n’a quasiment aucune chance d’en trouver un à cause de la pénurie d’essence dans la bande de Gaza ; c’est la conséquence directe de l’embargo sur Gaza, même après un mois de cessez-le-feu effectif. Abu Samha ne cache pas son mécontentement à cause de l’embargo qui se poursuit en dépit de la trêve en cours, tout en considérant en même temps qu’il faut donner sa chance à cet accord.
« Nous avons passé plus d’un an sous un blocus étouffant » dit Abu Samha, « aussi, il faut donner à cet accord une chance de réussir en dépit des obstacles à sa mise en application. » Comme Abu Samha, la grande majorité des Palestiniens continue de souffrir de toutes ces pénuries provoquées par le blocus et ce, malgré ledit accord.
Salem Awwad, 43 ans, a un atelier de forge dans le camp de réfugiés d’Al-Nusayrat, dans le centre de la Bande. Il est de ceux qui ont applaudi à l’annonce de la trêve Hamas/Israël. Il espérait que le cessez-le-feu lui permettrait de trouver les matières premières nécessaires pour son travail. « Mais mes espoirs sont tous brisés maintenant » déclare-t-il à IslamOnline.net, « Mes voisins propriétaires de l’atelier et moi passons notre temps entre la lecture des journaux et les bavardages. »
La bouée de sauvetage d’Olmert
Cette situation pleine de menaces pose un certain nombre de questions sur les objectifs qu’Israël cache derrière la trêve et s’il faut le prendre au sérieux quand il le met en oeuvre. Et quels sont les circonstances et les paris qui conduisent Israël à accepter cet accord ?
Pour Waleed Al-Modallal, professeur de science politique à l’Université islamique de Gaza, il y a un certain nombre de raisons qui ont conduit Olmert à la trêve. Olmert est parfaitement conscient que sans trêve, il lui faudrait déclancher une action armée contre Gaza pour mettre fin aux opérations de la résistance, particulièrement aux tirs de roquettes, dans le cadre d’une campagne militaire sans précédent ; auquel cas, Israël serait obligé de réoccuper Gaza, ou au moins une grande partie de la Bande. En même temps, Olmert pense que, d’un point de vue moral, il ne peut pas entraîner Israël dans un affrontement décisif à Gaza.
Al-Modallal ajoute qu’« après son échec désastreux dans la guerre du Liban, et avoir été tenu responsable de cet échec, Olmert ne peut plus se permettre d’envoyer une armée dans Gaza dans une opération qui conduirait à la mort des centaines de soldats. Il a compris que la majorité de l’opinion publique israélienne ne faisait plus confiance à sa direction et dès lors, il a préféré une trêve à un renforcement des hostilités. » Selon Al-Modallal, l’implication d’Olmert dans des allégations de fraude et de corruption lui laisse peu de marge pour négocier et le rend incapable d’assumer les conséquences d’un échec dans un nouvel affrontement armé dans la bande de Gaza.
Le cas du soldat israélien, Gilad Shalit, capturé par le Hamas, rentre aussi dans les premières considérations qui ont amené un nombre significatif de ministres et de chefs militaires à soutenir la trêve, explique Al-Modallal. Même si Israël était en mesure, grâce aux services de renseignements, de le localiser, donner l’ordre d’une opération militaire pour libérer Shalit n’était pas possible, surtout avec le consensus existant chez les dirigeants de la sécurité convaincus que Shalit ne sortirait pas vivant d’une telle opération, laquelle pourrait, en outre, coûter la vie à un grand nombre de soldats.
La réoccupation de Gaza
Al-Modallal pense qu’Israël n’est pas intéressé par une réoccupation de la bande de Gaza dans la crainte de récupérer la responsabilité de fournir les services humanitaires à plus d’un million et demi de Palestiniens. Et en même temps, il pense que la trêve restera instable tant que les Israéliens seront convaincus de pouvoir continuer leurs opérations répressives contre les Palestiniens en Cisjordanie, sur la base que les factions palestiniennes avaient accepté avec réserve de limiter la trêve à Gaza. Cette situation donne à certains groupes de la sécurité israélienne - qui s’étaient fortement opposés à la trêve - la possibilité d’essayer de la saboter en multipliant les assassinats des militants de la résistance dans le nord et le centre de la Cisjordanie.
Uyval Diskin, chef du service de renseignements intérieurs israélien (le Shabak), s’est montré le plus ouvertement opposé au cessez-le-feu et a mis en garde contre ses conséquences. « Diskin se sert du rôle clé et crucial de l’office de renseignements qu’il dirige pour mettre à mal la trêve. » déclare Al-Modallal. Cette méthode incite la résistance palestinienne à répondre à son tour aux opérations israéliennes de Cisjordanie en recommençant à bombarder les implantations juives depuis la bande de Gaza.
Une autre stratégie qu’Israël met en œuvre pour se soustraire à la trêve consiste à faire dépendre la réouverture du passage de Rafah de la libération de Shalit.
Le chercheur et écrivain palestinien Nehad Al-Shaikh Al-Khalil note que, « D’après l’accord, Israël est censé rouvrir tous les passages commerciaux et laisser les marchandises rentrer librement dans la bande de Gaza. » L’accalmie est en fait très fragile, dit Khalil, et il confirme qu’une attaque d’Israël sur la bande de Gaza est très possible aussitôt qu’il aura récupérer Shalit. Israël indique actuellement utiliser le cessez-le-feu pour préparer un futur affrontement armé décisif avec le Hamas.
Comme la voit Khalil, l’histoire du conflit palestinien/israélien prouve que les dirigeants israéliens ont toujours utilisé les périodes de cessez-le-feu et de trêve pour renforcer leurs préparatifs en vue d’affrontements armés ultérieurs ; c’est à cela qu’Israël est occupé en ce moment, croit fermement Khalil.
Néanmoins, Khalil dit que, à cet égard, l’objectivité lui commande de citer aussi l’autre coté. La capacité du Hamas à retenir les factions palestiniennes et à les persuader de s’en tenir au cessez-le-feu reste limitée étant donné que certaines factions ont un intérêt à donner à Israël le prétexte pour briser la trêve. Les membres du Fatah, en particulier, voient dans le succès de la trêve une énorme victoire du Hamas, victoire qui pourrait lui valoir une reconnaissance internationale, ce que les membres du Fatah ne voient pas à leur avantage et, par conséquent, le Fatah aimerait faire avorter le cessez-le-feu. Certaines entités régionales, ajoute Khalil, pourraient être aussi embarrassées si le Hamas parvenait à gérer la trêve, un point qui pourrait être retenu pour marquer le succès de la conduite des affaires par les mouvements islamiques.
Revenant sur cet argument, Nagy Sharab, professeur de science politique à l’Université Al-Azhar, s’interroge ci-après sur la nature de l’accord d’accalmie.
La stratégie du diviser pour régner
Le professeur Nagy Sharab, de Gaza, se rapporte au fait « que l’accalmie est non écrite, officiellement non contraignante et sans garantie, tout ce qui permet d’éviter de la respecter. » Il met en garde également contre l’exclusion de la Cisjordanie de l’accalmie, ce qui aura très certainement des répercussions négatives.
Dans le même temps, Israël, dit Sharab, va essayer de gérer la trêve pour en tirer avantage politiquement, aux dépens des Palestiniens et en jouant sur leurs conflits internes.
« Israël va essayer de réaliser deux choses importantes. La première sera de diviser la résistance et de rejeter le Hamas loin du camp de la résistance, en faisant valoir à celui-ci les mérites d’une accalmie politique et économique. La seconde sera de faire chanter Abu Mazen [Mahmoud Abbas] à travers des négociations et des compromis, en se servant de la crainte qu’il a de voir le Hamas profiter politiquement de la trêve. » Nagy avertit plus loin qu’Israël va œuvrer d’arrache-pied à utiliser la trêve dans le but de dépouiller la résistance de toute reconnaissance internationale dans le monde et dans l’opinion publique palestinienne, en montant les mouvements palestiniens les uns contre les autres.
Tout en lançant ces mises en garde, Sharab insiste bien, elles ne signifient pas qu’Israël sera automatiquement en mesure d’atteindre ses objectifs. Tout échec cependant, conduira Israël à utiliser, une fois de plus, la violence directe contre la bande de Gaza.
Sharab ne manque pas de faire le lien entre la trêve et les réelles intentions américano-israéliennes à l’égard de l’Iran. « Si Israël projette d’attaquer les complexes nucléaires iraniens, des enjeux directs seront liés au respect de la trêve jusqu’à ce que ses projets s’accomplissent. Israël est bien conscient qu’il ne sera pas très pratique pour lui d’attaquer l’Iran si Gaza est en ébullition. »
Le porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum, considère les risques d’un retrait de la résistance inexistants.
Israël n’a pas réussi à associer la trêve à la cause de Shalit et il a été contraint de renoncer à son exigence visant à faire s’engager le Hamas dans l’arrêt de toute opération de fabrication et de contrebande d’armes, ce que Barhoum présente comme un succès du Hamas, au moins à ce moment de la trêve. « Le Hamas n’a fait aucun compromis s’agissant de la Cisjordanie », laissant à la résistance le droit d’engager toute opération en Cisjordanie, sans violer la trêve.
Le premier jour de la mise en vigueur de la trêve, dit Barhoum, le mouvement a lancé une opération importante contre un groupe de soldats et de colons, en Cisjordanie. Ainsi, l’accalmie a une limite de trois mois, après laquelle le Hamas souligne que la trêve s’élargira à la Cisjordanie.
Relevant qu’Israël a accepté la trêve malgré la capture de Shalit, Barhoum insiste sur le fait que le Hamas ne le libérera pas avant qu’Israël ne libère lui-même tous les détenus palestiniens que le Hamas réclame, y compris tous les combattants de la résistance convaincus d’avoir tué des soldats et des colons.
La politique de sabotage de la paix
En règle générale, et sur une longue expérience, Israël a suivi une méthode limpide pour mettre en échec les précédents cessez-le-feu avec les Palestiniens. En juin 2003, le Premier ministre palestinien de l’époque - l’actuel président -, Mahmoud Abbas, a recherché un accord de cessez-le-feu entre les groupes de la résistance palestinienne et Israël ; pendant trois mois, les groupes palestiniens ont respecté le cessez-le-feu au grand dam des cercles de la sécurité israélienne qui ont alors décidé d’assassiner brusquement Ismail Abu Shanab, une personnalité honorée du Hamas, afin de forcer la résistance à réagir à cette opération.
En novembre 2005, Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, a réussi à obtenir un autre cessez-le-feu. Une fois encore, Israël est intervenu pour le faire capoter en assassinant plusieurs militants de la résistance. Comme les Palestiniens gardaient leur sang-froid, Israël a intensifié ses provocations en assassinant cette fois un dirigeant du Jihad islamique, Ahmed Arhim, un aveugle ; des soldats ont laissé leurs chiens déchirer son corps et le dépecer sous les yeux d’un groupe de personnes. A ce niveau-là, la résistance palestinienne ne pouvait pas échapper à la vengeance.
Dans leur livre, La Septième Guerre - qui s’attaque à la façon dont Israël a géré la seconde Intifada, Al-Aqsa -, les journalistes israéliens Avi Yisachorov et Amos Harel affirment que l’armée israélienne suit une politique méthodologique afin de faire échec à tout effort international ou régional pour un cessez-le-feu en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Nombre d’observateurs, en Israël, voient un lien entre la révélation de corruption à l’encontre d’officiels israéliens d’une part, et le désir israélien de couper la route à tout règlement politique ou à tout effort pour une trêve, d’autre part. En outre, la chaîne nationale de télévision, Channel 10, a récemment révélé que l’extrême droite juive avait réussi à convaincre le financier américain juif, Morris Talansky, de témoigner contre le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, en l’accusant d’avoir encaissé des pots-de-vin. Cela fait partie des manœuvres pour obliger Olmert à démissionner et laisser l’extrême droite gouverner sous la houlette de Netanyahu afin « d’avoir l’occasion de donner une leçon aux Arabes ».
* Saleh Al-Naami est chercheur et journaliste. Ses nombreuses publications notoires sont publiées par le journal Alhayat de Londres et le Centre d’études sur le Moyen-Orient de Jordanie. Al-Naami a publié également un livre, La Presse et l’Armée en Israël, Dar Al-Shorouk, Egypte. Pour plus d’informations, consulter son site : http://www.naamy.net (en arabe).
L’histoire du conflit palestinien/israélien prouve que les dirigeants israéliens ont toujours utilisé les périodes de cessez-le-feu et de trêve pour renforcer leurs préparatifs en vue d’affrontements ultérieurs ; c’est à cela qu’Israël est occupé en ce moment.
Sous cessez-le-feu, mais à l’affût de l’affrontement !
Il y a quelques jours, devant chez lui à Qalqilya, une cité dans le nord de la Cisjordanie, un militant du Hamas de 29 ans, Ibrahim Nasser, pense ne pas être en danger, n’étant pas sur la liste des militants « recherchés » par les forces d’occupation israélienne. A sa grande surprise, un véhicule civil s’arrête pile devant lui, 4 hommes vêtus en civil en descendent, l’abattent à bout portant et s’enfuient. Ces hommes appartiennent à la Duvdevan (le mot hébreu pour cerise), l’escadron de la mort israélien bien connu, chargé de l’assassinat des militants palestiniens en Cisjordanie.
Les citoyens palestiniens du quartier sont sidérés, non seulement parce que Nasser n’était pas un militant et qu’il n’était pas listé par les forces d’occupation, mais encore parce l’opération s’est produite alors même qu’une trêve, conclue par le Hamas et Israël par la médiation des Egyptiens est en vigueur. La déception pour cette « accalmie » ne se limite plus aux Palestiniens de Cisjordanie, elle est maintenant passée dans la bande de Gaza.
Nabil Abu Samha, 29 ans, surveillant à l’hôpital Shuhadaa’ Al-Aqsa de Gaza, a le visage ruisselant de sueur et tente de se protéger de la chaleur accablante avec un journal à la main. Depuis plus d’une heure, il attend un taxi pour aller à Gaza toucher son salaire du mois, mais il n’a quasiment aucune chance d’en trouver un à cause de la pénurie d’essence dans la bande de Gaza ; c’est la conséquence directe de l’embargo sur Gaza, même après un mois de cessez-le-feu effectif. Abu Samha ne cache pas son mécontentement à cause de l’embargo qui se poursuit en dépit de la trêve en cours, tout en considérant en même temps qu’il faut donner sa chance à cet accord.
« Nous avons passé plus d’un an sous un blocus étouffant » dit Abu Samha, « aussi, il faut donner à cet accord une chance de réussir en dépit des obstacles à sa mise en application. » Comme Abu Samha, la grande majorité des Palestiniens continue de souffrir de toutes ces pénuries provoquées par le blocus et ce, malgré ledit accord.
Salem Awwad, 43 ans, a un atelier de forge dans le camp de réfugiés d’Al-Nusayrat, dans le centre de la Bande. Il est de ceux qui ont applaudi à l’annonce de la trêve Hamas/Israël. Il espérait que le cessez-le-feu lui permettrait de trouver les matières premières nécessaires pour son travail. « Mais mes espoirs sont tous brisés maintenant » déclare-t-il à IslamOnline.net, « Mes voisins propriétaires de l’atelier et moi passons notre temps entre la lecture des journaux et les bavardages. »
La bouée de sauvetage d’Olmert
Cette situation pleine de menaces pose un certain nombre de questions sur les objectifs qu’Israël cache derrière la trêve et s’il faut le prendre au sérieux quand il le met en oeuvre. Et quels sont les circonstances et les paris qui conduisent Israël à accepter cet accord ?
Pour Waleed Al-Modallal, professeur de science politique à l’Université islamique de Gaza, il y a un certain nombre de raisons qui ont conduit Olmert à la trêve. Olmert est parfaitement conscient que sans trêve, il lui faudrait déclancher une action armée contre Gaza pour mettre fin aux opérations de la résistance, particulièrement aux tirs de roquettes, dans le cadre d’une campagne militaire sans précédent ; auquel cas, Israël serait obligé de réoccuper Gaza, ou au moins une grande partie de la Bande. En même temps, Olmert pense que, d’un point de vue moral, il ne peut pas entraîner Israël dans un affrontement décisif à Gaza.
Al-Modallal ajoute qu’« après son échec désastreux dans la guerre du Liban, et avoir été tenu responsable de cet échec, Olmert ne peut plus se permettre d’envoyer une armée dans Gaza dans une opération qui conduirait à la mort des centaines de soldats. Il a compris que la majorité de l’opinion publique israélienne ne faisait plus confiance à sa direction et dès lors, il a préféré une trêve à un renforcement des hostilités. » Selon Al-Modallal, l’implication d’Olmert dans des allégations de fraude et de corruption lui laisse peu de marge pour négocier et le rend incapable d’assumer les conséquences d’un échec dans un nouvel affrontement armé dans la bande de Gaza.
Le cas du soldat israélien, Gilad Shalit, capturé par le Hamas, rentre aussi dans les premières considérations qui ont amené un nombre significatif de ministres et de chefs militaires à soutenir la trêve, explique Al-Modallal. Même si Israël était en mesure, grâce aux services de renseignements, de le localiser, donner l’ordre d’une opération militaire pour libérer Shalit n’était pas possible, surtout avec le consensus existant chez les dirigeants de la sécurité convaincus que Shalit ne sortirait pas vivant d’une telle opération, laquelle pourrait, en outre, coûter la vie à un grand nombre de soldats.
La réoccupation de Gaza
Al-Modallal pense qu’Israël n’est pas intéressé par une réoccupation de la bande de Gaza dans la crainte de récupérer la responsabilité de fournir les services humanitaires à plus d’un million et demi de Palestiniens. Et en même temps, il pense que la trêve restera instable tant que les Israéliens seront convaincus de pouvoir continuer leurs opérations répressives contre les Palestiniens en Cisjordanie, sur la base que les factions palestiniennes avaient accepté avec réserve de limiter la trêve à Gaza. Cette situation donne à certains groupes de la sécurité israélienne - qui s’étaient fortement opposés à la trêve - la possibilité d’essayer de la saboter en multipliant les assassinats des militants de la résistance dans le nord et le centre de la Cisjordanie.
Uyval Diskin, chef du service de renseignements intérieurs israélien (le Shabak), s’est montré le plus ouvertement opposé au cessez-le-feu et a mis en garde contre ses conséquences. « Diskin se sert du rôle clé et crucial de l’office de renseignements qu’il dirige pour mettre à mal la trêve. » déclare Al-Modallal. Cette méthode incite la résistance palestinienne à répondre à son tour aux opérations israéliennes de Cisjordanie en recommençant à bombarder les implantations juives depuis la bande de Gaza.
Une autre stratégie qu’Israël met en œuvre pour se soustraire à la trêve consiste à faire dépendre la réouverture du passage de Rafah de la libération de Shalit.
Le chercheur et écrivain palestinien Nehad Al-Shaikh Al-Khalil note que, « D’après l’accord, Israël est censé rouvrir tous les passages commerciaux et laisser les marchandises rentrer librement dans la bande de Gaza. » L’accalmie est en fait très fragile, dit Khalil, et il confirme qu’une attaque d’Israël sur la bande de Gaza est très possible aussitôt qu’il aura récupérer Shalit. Israël indique actuellement utiliser le cessez-le-feu pour préparer un futur affrontement armé décisif avec le Hamas.
Comme la voit Khalil, l’histoire du conflit palestinien/israélien prouve que les dirigeants israéliens ont toujours utilisé les périodes de cessez-le-feu et de trêve pour renforcer leurs préparatifs en vue d’affrontements armés ultérieurs ; c’est à cela qu’Israël est occupé en ce moment, croit fermement Khalil.
Néanmoins, Khalil dit que, à cet égard, l’objectivité lui commande de citer aussi l’autre coté. La capacité du Hamas à retenir les factions palestiniennes et à les persuader de s’en tenir au cessez-le-feu reste limitée étant donné que certaines factions ont un intérêt à donner à Israël le prétexte pour briser la trêve. Les membres du Fatah, en particulier, voient dans le succès de la trêve une énorme victoire du Hamas, victoire qui pourrait lui valoir une reconnaissance internationale, ce que les membres du Fatah ne voient pas à leur avantage et, par conséquent, le Fatah aimerait faire avorter le cessez-le-feu. Certaines entités régionales, ajoute Khalil, pourraient être aussi embarrassées si le Hamas parvenait à gérer la trêve, un point qui pourrait être retenu pour marquer le succès de la conduite des affaires par les mouvements islamiques.
Revenant sur cet argument, Nagy Sharab, professeur de science politique à l’Université Al-Azhar, s’interroge ci-après sur la nature de l’accord d’accalmie.
La stratégie du diviser pour régner
Le professeur Nagy Sharab, de Gaza, se rapporte au fait « que l’accalmie est non écrite, officiellement non contraignante et sans garantie, tout ce qui permet d’éviter de la respecter. » Il met en garde également contre l’exclusion de la Cisjordanie de l’accalmie, ce qui aura très certainement des répercussions négatives.
Dans le même temps, Israël, dit Sharab, va essayer de gérer la trêve pour en tirer avantage politiquement, aux dépens des Palestiniens et en jouant sur leurs conflits internes.
« Israël va essayer de réaliser deux choses importantes. La première sera de diviser la résistance et de rejeter le Hamas loin du camp de la résistance, en faisant valoir à celui-ci les mérites d’une accalmie politique et économique. La seconde sera de faire chanter Abu Mazen [Mahmoud Abbas] à travers des négociations et des compromis, en se servant de la crainte qu’il a de voir le Hamas profiter politiquement de la trêve. » Nagy avertit plus loin qu’Israël va œuvrer d’arrache-pied à utiliser la trêve dans le but de dépouiller la résistance de toute reconnaissance internationale dans le monde et dans l’opinion publique palestinienne, en montant les mouvements palestiniens les uns contre les autres.
Tout en lançant ces mises en garde, Sharab insiste bien, elles ne signifient pas qu’Israël sera automatiquement en mesure d’atteindre ses objectifs. Tout échec cependant, conduira Israël à utiliser, une fois de plus, la violence directe contre la bande de Gaza.
Sharab ne manque pas de faire le lien entre la trêve et les réelles intentions américano-israéliennes à l’égard de l’Iran. « Si Israël projette d’attaquer les complexes nucléaires iraniens, des enjeux directs seront liés au respect de la trêve jusqu’à ce que ses projets s’accomplissent. Israël est bien conscient qu’il ne sera pas très pratique pour lui d’attaquer l’Iran si Gaza est en ébullition. »
Le porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum, considère les risques d’un retrait de la résistance inexistants.
Israël n’a pas réussi à associer la trêve à la cause de Shalit et il a été contraint de renoncer à son exigence visant à faire s’engager le Hamas dans l’arrêt de toute opération de fabrication et de contrebande d’armes, ce que Barhoum présente comme un succès du Hamas, au moins à ce moment de la trêve. « Le Hamas n’a fait aucun compromis s’agissant de la Cisjordanie », laissant à la résistance le droit d’engager toute opération en Cisjordanie, sans violer la trêve.
Le premier jour de la mise en vigueur de la trêve, dit Barhoum, le mouvement a lancé une opération importante contre un groupe de soldats et de colons, en Cisjordanie. Ainsi, l’accalmie a une limite de trois mois, après laquelle le Hamas souligne que la trêve s’élargira à la Cisjordanie.
Relevant qu’Israël a accepté la trêve malgré la capture de Shalit, Barhoum insiste sur le fait que le Hamas ne le libérera pas avant qu’Israël ne libère lui-même tous les détenus palestiniens que le Hamas réclame, y compris tous les combattants de la résistance convaincus d’avoir tué des soldats et des colons.
La politique de sabotage de la paix
En règle générale, et sur une longue expérience, Israël a suivi une méthode limpide pour mettre en échec les précédents cessez-le-feu avec les Palestiniens. En juin 2003, le Premier ministre palestinien de l’époque - l’actuel président -, Mahmoud Abbas, a recherché un accord de cessez-le-feu entre les groupes de la résistance palestinienne et Israël ; pendant trois mois, les groupes palestiniens ont respecté le cessez-le-feu au grand dam des cercles de la sécurité israélienne qui ont alors décidé d’assassiner brusquement Ismail Abu Shanab, une personnalité honorée du Hamas, afin de forcer la résistance à réagir à cette opération.
En novembre 2005, Mahmoud Abbas, chef de l’Autorité palestinienne, a réussi à obtenir un autre cessez-le-feu. Une fois encore, Israël est intervenu pour le faire capoter en assassinant plusieurs militants de la résistance. Comme les Palestiniens gardaient leur sang-froid, Israël a intensifié ses provocations en assassinant cette fois un dirigeant du Jihad islamique, Ahmed Arhim, un aveugle ; des soldats ont laissé leurs chiens déchirer son corps et le dépecer sous les yeux d’un groupe de personnes. A ce niveau-là, la résistance palestinienne ne pouvait pas échapper à la vengeance.
Dans leur livre, La Septième Guerre - qui s’attaque à la façon dont Israël a géré la seconde Intifada, Al-Aqsa -, les journalistes israéliens Avi Yisachorov et Amos Harel affirment que l’armée israélienne suit une politique méthodologique afin de faire échec à tout effort international ou régional pour un cessez-le-feu en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Nombre d’observateurs, en Israël, voient un lien entre la révélation de corruption à l’encontre d’officiels israéliens d’une part, et le désir israélien de couper la route à tout règlement politique ou à tout effort pour une trêve, d’autre part. En outre, la chaîne nationale de télévision, Channel 10, a récemment révélé que l’extrême droite juive avait réussi à convaincre le financier américain juif, Morris Talansky, de témoigner contre le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, en l’accusant d’avoir encaissé des pots-de-vin. Cela fait partie des manœuvres pour obliger Olmert à démissionner et laisser l’extrême droite gouverner sous la houlette de Netanyahu afin « d’avoir l’occasion de donner une leçon aux Arabes ».
* Saleh Al-Naami est chercheur et journaliste. Ses nombreuses publications notoires sont publiées par le journal Alhayat de Londres et le Centre d’études sur le Moyen-Orient de Jordanie. Al-Naami a publié également un livre, La Presse et l’Armée en Israël, Dar Al-Shorouk, Egypte. Pour plus d’informations, consulter son site : http://www.naamy.net (en arabe).
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