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A quoi sert l’Opep ?

« L’industrie du pétrole, ceux qui la connaissent se gardent bien d’en parler. Ceux qui en parlent ne la connaissent généralement pas », Paul Frenkel, expert pétrolier.



Mais à quel jeu de yo-yo est donc soumis le baril de pétrole ? De 100 dollars en janvier, il est monté jusqu´à 147 dollars, mi-juillet, avant de dégringoler pour retrouver son niveau du début de l´année. Tous les pays producteurs sont en effet convaincus que le marché marque des signes de "surabondance", la consommation reculant dans les grands pays industrialisés (Etats-Unis, Europe, Japon...) et progressant moins vite que ces dernières années dans les pays émergents (Chine, Inde...). Cette chute de près de 50 dollars en deux mois est passée presque inaperçue dans les médias occidentaux. Autant nous étions saturés d´informations tendancieuses quand le prix était à la hausse - les pays occidentaux ont parlé de 3e choc pétrolier pour culpabiliser l´Opep - autant c´est le silence radio quand il a commencé à dégringoler.

On se souvient du forcing américain pour inonder le marché. En juin, à Djeddah, deux sons de cloche, le président de l´Opep qui assure que le marché est approvisionné correctement, il n´y a pas pénurie. De son côté pourtant, l´Arabie saoudite s´est dit prête à produire, pour le restant de l´année et s´il existe la demande correspondante, plus que les 9,7 millions de barils de pétrole par jour qu´elle a déjà décidé de pomper en juillet. Le Koweït a, pour sa part, indiqué hier par la voix de son ministre du Pétrole, Mohammed Al-Olaïm, qu´il " (n´hésiterait) pas à augmenter (sa) production si le marché l´exigeait ".


Pourquoi la chute des prix du pétrole ?
Les cours du pétrole remontaient timidement vendredi 12 septembre, dopés par l´approche de l´ouragan Ike, qui a entraîné la fermeture des installations pétrolières et gazières dans le golfe du Mexique, et par la menace du président vénézuélien de ne plus fournir les Etats-Unis en pétrole. Par ailleurs, le 10 septembre l´AIE réduit ses prévisions sur la demande pétrolière mondiale. La demande mondiale de pétrole augmentera moins que prévu cette année. L´AIE a réduit de 100 000 barils par jour (bpj) sa projection de croissance de la demande mondiale de pétrole pour 2008 à 690 000 bpj et a également réduit la projection de 2009, de 40 000 bpj à 890 000 bpj. L´AIE, qui conseille 27 pays industrialisés en matière de politique énergétique, a également revu en baisse sa projection de l´offre des pays non-Opep, de 180 000 bpj pour 2008 et de 85 000 bpj en 2009.

Les prix du pétrole reculent également en raison de la remontée du dollar qui a touché, mardi dernier, dans les échanges asiatiques, un niveau plus haut, depuis octobre 2007, se rapprochant du seuil d’1,40 dollar pour 1 euro. La remontée du dollar face à l´euro décourage les achats de matières premières libellés en dollars, car elle érode le pouvoir d´achat des investisseurs munis d´autres devises. Elle incite aussi les investisseurs à racheter des dollars au détriment d´autres placements, tels que les matières premières. Il faut ajouter à cela que le département américain à l´Energie a fait savoir, mardi 2 septembre, que les Etats-Unis allaient sortir 250 000 barils de pétrole de leurs réserves stratégiques afin de pallier les perturbations engendrées par le passage de l´ouragan Gustav dans l´approvisionnement. Cela va donc créer une abondance artificielle contre le concept de la loi du marché.
Pourtant, de notre avis, la chute sans fin des prix du pétrole n´est pas une bonne nouvelle pour tout le monde. La spéculation, après avoir fait son miel jusqu´en juillet, se déplace vers d´autres niches. Comme l´écrit Paul Loubière économiste : "La bulle pétrolière est en train d´éclater. Les fonds ont déplacé plusieurs dizaines de milliards de dollars du pétrole vers d´autres actifs. Il n´est donc pas absurde de penser que le prix du pétrole est en train de renouer avec les fondamentaux. Faut-il s´en réjouir ? Pas forcément. Ce mouvement de baisse est, en effet, le reflet d´une baisse de la consommation observée en Europe et aux Etats-Unis. Nous sommes donc dans une situation d´excédent de pétrole. En bonne logique, cela se traduit par une baisse des cours. Mais cette baisse des cours risque de relancer la consommation à l´approche de l´hiver. Pour peu qu´il fasse froid et l´excédent de pétrole sera absorbé. Résultat, les prix pourraient repartir à la hausse. Quoi qu´il en soit, les aléas des cours ne peuvent faire oublier que la tendance lourde, sur le long terme, est celle d´une inéluctable pénurie. Dans ce contexte, un reflux des prix du pétrole n´est pas nécessairement une bonne nouvelle : il risque de nous faire oublier nos bonnes résolutions d´économie et de retarder la mise en place d´énergies de substitution. (1) Curieusement l’automobiliste européen ne profite pas de cette baisse de 33 % des prix du pétrole ! La baisse de l’essence n’a été en moyenne que de 7 %. Où est passée la différence, cherchez l’erreur ! On comprend aussi le danger d’une remise en cause de toutes les bonnes dispositions pour conjurer les changements climatiques si le prix du pétrole dégringolait à un seuil qui interdit la compétitivité des énergies renouvelables.

On se souvient qu´en termes à peine voilés en juin à Djeddah le ministre français de l´Energie et de l´Ecologie, Jean-Louis Borloo, a dénoncé les effets de la spéculation sur l´envolée des prix du pétrole "Il y a un accord général sur l´idée que, si les marchés étaient plus transparents, il y aurait moins de spéculation. On a proposé qu´autour de l´Agence internationale de l´énergie et du Forum de l´énergie, il y ait un groupe de travail pour regarder comment donner toutes les informations sur les réserves, sur les stocks et sur les besoins des consommateurs", a ajouté le ministre. C´est une façon comme une autre de contrôler le fonctionnement de l´Opep.

A quoi sert l’Opep ?
Ce n´est pas la première fois que l´Opep est diabolisée. Pourtant, elle est tenue d´une main de fer par l´Arabie saoudite pour le compte des Etats-Unis. Pourquoi George W. Bush aurait-il demandé à deux reprises en 2008 à son chef de file, le roi saoudien Abdallah, d´accroître le débit pétrolier ? Et pourquoi le Congrès américain aurait-il voté en mai, à une très large majorité, républicains et démocrates confondus, une loi anti-Opep (refusée par la Maison-Blanche) ? Ce texte prévoit la création d´une équipe rattachée au ministère de la Justice pour enquêter sur le mécanisme des prix et sur d´éventuelles manipulations des cours du pétrole (y compris aux Etats-Unis), mais aussi la possibilité de poursuivre en justice les pays membres de l´Opep au nom des lois antitrust. Le 10 septembre, l´AIE met en garde : toute initiative pour freiner la production pétrolière mondiale pourrait se révéler "contreproductive" pour l´économie mondiale.

L´Opep a connu plusieurs vies. Dans les années 60 et 70, elle était véritablement une organisation qui avait pour but la défense des intérêts des pays producteurs. Depuis le milieu des années 70, elle a commencé à perdre son influence suite à l´avènement de l´AIE, véritable machine de guerre créée par Kissinger, le secrétaire d´Etat américain dont le but était de casser l´Opep. Depuis près de trente ans maintenant, l´Opep a accepté de se mettre sous la protection américaine qui dicte ses desiderata par pays du Golfe interposés.

"Faute d´avoir mis en place des mécanismes de réaction adaptés à l´évolution du marché, le cartel des exportateurs en est réduit, aujourd´hui, à naviguer à vue. Les ministres des pays membres de l´Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ont clos la réunion du 22 septembre avec le sentiment du devoir accompli. À vrai dire, l´Opep, en dépit de ses moyens et de son pouvoir, ne dispose pas d´instruments de mesure assez sophistiqués pour connaître, avec précision, la quantité d´or noir disponible sur le marché. Ce n´est un secret pour personne : les données de l´industrie du pétrole, aussi bien la production que les stocks et la demande, ne sont pas fiables. Résultat : l´Opep est réticente à ouvrir les robinets pour anticiper un pic de la demande, de peur que celui-ci ne se produise pas. Il est vrai que la dernière fois qu´elle l´a fait, en 1997, les prix se sont effondrés à leurs cours les plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale".

Pour éviter une telle volatilité, l´Opep devrait pouvoir disposer, à l´instar des banques, de moyens très sophistiqués pour contrôler la masse monétaire. Mais l´Organisation est une vieille machine mal adaptée à l´économie évolutive d´aujourd´hui. Selon Robert Mabro, directeur du Centre d´études énergétiques d´Oxford, "il n´y a pas eu de changement d´approche depuis 1982". Et les ministres des pays producteurs continuent de se livrer à ce travail de divination risqué consistant à présager de la demande. Pour Léo Drollas, directeur adjoint du Centre d´études pour l´énergie mondiale basé à Londres, "ils ne pensent pas à long terme. Quand ils le font, c´est trop peu et, souvent, trop tard".(2)

Un exemple de bonne gouvernance du pétrole nous est donné par le Brésil. "Il y a quelques jours, écrit Jean-Pierre Langellier, sur une plate-forme pétrolière au large des côtes du sud-est de son pays, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, s´est abandonné à un lyrisme de bon aloi. C´est un signe de Dieu, un passeport pour l´avenir, a-t-il lancé à propos des immenses gisements de pétrole et de gaz récemment découverts dans les eaux très profondes de l´Atlantique. Un trésor énergétique sommeille à quelque 250 kilomètres au large des Etats de Santa Catarina, Sao Paulo, Rio de Janeiro et Espirito Santo. Ces champs pétrolifères s´étirent sur une bande longue de 800 kilomètres et large de 200 kilomètres. L´or noir qu´ils contiennent est enfoui à une profondeur allant de 5 000 à 7 000 mètres, sous une épaisse croûte de sel pouvant atteindre 2 000 mètres. Le gisement de Tupi, découvert en novembre 2007 dans le bassin de Santos, contient entre 5 et 8 milliards de barils récupérables. Dans un élan de nationalisme pétrolier, l´Etat veut, à la fois, mieux contrôler la production et accroître ses bénéfices. Dans cet esprit, l´attribution des concessions de forage a été suspendue en 2007. Que faire de cet argent ? Le président lui assigne deux objectifs sociaux : financer l´éducation et éradiquer la pauvreté. L´accroissement de ces ressources suppose de mettre en place une industrie pétrolière puissante. Celle-ci stimulera, par une vertueuse contagion les autres secteurs industriels et permettra de vendre en Europe, aux Etats-Unis ou au Japon des produits raffinés à forte valeur ajoutée, comme le gazole. Le jour où sa production dépassera les besoins nationaux, le Brésil qui produit 1,9 million de barils/jour n´envisage pas d´exporter du brut. C´est pourquoi il a poliment décliné la récente invitation à rejoindre l´Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) que l´Iran lui avait transmise". On comprend que le Brésil décline l´offre des rentiers de l´Opep, du fait que ce pays est un cap, une utopie mobilisatrice, il sait où il va. (3)

Comme on le sait, à la veille de la réunion de l´Opep, plusieurs de ses membres ont jugé que le monde est loin de manquer de pétrole. "Le marché commence même à souffrir d´une surabondance", a déclaré Chokri Ghanem, le président de la compagnie pétrolière nationale libyenne. A la demande des Etats-Unis, Saudi Aramco produit plus que le quota officiel autorisé par l´Opep. Il devrait réduire la voilure, sans que l´on sache dans quelle proportion. Washington veille. Dans une campagne présidentielle américaine où la question de l´énergie tient une place importante, il ne fait guère de doute que l´administration Bush pèse de tout son poids pour que l´Opep, via le Royaume saoudien, maintienne sa production pour faire baisser les prix.

Cependant, l´Opep ne veut pas rééditer la fatale erreur commise en décembre 1997 à la réunion de Djakarta (Indonésie). Alors que la crise économique se profilait en Asie, ils avaient décidé de relever la production de 10 %, provoquant un effondrement des cours de 40 %. Le baril était alors tombé à moins de 10 dollars ! Même scénario en 1986-1987, le prix du pétrole était tombé à moins de 10 dollars. C´est en fait le passage symbolique, mardi dernier, des cours du pétrole sous 100 dollars qui a sans doute pesé dans la décision de réduire l´offre pour enrayer la chute des prix. L´Opep a décidé, mercredi dernier, de retirer 520 000 barils par jour du marché pour enrayer la chute des prix du pétrole brut, passé sous les 100 dollars à Londres le mardi 9 septembre. Dans la pratique, elle a décidé de revenir "aux quotas de septembre 2007", ce qui équivaut à 28,8 millions de barils par jour. Un porte-parole du cartel a indiqué que les membres s´étaient engagés à respecter "strictement" cette décision.

En conclusion et comme l´écrit Jean Michel Bezat, "le retournement ne doit pas grand-chose à l´Opep. Elle court après les événements, mais elle n´a pas de gestion active des marchés", corrige Jan Horst Keppler, professeur d´économie à Paris-Dauphin (Centre de géopolitique de l´énergie et des matières premières). Robert Mabro, ancien directeur de l´Oxford Centre for Energy Studies, ironisait volontiers sur l´impuissance de l´Opep : "Elle devrait envisager de prendre un sac de thé comme logo, parce qu´elle ne marche que dans de l´eau chaude." Autrement dit, quand la maison brûle et que les prix se replient trop vite, comme on le constate depuis juillet. M. Keppler reconnaît que "l´Opep va revenir". Et M.Terzian prévoit qu´"elle mènera en 2009 une action coordonnée pour stabiliser les prix entre 80 et 100 dollars. (…) Tôt ou tard, elle retrouvera son poids des années 1970, quand elle assurait 60 % de la production mondiale d´or noir. Tout le monde spécule maintenant sur l´arrivée du Kazakhstan et surtout du Brésil, officiellement invité par l´Iran". (4)

Nous ne sommes pas d´accord avec Jean-Michel Bezat. Certes, l´Opep continuera d´exister car elle sert avant tout les intérêts des pays industrialisés en disciplinant des "faucons" comme l´Iran, ou le Venezuela par Arabie saoudite interposée. Dans ce combat de géants, l´Algérie n´existe pas, elle n´a ni la surface financière de l´Arabie saoudite ni le poids scientifique et technologique de l´Iran, puissance spatiale. Nous sommes des petits rentiers qui gaspillons frénétiquement une ressource qui appartient à nos enfants. Pour nous, il est très possible que les 500 000 barils/jour ne changeront pas grand-chose à la donne, le prix du pétrole continuera à glisser, peut-être jusqu´aux 80 dollars (55 euros) c´est-à-dire moins que les 30 dollars de 1982 en termes de parité d´achat que les pays occidentaux. Pourquoi l´Algérie s´entête-t-elle, une fois de plus, à produire d´une façon débridée ? Que faisons-nous dans l´Opep ? Pourquoi, à l´instar du Brésil, n´a-t-elle pas un cap : produire en fonction des besoins et miser sur l´éducation. Encore une fois, notre meilleure banque est encore notre sous-sol !




1. Paul Loubière, "La Baisse du baril, une fausse bonne nouvelle", Challenges, 03/09/2008.

2. Dow Jones & Company Inc. Dans Jeune Afrique, "À quoi sert l´Opep ?", 05/10/1999.

3. Jean-Pierre Langellier, "Le Brésil cherche à faire le meilleur usage de son nouveau statut de grande puissance pétrolière", Le Monde, 12/09/2008.

4. Jean-Michel Bezat, "Le Retour annoncé de l´Opep", Le Monde, 08/09/2008.

Pr Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

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