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Gravité de la corruption en Grande-Bretagne


John Pilger, 28 mai 2009

Dans sa dernière rubrique pour New Statesman, John Pilger décrit comment le scandale actuel de l'évasion fiscale et des prêts hypothécaires fantômes des députés cache une corruption bien plus profonde, qui remonte à la culture politique homogène des États-Unis.

Des membres du Parlement, dont des ministres, chapardant l’argent public, ont donné aux Britanniques un coup d’œil rare sur l'intérieur de la tente du pouvoir et des privilèges. C’est inappréciable, car pas un seul journaliste ou commentateur politique, de ceux qui remplissent les colonnes de pierres tombales et dominent le journalisme, n’a révélé une once de ce scandale. La vente de la « fuite » a été laissée à un homme des relations publiques. Pourquoi ?

La réponse se trouve dans une corruption plus grande, effleurée mais aussi dissimulée par les histoires d'évasion fiscale et de prêts hypothécaires fantômes. Depuis Margaret Thatcher, la démocratie parlementaire britannique a été peu à peu détruite, la politique des deux principaux partis ayant convergé en une seule idéologie étatique, dotée chacune de mesures sociales, économiques et étrangères presque identiques. Ce « projet » a été achevé par Tony Blair et Gordon Brown, inspirés par la culture politique homogène des États-Unis. Que tant de politiciens travaillistes et conservateurs se révèlent désormais véreux en personne, n'est rien de plus qu'un symbole du système antidémocratique qu’ils ont forgé ensemble.

Leurs complices étaient ces journalistes du « lobby de la presse, » qui font des reportages sur le Parlement, et leurs éditeurs qui ont délibérément « joué le jeu, » induisant le public en erreur (et parfois eux-mêmes), sur l’existence de différences démocratiques capitales entre les partis. Conçus par les médias, des sondages d'opinion basés sur des échantillons ridiculement petits, avec un raz-de-marée de commentaires sur les personnalités et leurs problèmes spécieux, ont réduit le « dialogue national » à une suite de potins médiatiques, dans laquelle, comme le démontre le niveau des votants historiquement bas sous Blair, le décrochage de l’assentiment populaire a été roulé dans l’indifférence.

Ayant fixé les limites et les possibilités du débat politique, les paladins présomptueux, notamment les libéraux, ont promu l'empereur nu, Blair et les « valeurs » dont il se faisait le champion, qui permettraient à « l'esprit de se déployer à la recherche d'un mieux britannique. » Et quand les taches de sang sont apparues, ils ont couru à couvert. Comme le décrivait autrefois Larry David à un ancien copain, tout ça était « un ruisseau gazouillant des conneries. »

Comme semblent contrits à présent leurs anciens héros. Le 17 mai, Harriet Harman, le chef de la majorité à la Chambre des Communes, qui aurait dépensé 10.000 livres du contribuable en « formation des médias, » a demandé instamment aux députés de « reconstruire la confiance envers les partis. » L'ironie involontaire de ses paroles rappelle l'un de ses premiers actes en tant que secrétaire à la Sécurité sociale il y a plus de dix ans : la réduction des avantages des mères célibataires. Ce fut tourné et rapporté comme s'il y avait une « révolte » parmi les députés travaillistes de base, ce qui était faux. Pas une des nouvelles femmes parlementaires de Blair, qui ont été élues « pour mettre fin à la prédominance masculine, aux politiques conservatrices, » n’a osé dénoncer cette attaque contre les plus pauvres des pauvres femmes. Tous ont voté la réduction.

Il en va de même de l’attaque autoritaire contre l'Irak en 2003, derrière laquelle s’est rallié l'establishment bipartite et la politique médiatique. Assurant le remplacement à Downing Street, avec une impatience fébrile, Andrew Marr a déclaré aux téléspectateurs de la BBC que Blair avait « dit qu'ils seraient en mesure de prendre Bagdad sans bain de sang, et que, à la fin, les Irakiens pourraient faire la fête. Et sur ces deux points, il fut constaté de manière indubitable exacte que, « Quand Tony Blair retira enfin l'armée de Bassora en mai, elle laissa derrière elle, selon des estimations savantes, plus d'un million de morts, une majorité de sinistrés, des enfants malades, l'approvisionnement en eau contaminé, un réseau énergétique paralysé et quatre millions de réfugiés.

Quant à la « fête » des Irakiens, la grande majorité disent que les propres sondages de l’administration britannique voulaient sortir l'envahisseur. Et quand Blair a finalement quitté la Chambre des Communes, il a été ovationné debout par les députés, ceux qui ont refusé de tenir un vote sur son invasion criminelle ou même de monter une enquête sur ses mensonges, que demandaient près des trois-quarts de la population britannique.

Pareille bassesse va bien au-delà de la cupidité de l’arrogante Hazel Blears.

« La normalisation de l'impensable, » la phrase de Edward Herman dans son essai The Banality of Evil, sur le partage du travail dans l'État maffieux, est applicable ici. Le 18 mai 2009, le Guardian a consacré le début d'une page à un article intitulé, « Une récompense d’un million de dollars décernée à Blair pour son travail de relations internationales. » Ce prix, annoncé en Israël peu de temps après le massacre de Gaza, récompensait son « impact culturel et social dans le monde. » Vous avez cherché en vain des signes de parodie ou l’aveu de la vérité. Il y avait à la place son « optimisme sur les chances de ramener la paix » et sur son travail « visant à forger la paix. »

C’était le même Blair qui commettait le même crime, la planification délibérée de l'invasion d'un pays, « le crime international suprême, » pour lequel le ministre nazi des Affaires Étrangères, Joachim von Ribbentrop, fut pendu à Nuremberg après que la preuve de sa culpabilité ait été repérée dans des documents de son cabinet allemand. En février dernier, le secrétaire à la « Justice » de Grande-Bretagne, M. Jack Straw, a bloqué la publication des minutes du cabinet de mars 2003, cruciales sur la planification de l'invasion de l'Irak, bien que leur diffusion avait été ordonnée par le Commissaire à l'Information, Richard Thomas. Pour Blair, l'impensable est à la fois normalisé et célébré.

« Comment nos députés corrompus font le jeu des extrémistes, » disait la couverture de New Statesman la semaine dernière. Mais leur soutien à l'épopée criminelle en Irak n’était-ce pas déjà de l'extrémisme ? Et pour l'aventure impériale meurtrière en Afghanistan ? Et pour la collusion du gouvernement envers la torture ?

C'est comme si notre langage public était finalement devenu orwellien. Le recours à des lois totalitaires, approuvées par une majorité de députés, la police mettant en place des unités secrètes de lutte contre la dissidence démocratique qu'ils nomment « extrémisme. » Leurs partenaires sont de fait les journalistes qui les cautionnent, la nouvelle génération de propagandistes ou le « lobby » d’État. Le 9 avril, le programme Newsnight de la BBC montait en épingle la culpabilité de 12 « terroristes » arrêtés lors d’un spectacle médiatique factice, orchestré par le Premier ministre lui-même. Tous ont été relâchés sans chef d’accusation.

Quelque chose est en train de changer en Grande-Bretagne, qui donne à l'optimisme. Le peuple britannique n’a probablement jamais été plus conscient politiquement et préparé à débarrasser les mythes décrépits et les autres saletés tandis que, en colère, il enjambe le ruisseau gazouillant des conneries.
Traduction libre de Pétrus Lombard pour Alter Info

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