Algérie-ONU: Grave revers pour la diplomatie algérienne à Genève
Alkarama for Human Rights, 20 Juin 2009
L'institution nationale des droits de l'homme (INDH) algérienne, présidée par Me Farouk Ksentini, a été rétrogradée par le Comité international de coordination des institutions nationales (CCI). Cette décision constitue un revers cinglant pour la diplomatie algérienne qui n’a pas ménagé ses efforts pour discréditer les organes et les experts de l’ONU ainsi que les ONG et les militants des droits de l’homme engagés dans le dossier algérien.
L'accréditation par le CCI n'est octroyée qu'après examen du respect par les INDH des "Principes de Paris " qui déterminent le cadre de leur action. Après avoir obtenu cet agrément en 2003, la Commission Nationale Consultative de Promotion et de Protection des Droits de l'Homme (CNCPPDH) a réitéré sa demande, cinq ans plus tard, en janvier 2008, conformément au règlement. Le Sous-Comité d'accréditation du CCI lui a fait part au mois d'avril 2008 de son intention de la déclasser et de la rétrograder au statut « B » pour non-conformité avec les "Principes de Paris ". N’ayant pas fait suite aux demandes du Sous-Comité, la CNCPPDH vient donc de perdre son accréditation.
Cette accréditation est d'une grande importance pour les institutions nationales des droits de l'homme car elle leur permet d'agir à divers niveaux de l'ONU: Elles peuvent participer aux sessions et aux travaux du Conseil des droits de l'homme, prendre la parole devant lui sur tous les points de l'ordre du jour en qualité d'entité indépendante et entrer en relation avec ses divers mécanismes. L’institution nationale accréditée peut également soumettre des déclarations écrites, diffuser une documentation portant la cote que les Nations Unies leur ont assignée et agir auprès des organes conventionnels et les procédures spéciales de l'ONU.
Alkarama avait pour sa part présenté le 5 février 2009 au Sous-Comité d'accréditation ses observations relatives à la nature et l'action de la CNCPPDH. Elle avait notamment relevé la dépendance de la Commission à l’égard du pouvoir exécutif, l’absence de transparence dans la nomination de ses membres, le manque de coopération avec les organes de l’ONU et avec les ONG indépendantes de défense des droits de l’homme. Plusieurs de ces observations ont été reprises dans la note que le Sous-Comité d’accréditation a présenté au Comité international de coordination des institutions nationales (CCI).
Il faut rappeler que les délégués algériens à l’ONU ne laissent passer aucune occasion pour décrier les positions des organes de l’ONU, particulièrement celles des experts indépendants et des procédures spéciales. Les ONG et les militants des droits de l’homme n’ont pas manqué de relever le rôle particulièrement actif joué par l’Algérie en 2007 lorsque certains pays, parmi les plus répressifs de la planète, ont tenté d’imposer un "code de conduite" très restrictif destiné à entraver l’indépendance des experts chargés d’enquêter sur les violations.
L’Algérie, par la voix de son représentant permanent auprès de l’ONU, s’est particulièrement distinguée dans cette entreprise. Ce dernier avait notamment défendu le projet de créer un "comité éthique" pour juger les experts de l’ONU qui ne respecteraient pas ce code lorsqu’ils visitent des pays accusés de violations. Finalement, le texte final voté n’a pas repris les propositions les plus contraignantes proposées notamment par l’ambassadeur algérien, tout en réduisant l’action des experts qui constituent pourtant la clé de voûte des mécanismes onusiens de protection des droits de l’homme.
Il est manifeste que, bien qu’elle ait ratifié un grand nombre de traités internationaux, l’Algérie n’en respecte pas les principes de manière satisfaisante mais surtout ne prend pas au sérieux ses organes de surveillance. Les dérapages verbaux se sont multipliés lors de l’examen des rapports périodiques par les Comités des droits de l’homme et contre la torture.
Me Ksentini, président de la CNCPPDH, institution supposée coopérer avec les organes de l’ONU mais également relayer leurs conclusions et recommandations a qualifié les observations du Comité des droits de l’homme d'" affabulations à haut débit et qui relèvent de la bouffonnerie»[1] ajoutant que ce comité "avait dans le passé pris fait et cause pour le terrorisme contre l'Algérie".[2] Il refuse catégoriquement la visite de rapporteurs spéciaux sur la torture ou les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires.
Au plus fort de la violence subie par la population dans les années 90, avec ses cortèges de disparitions forcées, d’exécutions sommaires et de victimes de torture, la diplomatie algérienne avait réussi à paralyser l’action de l’ONU disposée alors à demander l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur les massacres et autres violations graves des droits de l’homme commises par les forces de sécurité tous corps confondus.
Toujours sous le régime de l’état d’urgence depuis 17 ans, la diplomatie algérienne subit aujourd’hui les contre-coups de son attitude. Les observations des deux Comités de l’ONU en octobre 2007 et mai 2008 rappellent que les commanditaires des disparitions forcées et des massacres n’ont à ce jour pas été appréhendés ni sanctionnés.
En définitive, la rétrogradation de la CNCPPDH par le CCI constitue à n’en pas douter un revers particulièrement grave qui entache une fois de plus la crédibilité de l’Algérie en matière de droits de l’homme.
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