La stupidité sans limite et les comportements imbéciles de l’Autorité Palestinienne ne cessent de nous surprendre. Le 4 août, comme beaucoup d’autres journalistes, j’ai décidé d’aller à Bethléem pour couvrir la sixième conférence du Fatah, annoncée haut et fort et attendue depuis longtemps. La sécurité était dense et des milliers de policiers étaient déployés partout sur le site traditionnel de la naissance de Jésus. Ce qui consterne les résidents locaux qui doivent marcher de longues distances pour aller chez eux ou à leur travail.
Khaled Amayreh Jeudi 06 Août 2009
ertains des policiers que j’ai rencontrés sur le chemin de la salle de la conférence étaient gentils et sympathiques, mais d’autres étaient exceptionnellement pénibles. Lorsque je suis arrivé à la salle du congrès, à l’Ecole Terra Santa, dans le centre ville de Bethléem, on m’a dit que seuls les détenteurs d’une carte de presse spéciale, émise par le bureau du Président à Ramallah, étaient autorisés à entrer.
Quelques jours auparavant, il semble que le bureau du Président ait contacté, par email, une « petite sélection » de journalistes et de cameramen, leur demandant d’aller à Ramallah chercher une carte de presse spéciale. Je n’en faisais pas partie, pour des raisons qui me sont toujours inconnues, et je ne possédais donc pas la carte spéciale. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. J’avais pris contact avec les bureaux locaux du Ministère de l’Information de l’Autorité Palestinienne à Hébron et à Bethléem, qui m’ont informé qu’ils ne savaient pas ce qui se passait.
Leur seule réponse lapidaire fut toujours : « Rappelez-nous demain, nous espérons être en mesure de vous aider. » Alors que j’étais à l’extérieur de Terra Santa, avec beaucoup d’autres « journalistes non privilégiés », un officier de la sécurité a appelé mon nom. Il a pris mon ordinateur portable, mon appareil de photo et m’a reproché d’avoir pris une photo de l’entrée de la salle de conférence. Puis, quelques minutes après, deux agents en grande tenue de la Force de Sécurité Préventive (PSF) m’ont demandé de les suivre, « pour quelques minutes », au quartier général local de la PSF. Là, j’ai été confronté (affronté, devrais-je dire) à un agent de la PSF après l’autre qui m’ont posé les mêmes questions, encore et encore, principalement sur des détails personnels et pour quel organisme médiatique je travaillais. L’un d’entre eux m’a dit que je n’étais pas vraiment journaliste parce que je n’avais pas « l’autorisation de pratiquer la profession de journaliste. »
L’autre a pris ma carte d’identité et deux cartes de presse, me demandant d’attendre d’autres instructions de la part des « autorités de sécurité. » Tandis que je commençais à comprendre qu’il ne s’agissait pas d’un simple malentendu, et que le harcèlement était délibéré et était avant tout lié au fait que l’AP n’aime pas mes articles, un PSF est arrivé, me disant que je serais détenu jusque dans la soirée. Je lui en ai demandé la raison, et pourquoi je faisais l’objet de ce « traitement de faveur», il a suggéré que ma présence à Bethléem constituait un risque sécuritaire. Je n’ai pas été particulièrement maltraité au quartier général de la PSF, mais ces six heures de détention totalement injustifiée montrent combien l’AP fonctionne au petit bonheur et selon son humeur.
Finalement, un autre officier est arrivé dans la pièce où j’étais « gardé » pour me dire que j’étais interdit d’entrée à Bethléem pendant huit jours, et que mon nom avait été communiqué à tous les checkpoints et les barrages routiers de la région. Lorsque j’ai insisté pour qu’il me dise pourquoi, et de quelle violation de la loi j’étais coupable, il m’a dit : « Je ne sais pas, je suis un officier de la sécurité, et je ne fais qu’appliquer les ordres d’en haut. » Ce n’est pas la première fois que je suis aux prises avec la PSF et autres agences de sécurité de l’Autorité Palestinienne.
C’est la raison pour laquelle j’ai vraiment réalisé, dès le début, que j’avais affaire à un appareil sécuritaire qui opère non seulement en dehors de la loi, mais aussi en dehors de toute logique. Ce qui m’a convaincu de ne pas essayer de contester. Vers 15h30, on m’a autorisé à partir, mais pas avant de m’avoir remis une assignation écrite à comparaître devant le bureau de la sécurité préventive d’Hébron. A mon avis, la conduite des agences de sécurité de l’AP dans ce cas particulier est à la fois stupide et contreproductive. Il se trouve que je suis l’un des quelques journalistes palestiniens à écrire surtout en anglais pour une audience étrangère. Nous cherchons à communiquer au monde extérieur les violations criminelles d’Israël des droits humains du peuple palestinien, comme la sauvagerie et le terrorisme des colons contre des civils palestiniens sans protection.
Au lieu d’en être remerciés par l’Autorité Palestinienne, nous sommes harcelés et persécutés. Cet épisode avec l’appareil sécuritaire de l’AP n’est pas l’expression de la mauvaise volonté et de la malveillance des officiers de la sécurité. Il est plutôt l’expression de l’ignorance et de la bêtise. Mais l’ignorance n’est pas une excuse car les intérêts nationaux palestiniens ne seront pas servis par des responsables de sécurité ignorants, qui pensent à tort que persécuter et humilier des journalistes améliore la sécurité et rend « l’Etat !!! » plus craint et plus respecté. En fait, un Etat qui est craint n’est habituellement pas respecté. Le respect est souvent l’antithèse de la peur. Je ne vais bien sûr pas me laisser intimider par cette conduite infantile de la part des services sécuritaires de l’AP.
Notre mission en tant que journalistes est plus importante que de perdre du temps et de l’énergie à se laisser distraire par ces stupidités. Mais j’espère vraiment que les fonctionnaires de l’AP, en particulier ceux qui comprennent l’importance de la liberté de la presse et le rôle des médias au service de la juste cause du peuple palestinien, veilleront à ce que de telles stupidités hystériques ne se répètent pas. Nous devons nous respecter nous-mêmes, sinon personne ne nous respectera ni ne nous prendra au sérieux.
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