L'article a fait tres mal, et Sarkosy a du lancer sur la scene la racaille juive sioniste Besson et son 'identité nationale', premier pas vers une guerre civile, et eviter une debacle aux elections de mars 2010, les voix du front national se reporteraient contre l'UMP, se sachant maintenant sous tres haute surveillance depuis l'interieur, la fuite en avant etait la seule solution...
La racaille sioniste parlant 'd'identité nationale', c'est a mourrir de rire, des fois que les goys-souchiens ne tombent dans la trappe !
Tout le monde sait maintenant que vous preparez une guerre civile en France et que les information fournies sont toutes veridiques, Sarkosy et ses maitres israeliens preparent la France a entrer en guerre contre l'Iran !
Gladio : Pourquoi l’OTAN, la CIA et le MI6 continuent de nier
par Daniele Ganser
Alors que l’existence du gouvernement de l’ombre institué par les États-Unis et le Royaume-Uni dans l’ensemble des États alliés est attestée par des enquêtes judiciaires et parlementaires dans les années 80-90, l’OTAN, la CIA et le MI6 continuent à nier. C’est que Washington et Londres n’y voient pas un épisode historique, mais un dispositif actuel (comme l’a montré l’affaire des enlèvements en Europe et des vols secrets durant l’ère Bush). Les armées secrètes de l’OTAN sont toujours couvertes par le secret-Défense, parce qu’elles sont toujours actives.
Cet article fait suite à :
1. « Quand le juge Felice Casson a dévoilé le Gladio… »
2. « Quand le Gladio fut découvert dans les États européens… »
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Au moment des découvertes sur le réseau Gladio en 1990, l’OTAN, la plus grande alliance militaire du monde, regroupait 16 nations : l’Allemagne, la Belgique, le Canada, le Danemark, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Turquie et les États-Unis, ces derniers assumant un rôle de commandement. L’Alliance réagit confusément aux révélations du Premier ministre italien Andreotti et craignit pour son image lorsque les armées stay-behind furent associées à des attentats, des actes de torture, des coups d’États et d’autres opérations terroristes perpétrés dans plusieurs pays d’Europe de l’Ouest.
Le lundi 5 novembre 1990, après un long silence de près d’un mois, l’OTAN nia catégoriquement les allégations d’Andreotti concernant son implication dans l’Opération Gladio et ses liens avec les armées secrètes. Le principal porte-parole de l’Organisation, Jean Marcotta, affirma depuis le quartier général du SHAPE, à Mons, en Belgique, que : « L’OTAN n’a jamais envisagé de recourir à la guérilla ou à des opérations clandestines ; elle s’est toujours occupée de questions exclusivement militaires et de la défense des frontières des pays Alliés [1]. » Puis, le mardi 6 novembre, un autre porte-parole expliqua que le démenti de la veille était faux. Il ne fournit aux journalistes qu’un bref communiqué précisant que l’OTAN ne commentait jamais les questions couvertes par le secret militaire et que Marcotta aurait dû observer le silence [2]. La presse internationale critiqua amèrement ces cafouillages dans la stratégie de relations publiques de l’alliance militaire : « Pendant que de véritables séismes frappent le continent entier, un porte-parole de l’OTAN apporte un démenti : on ignore tout de Gladio et des réseaux stay-behind. Et voici qu’un communiqué laconique vient ensuite démentir le démenti "incorrect" et rien de plus [3] ».
Tandis que la crédibilité de l’OTAN s’ébranlait, les journaux titraient « Une unité clandestine de l’OTAN "soupçonnée de liens avec le terrorisme" » [4]. « Un réseau secret de l’OTAN accusé de subversion : La Commission a découvert que Gladio, le bras armé clandestin de l’OTAN en Italie, était devenu un repaire de fascistes combattant le communisme au moyen d’attentats terroristes visant à justifier un durcissement des lois. » [5] « La bombe qui a explosé à Bologne provenait d’une unité de l’OTAN » [6]. Un diplomate de l’OTAN, qui insista pour conserver l’anonymat, justifia devant des journalistes : « Puisqu’il s’agit d’une organisation secrète, je ne m’attends pas à ce que les réponses abondent, même si la Guerre froide est terminée. S’il y a eu des liens avec des organisations terroristes, ce genre d’informations doit être enterré très profondément. Si ce n’est pas le cas, qu’y a-t-il de mal à préparer le terrain pour la résistance pour le cas où les Soviétiques attaqueraient ? » [7]
Selon la presse espagnole, immédiatement après le fiasco de l’opération de communication des 5 et 6 novembre, le secrétaire général de l’OTAN Manfred Wörner convoqua les ambassadeurs de l’Alliance Atlantique pour une réunion d’information à huis clos sur Gladio, le 7 novembre. Le « Supreme Headquarters Allied Powers Europe ou SHAPE, l’organe de commandement de l’appareil militaire de l’OTAN, coordonnait les actions de Gladio, c’est ce qu’a révélé le secrétaire général Manfred Wörner pendant un entretien avec les ambassadeurs des 16 nations alliées de l’OTAN », put-on lire dans la presse espagnole. « Wörner aurait demandé du temps pour mener une enquête afin de découvrir les raisons du démenti formel » rendu public la veille par l’OTAN. « C’est ce qu’il aurait annoncé aux ambassadeurs du Conseil Atlantique réunis le 7 novembre, si l’on en croit certaines sources. » L’officier le plus haut placé de l’OTAN en Europe, le général états-unien John Galvin, avait confirmé que les allégations de la presse étaient en grande partie fondées, mais que le secret devait être gardé. « Au cours de cette réunion à huis clos, le secrétaire général de l’OTAN a précisé que les gradés interrogés, (il faisait référence au général John Galvin, commandant en chef des forces alliées en Europe), avaient indiqué que le SHARP coordonnait les opérations menées par Gladio. Dorénavant, la politique de l’OTAN sera de refuser tout commentaire sur les secrets officiels. » [8]
Selon des sources qui ont souhaité conserver l’anonymat, le Bureau de Sécurité de l’OTAN aurait été directement impliqué dans l’Opération Gladio [9]. Hébergé au quartier général de l’OTAN à Bruxelles, le mystérieux Bureau de Sécurité fait partie intégrante de l’OTAN depuis la création de l’Alliance en 1949. Sa mission consiste à coordonner, superviser et appliquer les politiques de sécurité de l’OTAN. Le directeur de la Sécurité est le principal conseiller du secrétaire général pour les questions de sécurité ; il dirige le Service de Sécurité du quartier général et est responsable de la coordination générale de la sécurité au sein de l’OTAN. Mais surtout, il est le président du Comité de Sécurité de l’Alliance qui réunit régulièrement les chefs des Services de Sécurité des pays membres pour discuter des questions d’espionnage, de terrorisme, de subversion et d’autres menaces, parmi lesquelles le communisme en Europe de l’Ouest, qui pourraient représenter un danger pour l’OTAN.
En Allemagne, le chercheur Erich Schmidt Eenboom rapporta que les patrons des services secrets de plusieurs pays d’Europe occidentale, et notamment de l’Espagne, de la France, de la Belgique, de l’Italie, de la Norvège, du Luxembourg et du Royaume-Uni, s’étaient réunis plusieurs fois à la fin de l’année 1990, et ce, afin d’élaborer une stratégie de désinformation pour contrer les nombreuses révélations sur Gladio [10]. Ces réunions se déroulèrent vraisemblablement au très secret Bureau de Sécurité. « Le fait que les structures clandestines de Gladio aient été coordonnées par un comité de sécurité international composé uniquement de représentants des services secrets », remarque le quotidien portugais Expresso, « pose un autre problème : celui de la souveraineté nationale de chacun des États ». Durant la Guerre froide, certains services de renseignement agissaient hors de tout cadre démocratique. « Il semble que plusieurs gouvernements européens aient perdu le contrôle de leurs services secrets » tandis que l’OTAN entretenait, elle, des liens très étroits avec les services secrets militaires de chacun des États membres. « Il paraît évident que l’OTAN applique un principe de confiance restreinte. Selon cette doctrine, certains gouvernements ne luttant pas assez activement contre le communisme, il est donc inutile de les informer des activités de l’armée secrète de l’OTAN. » [11].
Sous le titre « Manfred Wörner raconte le Gladio », la presse portugaise publia des détails supplémentaires sur la réunion du 7 novembre. « Le secrétaire général de l’OTAN, l’Allemand Manfred Wörner a expliqué aux ambassadeurs des 16 pays alliés de l’OTAN la fonction du réseau secret - qui fut créé dans les années cinquante afin d’organiser la résistance dans l’éventualité d’une invasion soviétique. » Derrière des portes closes, « Wörner a confirmé que le commandement militaire des forces alliées, le Supreme Headquarters Allied Powers Europe (SHAPE), coordonne les activités du “Réseau Gladio”, mis sur pied par les services secrets des différents pays de l’OTAN, par l’intermédiaire d’un comité créé en 1952 et actuellement présidé par le général Raymond Van Calster, chef des services secrets militaires belges », on apprit plus tard qu’il s’agissait de l’ACC. D’après le journal, « la structure a été bâtie en Italie avant 1947, puis des réseaux similaires ont été créés en France, en Belgique, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Danemark, en Norvège et en Grèce ». « Le secrétaire général a également reconnu que le SHAPE avait fourni de "fausses informations" en niant l’existence d’un tel réseau secret, mais il a refusé de s’expliquer sur les nombreuses contradictions dans lesquelles les différents gouvernements s’étaient englués en confirmant ou niant la réalité des réseaux Gladio dans leurs pays respectifs ». [12]
Au milieu de la tourmente, la presse tenta à plusieurs reprises d’obtenir une explication ou, ne serait-ce qu’un commentaire, de la plus haute autorité civile de l’OTAN, le secrétaire général de l’OTAN Manfred Wörner. Mais, conformément à la politique de l’Alliance qui consistait à ne pas se prononcer sur les secrets militaires, Wörner rejeta toutes les demandes d’interviews [13]. Le terme « secrets militaires » focalisa l’attention des journalistes qui se mirent en quête d’anciens responsables de l’OTAN à la retraite susceptibles de s’exprimer plus librement sur toute l’affaire. Joseph Luns, un ancien diplomate de 79 ans, qui avait occupé les fonctions de secrétaire général de l’OTAN de 1971 à 1984 accorda un entretien téléphonique à des reporters depuis son appartement de Bruxelles. Il prétendit n’avoir jamais été informé de l’existence du réseau secret jusqu’à ce qu’il l’ait récemment lue dans la presse : « Je n’en ai jamais entendu parler et pourtant j’ai exercé quelques responsabilités au sein de l’OTAN ». Luns admit toutefois avoir été briefé « ponctuellement » à l’occasion d’opérations spéciales et estima « peu probable mais pas impossible » que Gladio ait pu exister à son insu [14].
« Le seul organisme international qui ait jamais fonctionné, c’est l’OTAN, tout simplement parce qu’il s’agit d’une alliance militaire et que nous étions aux commandes », répondit un jour le président états-unien Richard Nixon [15]. Il faisait remarquer à juste titre que, bien que l’OTAN ait son siège européen en Belgique, son véritable quartier général se trouve au Pentagone, à Washington. Depuis la création de l’Alliance Atlantique, le commandant en chef de la zone Europe, le SACEUR (Supreme Allied Commander Europe), exerçant ses fonctions depuis son quartier général, le SHAPE, établi à Casteau, en Belgique, avait toujours été un général états-unien. Les Européens pouvaient, quant à eux, nommer le plus haut responsable civil, le secrétaire général. Mais depuis la nomination du général Dwight Eisenhower comme premier SACEUR, la plus haute fonction militaire en Europe fut systématiquement occupée par des officiers états-uniens [16]
Officier de la CIA à la retraite, Thomas Polgar confirma, après la découverte des armées secrètes d’Europe de l’Ouest, que celles-ci étaient coordonnées par « une sorte de groupe de planification de guerre non conventionnelle » lié à l’OTAN [17]. Ses propos furent confirmés par la presse allemande qui souligna que, durant toute la période de la Guerre froide, ce département secret de l’OTAN était demeuré sous domination états-unienne. « Les missions des armées secrètes sont coordonnées par la “Section des Forces Spéciales”, située dans une aile du quartier général de l’OTAN à Casteau placée sous haute surveillance », relata un journal allemand. « Une porte grise en acier qui s’ouvre comme un coffre-fort de banque et protégée par une combinaison chiffrée, défend l’accès à toute personne non autorisée. Les officiers des autres départements, qui sont invités à y entrer, doivent dès l’entrée se présenter à un guichet sombre où ils sont contrôlés. La Section des Forces Spéciales est dirigée par des officiers britanniques ou états-uniens exclusivement et la plupart des documents qui y circulent portent l’inscription “American eyes only” (À l’intention du personnel US uniquement) » [18].
Pour contrer l’influence des partis communistes dans certains pays d’Europe de l’Ouest, l’OTAN s’était livrée, dès sa création au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à une guerre secrète non conventionnelle. D’après les découvertes de l’enquête parlementaire belge sur Gladio, cette lutte aurait même été engagée avant la fondation de l’Alliance, et coordonnée dès 1948 par le "Clandestine Committee of the Western Union" (CCWU), le Comité Clandestin de l’Union Occidentale. Selon la presse, toutes les « nations [participant à Gladio] étaient membres du CCWU et assistaient régulièrement à des réunions par l’intermédiaire d’un représentant de leurs services secrets. Ceux-ci étaient généralement en contact direct avec les structures stay-behind » [19].
Quand, en 1949, fut signé le Traité de l’Atlantique Nord, le CCWU fut secrètement intégré au nouvel appareil militaire international et opéra à partir de 1951 sous la nouvelle appellation CPC. À cette époque, le quartier général européen de l’OTAN était situé en France et le CPC avait son siège à Paris. Comme le CCWU avant lui, le Comité assurait la planification, la préparation et la direction des opérations de guerre non conventionnelle menées par les armées stay-behind et les Forces Spéciales. Seuls les officiers disposant des autorisations de niveau supérieur étaient autorisés à pénétrer au siège du CPC où, sous la surveillance des experts de la CIA et du MI6, les chefs des services secrets des États d’Europe occidentale se réunissaient plusieurs fois dans l’année afin de coordonner les opérations de guerre clandestine menées dans tout l’Ouest du continent.
Lorsqu’en 1966 le président de la République Française Charles de Gaulle chassa l’OTAN de France, le quartier général européen de l’Alliance militaire dut, à la colère du président des États-Unis Lyndon Johnson, déménager de Paris à Bruxelles. Dans le plus grand secret, le CPC s’installa lui aussi en Belgique, comme le révéla l’enquête sur le Gladio belge [20]. L’expulsion historique de l’OTAN du territoire français offrit alors un premier véritable aperçu des noirs secrets de l’Alliance militaire. Pour le spécialiste des opérations secrètes Philip Willan : « L’existence de protocoles secrets de l’OTAN impliquant les services secrets des pays signataires et visant à éviter l’accession au pouvoir par les communistes fut divulguée pour la première fois en 1966, quand le président de Gaulle décida de se retirer du commandement conjoint de l’OTAN et dénonça ces protocoles comme une atteinte à la souveraineté nationale » [21].
Si les documents originaux des protocoles anticommunistes secrets de l’OTAN demeurent confidentiels, les spéculations sur leur contenu ne cessèrent de se multiplier suite à la découverte des armées secrètes stay-behind. Dans un article consacré à Gladio, le journaliste américain Arthur Rowse écrivit qu’une « clause secrète du traité initial de l’OTAN de 1949 stipulait que tout pays candidat à l’adhésion devait avoir établi au préalable une autorité de Sécurité nationale chargée d’encadrer la lutte contre le communisme par des groupes clandestins de citoyens » [22]. Un spécialiste italien des services secrets et des opérations clandestines, Giuseppe de Lutiis, découvrit qu’au moment d’intégrer l’OTAN en 1949, l’Italie signa, outre le Pacte Atlantique, une série de protocoles secrets prévoyant la création d’une organisation non officielle « chargée de garantir l’alignement de la politique intérieure italienne sur celle du bloc de l’Ouest par tous les moyens nécessaires, même si la population devait manifester une inclination divergente » [23]. L’historien italien spécialiste du Gladio Mario Coglitore a également confirmé l’existence de ces protocoles secrets de l’OTAN [24]. Suite aux révélations de 1990, un ancien officier du renseignement de l’OTAN, qui veilla à conserver l’anonymat, alla jusqu’à affirmer que ces documents protégeaient explicitement les membres de l’extrême droite jugés utiles dans la lutte contre les communistes. Le président des États-Unis Truman et le chancelier allemand Adenauer auraient « signé un protocole secret lors de l’adhésion de la RFA à l’OTAN en 1955, dans lequel il était convenu que les autorités de l’Allemagne de l’Ouest s’abstiendraient d’entamer des poursuites à l’encontre des extrémistes de droite reconnus » [25].
Le général italien Paolo Inzerilli, qui commanda le Gladio dans son pays de 1974 à 1986, souligna que les « Américains omniprésents » contrôlaient le CPC secret qui était en charge de la coordination de la guerre clandestine. Selon lui, le Comité avait été fondé « sur ordre du commandant en chef de l’OTAN en Europe. Il constituait l’intermédiaire entre le SHAPE, le quartier général des puissances alliées d’Europe, et les services secrets des États membres pour les question de guerre non conventionnelle » [26]. Les États-Unis contrôlaient le CPC avec leurs vassaux britanniques et français et constituaient avec eux une "Commission Exécutive" au sein du Comité. « Les réunions se succédaient au rythme d’une ou deux par an au quartier général du CPC, à Bruxelles, et les questions à l’ordre du jour étaient débattues entre la “Commission Exécutive” et les responsables militaires », témoigna Inzirelli [27].
« La coordination des actions de notre réseau stay-behind avec celles des structures clandestines analogues en Europe était assurée par le CPC, le Coordination and Planning Committee [Comité de Planification et de Coordination] du SHAPE, le quartier général des puissances alliées d’Europe », décrivit le général italien Gerardo Serravalle. Prédécesseur du général Inzirelli, il avait commandé le Gladio en Italie entre 1971 et 1974 ; il raconta que « pendant les années soixante-dix, les membres du CPC étaient les officiers responsables des structures secrètes de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Allemagne, de la Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas et de l’Italie. Ces représentants des réseaux clandestins se réunissaient chaque année dans l’une des capitales européennes » [28]. Des hauts responsables de la CIA assistaient à chacune de ces réunions. « Des représentants de la CIA étaient toujours présents aux réunions des armées stay-behind », se souvient Serravalle. « Ils appartenaient à l’antenne de l’Agence de la capitale où se déroulait la réunion et ne participaient pas aux votes » [[Ibid., p.79. ]]. « La “Directive SHAPE” faisait office de référence officielle, si ce n’est de doctrine pour les réseaux stay-behind alliés », explique Serravalle dans son livre consacré à Gladio. Il précise également que les enregistrements du CPC, qu’il a pu consulter mais qui demeurent confidentiels, « portent [surtout] sur l’entraînement des Gladiateurs en Europe, sur comment les réveiller depuis le quartier général secret en cas d’occupation de l’ensemble du territoire national et sur d’autres questions techniques telles que, pour citer la plus importante, l’unification des différents systèmes de communication entre les bases stay-behind » [29].
Parallèlement au CPC, un second poste de commandement secret fonctionnant comme un quartier général stay-behind fut créé par l’OTAN au début des années cinquante sous le nom d’ACC. Comme le CPC, l’ACC était en lien direct avec le SACEUR, lui-même sous contrôle états-unien. D’après les conclusions de l’enquête belge sur Gladio, l’ACC aurait été créé en 1957 et chargé de « la coordination des réseaux “stay-behind” en Belgique, au Danemark, en France, en Allemagne, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Norvège, au Royaume-Uni et aux USA ». Selon le rapport d’enquête belge, en temps de paix, les fonctions de l’ACC « comprenaient l’élaboration de directives à l’intention du réseau, le développement de ses capacités secrètes et l’établissement de bases au Royaume-Uni et aux USA. Dans le cas d’une guerre, il était censé préparer des actions stay-behind conjointement avec le SHAPE ; de là, les organisateurs devaient alors activer les bases clandestines et préparer les opérations » [30].
Le commandant du Gladio italien Inzirelli affirme que « les relations au sein de l’ACC étaient totalement différentes » de celles existant au CPC. « L’atmosphère [y] était clairement plus décontractée et amicale qu’au CPC. » L’ACC, fondé sur « un ordre express du SACEUR au CPC » serait « devenue une ramification » de celui-ci [31]. Il semble que cet organisme ait servi surtout de forum où l’on se partageait le savoir-faire Gladio entre patrons de services secrets : « L’ACC était un comité essentiellement technique, un forum où l’on pouvait à loisir échanger des informations et des expériences, évoquer les moyens disponibles ou à l’étude, partager ses connaissances sur les réseaux, etc... » Le général Inzerilli se souvient : « C’était un échange de bons procédés. Chacun savait que s’il lui manquait un expert en explosifs, en télécommunication ou en répression pour une opération, il pouvait sans problème s’adresser à un confrère étranger puisque les agents avaient reçu le même entraînement et utilisaient le même type de matériel » [32].
Les transmetteurs radio baptisés Harpoon figuraient notamment dans l’équipement de tous les membres de l’ACC. Ils avaient été conçus et fabriqués sur ordre du comité de direction de Gladio, au milieu des années 1980, par la firme allemande AEG Telefunken pour un montant total de 130 millions de marks, en remplacement d’un ancien système de communication devenu obsolète. Le système Harpoon était capable d’émettre et de recevoir des messages radio cryptés sur une distance de 6 000 km et permettaient donc les communications entre les réseaux stay-behind situés de part et d’autre de l’Atlantique. « Le seul équipement qu’ont en commun tous les membres de l’ACC est le fameux transmetteur radio Harpoon », révéla Van Ussel, un membre du Gladio belge qui s’en était lui-même servi au cours des années 1980, alors qu’il était un membre actif de l’organisation. Selon lui, « ce système était régulièrement utilisé pour transmettre des messages entre les bases et les agents (en particulier lors des exercices de communication radio), mais il était avant tout destiné à communiquer des renseignements en cas d’occupation » [33]. L’ACC disposait de bases dans tous les pays européens dont une au Royaume-Uni, à partir desquelles les unités présentes dans les territoires occupés pourraient être activées et commandées. Apparemment, l’ACC éditait à l’intention des Gladiateurs des manuels indiquant les procédures communes à suivre relatives aux actions clandestines, aux communications radio basées sur le cryptage et le saut de fréquence mais aussi aux largages aériens et aux atterrissages.
L’ACC fonctionnait avec une présidence tournante d’une période de deux ans, en 1990 celle-ci était assumée par la Belgique. La réunion de l’ACC des 23 et 24 novembre se déroula sous la présidence du général de division Raymond Van Calster, patron du SGR, les services secrets militaires belges. Le général Inzerilli se souvint que « contrairement au CPC, l’ACC n’avait pas de direction établie et permanente. La présidence du Comité était assumée pour deux ans et tournait entre tous les membres, en suivant l’ordre alphabétique », pour cette raison, l’ACC n’était pas soumis à « la même domination des grandes puissances ». Inzirelli affirma avoir préféré travailler à l’ACC plutôt qu’au CPC contrôlé par les États-uniens : « Je dois reconnaître, pour l’avoir moi-même présidé pendant deux ans, que l’ACC était un comité véritablement démocratique » [34].
Dans le cadre de toute recherche approfondie sur l’Opération Gladio et les réseaux stay-behind de l’OTAN, les transcriptions et enregistrements des réunions du CPC et de l’ACC s’imposent comme des sources essentielles. Hélas, alors que des années se sont écoulées depuis la découverte du réseau top secret, les autorités de l’OTAN se bornent, comme en 1990, à opposer constamment aux sollicitations du public le silence ou le refus. Quand dans le cadre de nos propres recherches, nous contactâmes, à l’été 2000, le service des archives de l’OTAN pour demander l’accès à des informations supplémentaires sur Gladio et notamment sur le CPC et l’ACC, nous reçûmes la réponse suivante : « Après vérification de nos archives, il n’existe aucune trace des comités que vous évoquez ». Lorsque nous insistâmes, le service des archives nous répondit : « Je vous confirme une nouvelle fois que les comités dont vous parlez n’ont jamais existé au sein de l’OTAN. En outre, l’organisation que vous appelez “Gladio” n’a jamais fait partie de la structure militaire de l’OTAN » [35]. Sur quoi, nous appelâmes le Bureau de Sécurité de l’OTAN, mais ne pûmes ni parler au directeur ni même connaître son identité classée “confidentielle”. Mme Isabelle Jacobs nous informa qu’il était hautement improbable que nous obtenions jamais des réponses à nos questions sur un sujet sensible comme Gladio et nous conseilla de transmettre notre requête par écrit via l’ambassade de notre pays d’origine.
C’est ainsi qu’après que la Mission Suisse d’Observation à Bruxelles eut transmis à l’OTAN nos questions relatives à l’affaire Gladio, l’ambassadeur de Suisse Anton Thalmann nous répondit qu’à son grand regret : « L’existence des comités secrets de l’OTAN que vous mentionnez dans votre lettre n’est connue ni de moi, ni de mon personnel » [36]. « Quel est le lien entre l’OTAN et le Clandestine Planning Committee (CPC) et le Allied Clandestine Committee (ACC) ? Quel est le rôle du CPC et de l’ACC ? Quel est le lien entre le CPC, l’ACC et le Bureau de Sécurité de l’OTAN ? », telles étaient nos questions : le 2 mai 2001, nous reçûmes une réponse de Lee McClenny, directeur du service de presse et de communication de l’OTAN. Dans sa lettre, McClenny prétendait que « Ni le Allied Clandestine Committee, ni le Clandestine Planning Committee n’apparaissent dans toute la documentation de l’OTAN, confidentielle ou non, que j’ai consultée. » Il ajoutait : « En outre, je n’ai pu rencontrer personne travaillant ici qui ait eu entendu parler de l’un ou l’autre de ces deux comités. J’ignore si de tels comités ont un jour existé à l’OTAN, ce qui est sûr c’est que ce n’est pas le cas aujourd’hui » [37]. Nous insistâmes une fois encore et demandâmes : « Pourquoi le porte-parole de l’OTAN Jean Marcotta a-t-il, le 5 novembre 1990, catégoriquement nié tout lien entre l’OTAN et Gladio pour voir ses propos démentis deux jours plus tard par un second communiqué ? », ce à quoi Lee McClenny rétorqua : « Je ne suis pas au courant de l’existence de liens entre l’OTAN et l’Opération Gladio”. De plus, je ne trouve personne du nom de Jean Marcotta parmi la liste des porte-parole de l’OTAN » [38]. Le mystère restait entier.
La CIA, l’Agence de renseignement la plus puissante du monde, ne fut pas plus coopérative que la plus grande alliance militaire du monde quand il s’agit d’aborder la délicate question de Gladio et des armées stay-behind. Fondée en 1947, deux ans avant la création de l’OTAN, la CIA eut pour principale tâche pendant la Guerre froide de combattre le communisme sur toute la planète en menant des opérations secrètes qui visaient à étendre l’influence des États-Unis. « Par actions clandestines », le président Nixon indiqua un jour qu’il entendait « ces activités qui, bien qu’elles soient destinées à favoriser les programmes et politiques des États-Unis à l’étranger, sont planifiées et exécutées de telle sorte que le public n’y voit pas la main du gouvernement américain » [39]. Historiens et analystes politiques ont depuis décrit en détail comment la CIA et les Forces Spéciales états-uniennes ont, au moyen de guerre secrètes et non déclarées, influencé l’évolution politique et militaire de nombreux pays d’Amérique latine ; parmi les faits les plus marquants, on peut citer le renversement du président guatémaltèque Jakobo Arbenz en 1954, le débarquement raté de la baie des Cochons en 1961, qui devait amener à la destitution de Fidel Castro, l’assassinat d’Ernesto Che Guevara en Bolivie en 1967, le coup d’État contre le président chilien Salvador Allende et l’installation au pouvoir du dictateur Augusto Pinochet en 1973, ou encore le financement des Contras au Nicaragua, suite à la révolution sandiniste de 1979. [40]
Outre ses agissements sur le continent sud-américain, la CIA est également intervenue à de nombreuses reprises en Asie et en Afrique, notamment pour renverser le gouvernement de Mossadegh en Iran en 1953, pour soutenir la politique d’Apartheid en Afrique du Sud, ce qui conduisit à l’emprisonnement de Nelson Mandela, pour assister ben Laden et al-Qaida en Afghanistan, lors de l’invasion soviétique de 1979 et pour appuyer le leader Khmer Rouge Pol Pot depuis des bases conservées au Cambodge, après la défaite états-unienne au Vietnam en 1975. D’un point de vue purement technique, le département des opérations secrètes de la CIA correspond à la définition d’une organisation terroriste donnée par le FBI. Le "terrorisme" est, selon le FBI, « l’usage illégal de la force ou de la violence contre des personnes ou des biens dans le but d’intimider ou de contraindre un gouvernement, une population civile, ou un segment de celle-ci, à poursuivre certains objectifs politiques ou sociaux » [41].
Quand, au milieu des années soixante-dix, le Congrès des États-Unis découvrit que la CIA et le Pentagone avaient étendu leurs pouvoirs presque au-delà de tout contrôle et l’avaient outrepassé en de nombreuses occasions, le sénateur états-unien Frank Church fit avec assez de clairvoyance ce commentaire : « La multiplication des abus commis par nos services de renseignement révèle un échec plus général de nos institutions fondamentales ». Il présidait alors l’une des trois commissions du Congrès qui furent chargées d’enquêter sur les agissements des services secrets US, et dont les rapports, présentés dans la seconde moitié des années soixante-dix, font aujourd’hui encore autorité sur la question des guerres secrètes menées par Washington [42] Cependant, les investigations du Congrès n’eurent qu’un impact limité et les services secrets continuèrent, avec l’appui de la Maison-Blanche, à abuser de leur pouvoir, comme le démontra le scandale de l’Irangate en 1986. Cela amena l’historienne Kathryn Olmsted à se poser cette « question cruciale » : « Pourquoi, après avoir débuté leur enquête, la plupart des journalistes et des membres du Congrès ont-ils renoncé à défier le gouvernement secret ? » [43]
Alors qu’aux États-Unis se poursuit le débat sur l’existence ou non d’un « gouvernement de l’ombre », le phénomène Gladio prouve que la CIA et le Pentagone ont opéré à plusieurs reprises hors de tout contrôle démocratique pendant la Guerre froide mais également après l’effondrement du communisme et ce, sans jamais rendre compte de leurs agissements. Lors d’une interview accordée à la télévision italienne en décembre 1990, l’amiral Stansfield Turner, directeur de la CIA de 1977 à 1981, refusa catégoriquement d’évoquer l’affaire Gladio. Quand les journalistes, qui avaient à l’esprit le grand nombre de victimes des nombreux attentats perpétrés en Italie, se permirent d’insister, l’ex-patron de la CIA arracha furieusement son micro et hurla : « J’ai dit : pas de questions sur Gladio ! », mettant ainsi un terme à l’entretien [44]
D’anciens officiers de la CIA moins gradés acceptèrent plus volontiers d’évoquer les secrets de la Guerre froide et les opérations illégales de l’Agence. Parmi eux, Thomas Polgar, qui prit sa retraite en 1981 après 30 ans de bons et loyaux services. En 1991, il avait témoigné contre la nomination de Robert Gates à la tête de la CIA, reprochant à celui-ci d’avoir couvert le scandale de l’Irangate. Interrogé sur les armées secrètes d’Europe, Polgar expliqua, en se référant implicitement au CPC et à l’ACC, que les programmes stay-behind étaient coordonnés par « une sorte de groupe de planification de guerre non conventionnelle lié à l’OTAN ». Dans leurs quartiers généraux secrets, les chefs des armées secrètes nationales « se rencontraient tous les deux ou trois mois, à chaque fois dans une capitale différente ». Polgar souligne que « chaque service national le faisait avec plus ou moins de zèle » tout en admettant que « dans les années soixante-dix en Italie, certains sont allés même plus loin que l’exigeait la charte de l’OTAN » [45]. Le journaliste Arthur Rowse, ancien collaborateur du Washington Post, tira, dans un essai consacré au sujet « Les leçons de Gladio » : « Aussi longtemps que le peuple états-unien ignorera tout de ce sombre chapitre des relations étrangères des USA, cela n’incitera pas véritablement les agences responsables de cette situation à changer de comportement. La fin de la Guerre froide n’a changé que très peu de choses à Washington. Les États-Unis (...) attendent toujours avec impatience un vrai débat national sur les moyens, les buts, et les coûts de nos politiques fédérales de sécurité. » [46].
Spécialisés dans l’étude des opérations clandestines de la CIA et des secrets de la Guerre froide, les chercheurs de l’institut de recherches privé et indépendant National Security Archive de l’université George Washington à Washington ont déposé une requête basée sur le Freedom of Information Act (FOIA) auprès de la CIA, le 15 avril 1991. D’après les termes de cette loi sur la liberté d’information, tous les services du gouvernement doivent justifier devant le peuple de la légalité de leurs actions. Malcolm Byrne, vice-directeur de recherche au National Security Archive, demandait à la CIA l’accès à « toutes les archives concernant (...) les décisions du gouvernement états-unien, probablement prises entre 1951 et 1955, concernant le financement, le soutien ou la collaboration avec toute armée secrète, tout réseau ou toute autre unité, créé dans le but de résister à une possible invasion de l’Europe de l’Ouest par des puissances sous domination communiste ou de mener des opérations de guérilla dans des pays d’Europe occidentale dans l’hypothèse où ceux-ci seraient sous l’emprise de partis ou de régimes communistes, de gauche ou soutenus par l’Union soviétique ». Byrne ajoutait : « Je vous prie d’inclure à vos recherches tout document se rapportant à des activités connues sous le nom d’"Opération Gladio", en particulier en France, en Allemagne et en Italie » [47].
Byrne précisait à juste titre que « tous les documents obtenus suite à cette requête contribueront à faire connaître au public la politique étrangère des États-Unis au cours de la période qui suivit la Seconde Guerre mondiale, ainsi que l’impact de la connaissance, de l’analyse et de l’acquisition du renseignement dans la politique états-unienne de l’époque ». Mais la CIA refusa de coopérer et, le 18 juin 1991, elle fournit la réponse suivante : « La CIA ne peut ni confirmer ni infirmer l’existence ou l’inexistence d’archives répondant aux critères de votre requête ». Quand Byrne tenta de contester le refus de l’Agence de lui fournir des informations sur Gladio, il fut débouté. La Centrale fonda son refus de coopérer sur deux exceptions "fourre-tout" à la loi sur la liberté d’information qui excluent les documents soit parce qu’ils sont « classés "confidentiel" conformément à une décision de l’Exécutif dans l’intérêt de la Défense nationale ou de la politique étrangère » (Exemption B1), soit au nom des « obligations statutaires du directeur de protéger la confidentialité des sources et méthodes de renseignement, telles que l’organisation, les fonctions, noms, titres officiels, revenus et nombre des employés de l’Agence, conformément aux National Security Act de 1947 et CIA Act de 1949 » (Exemption B3).
Quand les responsables européens tentèrent de se confronter au gouvernement secret, ils n’eurent guère plus de chance. En mars 1995, une commission du Sénat italien présidée par Giovanni Pellegrino qui avait mené une enquête sur Gladio et sur les attentats commis en Italie adressa une requête FOIA à la CIA. Les sénateurs italiens demandaient l’accès à toutes les archives relatives aux Brigades Rouges et à l’affaire Moro afin de découvrir si la CIA avait, dans le cadre du programme d’immixtion dans les affaires politiques internes du pays, infiltré le groupe terroriste d’extrême gauche avant qu’ils n’assassinent l’ancien Premier ministre et leader de la DCI Aldo Moro en 1978. Refusant de coopérer, l’Agence s’abrita derrière les clauses B1 et B3 et refusa, en mai 1995, tous les accès demandés en ajoutant que ça ne « confirmait ni n’infirmait l’existence ou l’inexistence dans les archives de la CIA des documents recherchés ». La presse italienne souligna le caractère embarrassant de ce refus et titra : « La CIA rejette la demande d’assistance de la Commission parlementaire. L’enlèvement de Moro, un secret d’État aux USA » [48].
La seconde demande de renseignements relatifs à Gladio émanant d’un gouvernement européen fut adressée à la CIA par le gouvernement autrichien en janvier 2006, après que des caches d’armes “top secrètes” aménagées par l’Agence à l’intention de Gladio aient été découvertes dans les alpages et les forêts du pays pourtant neutre. Des représentants du gouvernement américain répondirent que les États-Unis couvriraient les frais occasionnés par l’exhumation et la récupération de l’équipement des réseaux [49]. L’enquête autrichienne fut menée par les services du ministre de l’Intérieur Mickael Sika qui livra son rapport final sur les dépôts de munition de la CIA le 28 novembre 1997 en déclarant : « On ne peut établir aucune certitude quant aux caches d’armes et à l’usage auxquelles elles étaient destinées ». En conséquence de quoi : « Afin de faire toute la lumière sur cette affaire, il serait nécessaire de disposer des documents s’y rapportant, et notamment ceux abrités aux États-Unis » [50]. Un membre de la Commission, Oliver Rathkolb de l’université de Vienne, déposa donc une requête en FOIA dans le but d’obtenir l’accès aux archives de la CIA. Mais en 1997, le comité de divulgation de l’Agence opposa un nouveau refus motivé par les mêmes exemptions B1 et B3 qui laissa aux Autrichiens l’amère impression que l’agence américaine n’était tenue de rendre des comptes auprès de personne.
Étant donné que c’est là l’unique moyen d’accéder aux archives relatives à Gladio, nous déposâmes le 14 décembre 2000 une requête en FOIA auprès de la CIA. Deux semaines plus tard, nous reçûmes une réponse évasive à notre demande « se rapportant à l’"Opération Gladio" » : « La CIA ne peut ni confirmer ni infirmer l’existence ou l’inexistence de documents correspondant à votre requête ». En invoquant les clauses restrictives B1 et B3, la coordinatrice chargée de l’information et des questions de respect de la vie privée Kathryn I. Dyer nous refusa l’accès aux informations sur l’Opération Gladio [51]. Nous fîmes appel de cette décision en rétorquant que : « Les documents retenus doivent être publiés en vertu de la loi FOIA sur la liberté d’expression car les clauses B1 et B3 ne peuvent s’appliquer qu’à des opérations de la CIA encore tenues secrètes ». En produisant les données recueillies au cours de nos recherches, nous prouvâmes que ce n’était plus le cas et conclûmes : « Si vous, Mme Dyer, invoquez les clauses restrictives B1 et B3 dans ce contexte, vous privez la CIA de la possibilité de s’exprimer sur des informations relatives à l’affaire Gladio, qui seront de toute façon révélées, que la CIA décide d’intervenir ou non » [52].
En février 2001, l’Agence nous répondit : « Votre appel a été accepté et des dispositions seront prises pour qu’il soit examiné par les membres du comité de divulgation de l’Agence. Vous serez informé de la décision rendue. » Dans le même temps, la CIA précisa que cette commission traitait les demandes en fonctions de leur date de dépôt et que « en ce moment, nous avons à examiner environ 315 appels » [53]. Notre requête portant sur le réseau Gladio fut ainsi mise en attente et rangée en bas de la pile. Au moment de la rédaction de cet ouvrage, la commission n’avait toujours pas rendu son avis [54].
Après l’OTAN et la CIA, la troisième principale organisation impliquée dans l’opération stay-behind était le MI6. Celui-ci ne prit pas position sur l’affaire Gladio en 1990 en raison d’une légendaire obsession du secret, l’existence de cette Agence elle-même ne fut officiellement admise qu’en 1994, avec la publication de l’Intelligence Services Act qui établit que l’organisation avait pour missions d’obtenir du renseignement et d’exécuter des opérations secrètes à l’étranger.
Tandis que l’exécutif britannique et le MI6 se refusaient à tout commentaire, Rupert Allason, membre du parti conservateur, rédacteur de l’Intelligence Quarterly Magazine sous le pseudonyme de Nigel West et auteur de plusieurs ouvrages sur les services de sécurité britanniques, confirma, en novembre 1990, au plus fort du scandale Gladio, lors d’un entretien téléphonique accordé à Associated Press : « Nous étions, et sommes toujours, fortement impliqués (...) dans ces réseaux ». West expliqua que la Grande-Bretagne « a bien entendu participé, aux côtés des États-uniens, au financement et au commandement » de plusieurs réseaux et qu’elle était également engagée dans le cadre de la collaboration entre le MI6 et la CIA : « Ce sont les agences de renseignement britanniques et états-uniennes qui sont à l’origine du projet ». West affirma qu’à partir de 1949, l’action des armées stay-behind avait été coordonnées par la Structure de Commandement et de Contrôle des Forces Spéciales de l’OTAN au sein desquelles le Special Air Service (SAS) jouait un rôle stratégique [55].
« La responsabilité de la Grande-Bretagne dans la mise en place des réseaux stay-behind dans toute l’Europe est absolument fondamentale », rapporta la BBC avec un certain retard dans son édition du soir du 4 avril 1991. Le présentateur des informations John Simpson accusa le MI6 et le ministère de la Défense britannique de ne pas divulguer toutes les informations dont ils disposaient sur le sujet « alors que les révélations sur Gladio ont entraîné la découverte d’armées stay-behind dans d’autres pays européens - en Belgique, en France, aux Pays-Bas, en Espagne, en Grèce et en Turquie. Même dans des pays neutres comme la Suède et la Suisse, cela a donné lieu à un débat public. Dans certains cas, des enquêtes officielles ont été diligentées. En revanche, en Grande-Bretagne, toujours rien. Rien que les habituels communiqués du ministère de la Défense qui ne souhaite pas commenter les questions de Sécurité nationale » [56]. Simpson déclara qu’après la chute du Mur de Berlin les Britanniques avaient pris connaissance des complots et des opérations de terrorisme ourdis par la Stasi, la Securitate et d’autres services secrets d’Europe de l’Est avec une horreur mêlée de fascination. « Se peut-il alors que notre camp se soit livré à des actions comparables ? Jamais ! » commenta-t-il avec ironie avant d’attirer l’attention sur les services de sécurité d’Europe occidentale : « Mais des informations commencent à présent à filtrer concernant des abus qui auraient été commis par la plupart des services secrets des membres de l’OTAN. En Italie, une commission parlementaire a été chargée d’enquêter sur les agissements d’une armée secrète créée par l’État dans le but de résister à une éventuelle invasion soviétique. L’enquête a permis de découvrir l’existence de forces armées clandestines similaires dans toute l’Europe. Mais le groupe italien, connu sous le nom de Gladio, est, lui, soupçonné d’avoir participé à une série d’attentats terroristes » [57].
La BBC ne put obtenir aucune réaction des responsables du gouvernement sur le scandale Gladio, la confirmation officielle de l’implication du MI6 ne vint que des années plus tard et dans un cadre plutôt inhabituel : un musée. En juillet 1995, une nouvelle exposition permanente baptisée « Les guerres secrètes » fut inaugurée à l’Imperial War Museum de Londres. « Tout ce que vous pouvez voir dans cette exposition fait partie des secrets les mieux gardés du pays », assurait-on aux visiteurs à l’entrée. « C’est la première fois qu’ils sont dévoilés au public. Et le plus important : tout est véridique... la réalité est bien plus incroyable et passionnante que la fiction. » Sur l’une des vitrines consacrées au MI6, un commentaire discret confirmait que : « Les préparatifs en vue d’une Troisième Guerre mondiale incluaient la création de commandos stay-behind parés à opérer derrière les lignes ennemies dans le cas d’une invasion soviétique de l’Europe de l’Ouest ». Dans la même vitrine, une grosse caisse pleine d’explosifs était accompagnée de la légende suivante : « Explosifs conçus spécialement par le MI6 pour être cachés dans des territoires susceptibles de passer à l’ennemi. Ils pouvaient rester enterrés pendant des années sans subir la moindre altération. » À côté d’un manuel consacré aux techniques de sabotage pour commandos stay-behind, on pouvait lire : « Dans la zone d’occupation britannique en Autriche, des officiers de la Marine Royale furent spécialement détachés pour aménager des caches d’armes en montagne et collaborer avec des agents recrutés sur place » [58]
D’anciens officiers du MI6 interprétèrent à juste titre cette exposition comme un signe qu’ils étaient à présent libres de s’exprimer sur l’Opération Gladio. Quelques mois après l’inauguration, les anciens officiers de la Marine Royale Giles et Preston, les seuls agents du MI6 dont les noms étaient cités dans l’exposition à côté d’une photographie prise « dans les Alpes autrichiennes, 1953-1954 », confirmèrent à l’écrivain Michael Smith qu’à la fin des années quarante et au début des années cinquante, États-uniens et Britanniques avaient recruté des unités stay-behind en Europe de l’Ouest en prévision d’une invasion soviétique. Giles et Preston furent envoyés à Fort Monckton, non loin de Portsmouth en Angleterre, où les Gladiateurs partageaient l’entraînement des SAS sous l’égide du MI6. Ils étaient formés au cryptage, au maniement des armes à feu et aux opérations secrètes. « On nous faisait faire des exercices, sortir au beau milieu de la nuit et faire semblant de faire exploser des trains sans que le chef de gare ou les porteurs ne nous repèrent », se souvint Preston. « On approchait en rampant et on faisait semblant de fixer des charges explosives sur le côté droit de la locomotive » [59]
Giles se remémora avoir pris part à des opérations de sabotage sur des trains britanniques en service comme, par exemple, l’exercice qui eut lieu à la gare de triage d’Eastleigh : « Nous déposions des briques dans les locomotives pour simuler des pains de plastic. Je me rappelle les files et les files de wagons, entièrement recouverts d’une épaisse couche de neige, arrêtés là au milieu des nuages de vapeur. Des soldats patrouillaient avec des chiens. À un moment donné, les gardes se sont approchés, j’ai alors dû me cacher entre les cylindres des locomotives et attendre qu’ils passent. Nous ôtions aussi le bouchon des réservoirs d’huile des essieux pour y verser du sable, ce qui avait pour conséquence, au bout de quelques dizaines de kilomètres, de les faire tous surchauffer » [60]. Le fait qu’il s’agisse de trains publics en service ne semblait pas gêner les deux agents : « Ce n’était pas mon problème », expliqua Giles, « nous ne faisions que jouer ». « J’ai dû arpenter Greenwich pendant 10 jours pour apprendre à filer des gens et à semer ceux qui me filaient, la réalité concrète du boulot d’espion », raconta Preston. Puis, ils furent envoyés en Autriche avec pour mission de recruter et de former des agents et supervisèrent le réseau de « bunkers souterrains remplis d’armes de vêtements et de matériel » mis en place par « le MI6 et la CIA » à destination du Gladio autrichien [61] En visitant le quartier général du MI6 sur les bords de la Tamise à Londres en 1999, il ne fut pas surpris outre mesure d’apprendre que le MI6 a pour règle de ne jamais évoquer les secrets militaires.
(À suivre…)
http://www.voltairenet.org/article162763.html
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