par Hicham Hamza
« Sarkozy, nous voilà ». Dès la rentrée, de nouvelles unités policières, provisoirement baptisées « brigades spéciales », seront déployées en banlieue. Une dénomination déjà employée sous le régime de Vichy pour désigner les forces de l’ordre lancées à la poursuite des Juifs et des résistants.
Le pétainisme serait-il tendance cet été ? Mardi, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a annoncé la création des « brigades spéciales de terrain », nouvelle catégorie de policiers chargés de « réprimer les crimes et les délits ». Ces fonctionnaires ne seront pas des « agents d’ambiance ou des éducateurs sociaux » mais des hommes et des femmes « expérimentés, travaillant en tenue d’intervention, dont le mot d’ordre sera : le terrain, le terrain et encore le terrain ». Ils agiront sur des « zones de délinquance » et ne seront donc plus rattachés uniquement à tel ou tel « quartier sensible ».
Problème : la dénomination de « brigade spéciale » évoque une période spécifique dans l’histoire de l’institution policière- l’Occupation. Sous le régime de Vichy, les « BS » avaient pour mission de traquer ceux que le maréchal Pétain qualifiait alors d’ « ennemis intérieurs », désignant notamment les Juifs et les résistants.
Fausse carte de la brigade spéciale des Milices révolutionnaires françaises établie pour le résistant Serge Ravanel sous le pseudonyme de Charles Guillemot
Le Parti socialiste a dénoncé ce matin dans un communiqué l’usage d’une « notion qui renvoie aux plus sombres périodes de la seconde guerre mondiale ».
Pour mettre fin au début de polémique, le ministre a tenu à indiquer, aujourd’hui en Seine-et-Marne, que la dénomination serait rectifiée. Il s’agira finalement de « brigades spécialisées de terrain ». Une volte-face, faisant suite au lapsus révélateur que constitue le choix initial de Brice Hortefeux, ministre toujours en exercice malgré sa récente condamnation pour injures raciales à l‘encontre des Français d’origine maghrébine.
A quand le retour de la Milice ?
Depuis le discours de Nicolas Sarkozy, prononcé le 30 juillet à Grenoble, la surenchère sécuritaire prônée par le gouvernement se traduit également dans la sémantique. Le choix de l’expression connotée « brigades spéciales » ne résulte pas d’une quelconque maladresse. Les hauts fonctionnaires oeuvrant au sein du ministère de l’Intérieur ne manquent sans doute pas de culture historique. Et bon nombre de policiers gardent encore un souvenir honteux de la compromission de leurs aînés sous l’Occupation.
Plutôt qu’une bévue, un aveu : la nouvelle dénomination policière, voulue, annoncée et aussitôt enterrée par Brice Hortefeux, traduit bel et bien le tournant idéologique du gouvernement. Nicolas Sarkozy, « délinquant constitutionnel » comme l’a qualifié Edwy Plenel, reprend désormais à son compte l’héritage de la droite la plus honnie de l’histoire française.
Autres temps, autres cibles, autres méthodes. A la place des Juifs et des résistants déportés, un nouveau conglomérat d’ « ennemis intérieurs » : Musulmans stigmatisés , jeunes-de-banlieues redoutés, Roms raflés, gens du voyage persécutés, militants associatifs pour les sans-papiers poursuivis en justice, ultra-gauche suspectée de terrorisme, et dissidents de tout poil sous surveillance accrue. A ce jeu de la répression à tout va, la carte de l’insurrection est toujours posée sur la table. Face cachée.
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