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Quand l'OTAN finance les partis politiques occidentaux pro-israeliens avec l'argent de la drogue afghane. Y-a-t-il un financement des partis politiques en France grace aux trafiques de drogue, comme a l'epoque de la 'french connexion' du mossadnik Pasqua ... Les réseaux franco-israelo-pakistanais etant tres liés a la maison Pasqua

L’opium, la CIA et l’administration Karzai
 En Afghanistan, l’OTAN lutte contre les champs de pavot cultivés par les insurgés et protège ceux de ses alliés

par Peter Dale Scott*,
 
Pour Peter Dale Scott, il ne sert à rien de se lamenter sur le développement de la culture des drogues en Afghanistan et sur l’épidémie d’héroïne en mondiale. Il faut tirer des conclusions des faits établis : les Talibans avaient éradiqué le pavot, l’OTAN en a favorisé la culture ; l’argent des drogues a corrompu le gouvernement Karzai, mais il est surtout aux Etats-Unis où il a corrompu les institutions. La solution n’est donc pas à Kaboul, mais à Washington.


L’important article d’Alfred McCoy paru sur TomDispatch, le 30 mars 2010 [1], aurait dû inciter le Congrès à se mobiliser pour procéder à une véritable réévaluation de l’aventure militaire états-unienne totalement inconsidérée en Afghanistan. La réponse à la question que pose son titre - « Quelqu’un est-il en mesure de pacifier le plus grand narco-État au monde ? - trouve facilement sa réponse dans l’article : c’est un « Non ! » retentissant.... sauf à modifier fondamentalement les objectifs et les stratégies définis, aussi bien à Washington qu’à Kaboul.

McCoy démontre clairement que :

- l’État Afghan de M. Hamid Karzai est un narco-État corrompu, auquel les Afghans sont forcés de payer des pots-de-vin à hauteur de 2,5 milliards de dollars chaque année, soit un quart de l’économie du pays.
- l’économie afghane est une narco-économie : en 2007, l’Afghanistan a produit 8 200 tonnes d’opium, représentant 53 % du PIB et 93 % du trafic d’héroïne mondial.
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Carte de l’Afghanistan montrant les plus grands champs de pavot, et l’intensité du conflit en 2007 et 2008
- Les options militaires pour faire face au problème sont au mieux inefficaces, et au pire contre-productives : McCoy avance que le meilleur espoir réside dans la reconstruction des campagnes afghanes jusqu’à ce que les cultures vivrières deviennent une alternative viable à celle de l’opium, un processus qui pourrait prendre de 10 à 15 ans, voire plus. (J’argumenterai plus tard en faveur d’une solution intermédiaire : que l’International Narcotics Board accorde une licence à l’Afghanistan afin que ce pays puisse vendre son opium légalement).
L’argument de McCoy le plus fort est qu’à son pic de production, la cocaïne colombienne ne représentait qu’environ 3 % de l’économie nationale, et pourtant, les FARC comme les escadrons de la mort de droite, tout deux largement financés par la drogue, continuent à se développer dans ce pays. Éradiquer simplement la drogue, sans disposer au préalable d’un substitut pour l’agriculture afghane, nécessiterait d’imposer d’insupportables pressions à une société rurale déjà ravagée, et dont le seul revenu notable provient de l’opium. Pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir de la chute des Talibans en 2001, qui fit suite à une réduction draconienne de la production de drogue en Afghanistan sous l’impulsion de ces mêmes Talibans (de 4 600 tonnes à 185 tonnes), laquelle transforma le pays en une coquille vide.

À première vue, les arguments de McCoy semblent indiscutables, et devraient, dans une société rationnelle, provoquer un débat posé suivi par un changement majeur de la politique militaire états-unienne. McCoy a présenté son étude avec un tact et une diplomatie considérables, afin de faciliter un tel résultat.

La responsabilité historique de la CIA dans le trafic de drogue mondial

Malheureusement de nombreux facteurs font qu’une issue positive de ce type a peu de chances de voir le jour dans l’immédiat. Il existe de nombreuses raisons pour cela, parmi lesquelles des réalités désagréables que McCoy a soit oublié, soit minimisé dans son essai – par ailleurs brillant – et qui doivent être abordées si nous souhaitons vraiment mettre en place des stratégies sensées en Afghanistan.

La première réalité est que l’implication grandissante de la CIA, et sa responsabilité dans le trafic de drogue mondial est un sujet tabou dans les cercles politiques, les campagnes électorales, et les médias de masse. Ceux qui ont cherché à briser ce tabou, comme le journaliste Gary Webb, ont souvent vu leurs carrières détruites.

Alors qu’Alfred McCoy s’est impliqué plus que quiconque pour faire prendre connaissance au public de la responsabilité de la CIA dans le trafic de drogue au sein des zones de guerres états-uniennes, je me sens gêné de devoir affirmer qu’il minimise ce phénomène dans son article. Il est vrai qu’il écrit que « l’opium émergea comme une force stratégique dans le milieu politique afghan durant la guerre secrète de la CIA contre les Soviétiques », et il ajoute que cette dernière « fut le catalyseur qui transforma la frontière pakistano-afghane en la plus importante région productrice d’héroïne au monde ».

Mais, dans une phrase très étrange, M. McCoy suggère que la CIA fut entraînée passivement dans des alliances impliquant la drogue au cours des combats contre les forces soviétiques en Afghanistan dans les années 1979-88, alors que la CIA a précisément créé ces alliances pour combattre les Soviétiques :
Dans un des ces accidents historiques teintés d’ironie, la frontière sud de la Chine communiste et de l’Union Soviétique coïncidèrent avec la zone asiatique de production d’opium, le long d’une chaîne de montagne, attirant la CIA dans des alliances pleines d’ambigüité avec les chef tribaux des hauts plateaux de la région.

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Gulbuddin Hekmatyar
Il n’y eut pas de tel « accident » en Afghanistan, où les premiers barons de la drogue d’envergure internationale – Gulbuddin Hekmatyar et Abou Rasul Sayyaf – furent en fait projetés sur la scène internationale grâce au soutien massif et mal avisé de la CIA, en collaboration avec les gouvernements du Pakistan et d’Arabie Saoudite. Alors que d’autres forces de résistance locales furent considérées comme des forces de seconde classe, ces deux clients du Pakistan et de l’Arabie Saoudite, précisément en raison de leur manque de soutien au niveau local, furent des pionniers dans l’utilisation de l’opium et de l’héroïne comme moyen de bâtir leur force de combat et de créer une ressource financière [2]. De plus, tous deux devinrent des agents de l’extrémisme salafiste, s’attaquant à l’islam soufi endogène à l’Afghanistan. Finalement, tous deux devinrent des agents d’Al-Qaïda [3].

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Abdul Rasul Sayyaf
L’implication de la CIA dans le trafic de drogue durant le conflit soviéto-afghan n’était pas une première. D’une certaine manière, la responsabilité de la CIA dans le rôle dominant que joue aujourd’hui l’Afghanistan dans le trafic mondial d’héroïne, est une réplique de ce qui arriva plus tôt en Birmanie, au Laos, et en Thaïlande entre la fin des années 1940 et les années 1970. Ces pays sont aussi devenus des acteurs majeurs du trafic de drogue grâce au soutien de la CIA (et des Français, dans le cas du Laos), sans quoi ils n’auraient été que des acteurs locaux.

On ne peut parler d’« accident ironique » dans ce cas non plus. McCoy lui-même a montré comment, dans tous ces pays, la CIA a non seulement toléré mais aussi soutenu la croissance des actifs des forces anti-communistes financées par la drogue, afin de contenir le danger représenté par une intrusion de la Chine communiste en Asie du Sud-Est. Des années 1940 aux années 1970, et comme en Afghanistan aujourd’hui, le soutien de la CIA participa à transformer le Triangle d’Or en un fournisseur majeur d’opium au niveau mondial.

Durant cette même période, la CIA recruta des collaborateurs tout au long des routes de contrebande de l’opium asiatique, de même que dans des pays comme la Turquie, le Liban, la France, Cuba, le Honduras, et le Mexique. Ces collaborateurs comprenaient des agents gouvernementaux comme Manuel Noriega au Panama ou Vladimiro Montesinos au Pérou, souvent des personnalités expérimentées appartenant aux services de police soutenus par la CIA ou aux services de renseignement. Mais des mouvements insurrectionnels en faisaient aussi partie, des Contras du Nicaragua dans les années 1980 (selon Robert Baer et Seymour Hersh) au Jundallah [4], affilié à Al-Qaïda et opérant aujourd’hui en Iran et au Baloutchistan [5].

Le gouvernement Karzai, et non les Talibans, domine l’économie de la drogue afghane

Le meilleur exemple d’une telle influence de la CIA sur les trafiquants de drogue aujourd’hui se trouve sans doute en Afghanistan, où le propre frère du président Karzai, Ahmed Wali Karzai (un collaborateur actif de la CIA) [6], et Abdul Rashid Dostum (un ancien collaborateur de l’Agence) comptent parmi ceux qui sont accusés de trafic de drogue [7]. La corruption liée à la drogue au sein du gouvernement afghan doit être en partie attribuée à la décision des États-Unis et de la CIA de lancer, en 2001, une invasion avec le soutien de l’Alliance du Nord, un mouvement dont Washington savait qu’il était corrompu par la drogue [8].
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Carte de la CIA montrant les routes de l’opium de l’Afghanistan à destination de l’Europe, en 1998. Selon les informations de la CIA, mises à jour en 2008 : « La plus grande partie de l’héroïne en provenance de l’Asie du Sud-Est est acheminée par voie terrestre, à travers l’Iran et la Turquie, jusqu’en Europe via les Balkans. » En fait, la drogue est également convoyée à travers les États de l’ancienne Union soviétique, le Pakistan et Dubaï.
De cette manière, les USA ont consciemment recréé en Afghanistan la situation qu’ils avaient créée précédemment au Vietnam. Au Vietnam aussi (comme Ahmed Wali Karzai un demi siècle après), le frère du président, Ngo Dinh Nhu, utilisait la drogue pour financer un réseau privé lui permettant de truquer les élections en faveur de Ngo Dinh Diem [9]. Thomas H. Johnson, coordinateur des études de recherche anthropologique à la Naval Postgraduate School, montra l’improbabilité du succès d’un programme de contre-insurrection quand ce programme soutient un gouvernement local qui est de manière flagrante l’objet de dysfonctionnements et de corruption [10].

Ainsi je m’oppose à McCoy quand celui-ci, à l’image des médias de masse US, dépeint l’économie de la drogue afghane comme étant dominée par les Talibans. (Selon les propres termes de McCoy : « Si les insurgés prennent le contrôle de cette économie illégale, comme l’ont fait les Talibans, alors la tâche deviendra presque insurmontable. ») La part des Talibans sur le marché de l’opium afghan est estimée en général entre 90 et 400 millions de dollars. Or l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) estime que le total des revenus issus du commerce de l’opium et de l’héroïne est de l’ordre de 2,8 à 3,4 milliards de dollars [11].

Clairement, les Talibans n’ont pas fait main basse sur cette économie, dont la plus grande partie est contrôlée par les partisans du gouvernement Karzai. En 2006, un rapport de la Banque Mondiale avançait « qu’au plus haut niveau, 25 à 30 trafiquants majeurs, la majorité d’entre eux basés au sud de l’Afghanistan, contrôlent les transactions et les transferts majeurs, travaillant étroitement avec des soutiens occupant des positions politiques et gouvernementales au plus haut niveau » [12].

Les médias états-uniens ne se sont pas intéressés à cette réalité factuelle, pas plus qu’à la manière dont cela a influé sur les stratégies politiques de leur pays en Afghanistan, en matière de guerre et de trafic de drogue. L’administration Obama semble avoir pris ses distances d’avec les programmes d’éradication peu judicieux de la période Bush, qui ne rencontreront jamais l’adhésion « cœur et âme » de la paysannerie afghane. Elle préfère mettre en place une politique d’interdiction sélective du trafic, en ne s’attaquant de manière explicite qu’aux trafiquants qui aident les insurgés [13].

Reste à savoir si cette politique sera efficace pour affaiblir les Talibans. Mais cibler ce qui constitue au plus un dixième du trafic total ne permettra clairement jamais d’en finir avec la position actuelle de l’Afghanistan comme le principal narco-État. Cela ne permettra pas non plus d’en finir avec l’actuelle épidémie mondiale de consommation d’héroïne ayant commencée à la fin des années 1980, qui a déjà créé 5 millions de toxicomanes au Pakistan, plus de 2 millions en Russie, 800 000 aux États-Unis, plus de 15 millions à travers le monde, dont un million en Afghanistan même.

La politique d’interdiction sélective du gouvernement Obama aide aussi à expliquer son refus de considérer la solution la plus humaine et la plus raisonnable à l’épidémie mondiale d’héroïne afghane. Il s’agit de l’initiative « poppy for medicine » (Opium pour la médecine) de l’International Council on Security and Development (ICOS, autrefois connu comme le Senlis Council), qui vise à établir un programme délivrant des autorisations, permettant ainsi aux agriculteurs de vendre leur opium pour permettre la production de médicaments essentiels et très demandés comme la morphine ou la codéine [14].

La proposition a reçu le soutien des parlements européen et canadien ; mais il fut l’objet de sévères critiques aux USA, principalement parce que cela pourrait engendrer une augmentation de la production d’opium. Cependant, cela fournirait une réponse à moyen terme à l’épidémie d’héroïne qui dévaste l’Europe et la Russie – situation qui ne sera pas réglée par l’alternative présentée par McCoy de substituer d’autres cultures durant les 10 ou 15 prochaines années, et encore moins par le programme d’élimination sélective de fournisseurs d’opium conduit par l’administration Obama.

Une conséquence rarement citée de l’initiative « poppy for medicine » serait de réduire les recettes engendrées par le trafic illicite qui permet de soutenir le gouvernement Karzai. Pour cette raison, ou simplement car tout ce qui se rapproche d’une légalisation des drogues reste un sujet tabou à Washington, l’initiative « poppy for medicine » a peu de chance d’être soutenue par l’administration Obama.

L’héroïne afghane et la connexion mondiale de la drogue de la CIA

Il y a un autre paragraphe dans lequel McCoy, de manière erronée à mon avis, concentre son attention sur l’Afghanistan comme nœud du problème plutôt que sur les États-Unis eux-mêmes :

Lors d’une conférence sur la drogue à Kaboul ce mois-ci, le chef du Federal Narcotics Service russe a estimé la valeur actuelle de la culture de l’opium en Afghanistan à 65 milliards de dollars. Seulement 500 millions de dollars vont aux fermiers afghans, 300 millions aux Talibans, et les 64 milliards restant à la « mafia de la drogue », lui garantissant de vastes fonds pour corrompre le gouvernement Karzai (souligné par l’auteur) dans un pays où le PIB est de seulement 10 milliards de dollars [15].

Ce paragraphe oublie d’évoquer un fait pertinent et essentiel : selon l’ONUDC, seulement 5 à 6 % de ces 65 milliards de dollars, soit de 2,8 à 3,4 milliards, restent en Afghanistan [16]. Environ 80 % des bénéfices issus du trafic de drogue proviennent des pays de consommation – dans ce cas la Russie, l’Europe et les États-Unis. Ainsi, nous ne devrions pas croire un instant que le seul pays corrompu par le trafic de drogue afghan est le pays d’origine. Partout où le trafic est devenu important, même dans les lieux de transit, il a survécu en étant protégé, ce qui en d’autres termes, s’appelle de la corruption.

Il n’existe aucune preuve montrant que l’argent de la drogue gagné par les trafiquants alliés à la CIA ait grossit les comptes bancaire de la CIA ou ceux de ses officiers, mais la CIA a indirectement profité du trafic de drogue, et a développé au fil des ans une relation très proche avec celui-ci. La guerre secrète de la CIA au Laos fut un cas extrême. Durant celle-ci, l’Agence mena une guerre en utilisant comme principaux alliés l’Armée Royale Laotienne du général Ouane Rattikone et l’Armée Hmong du général Vang Pao, toutes deux en grande partie financées par la drogue. L’opération massive de la CIA en Afghanistan dans les années 1980 fut un autre exemple d’une guerre en partie financée par la drogue. [17].

Une protection pour les trafiquants de drogue aux États-Unis

Dès lors, il n’est pas surprenant que, les années passant, le gouvernement états-unien, suivant la voie tracée par la CIA, aient protégé des trafiquants de drogue contre les poursuites judiciaires dans le pays. Par exemple, aussi bien la CIA que le FBI sont intervenus en 1981 contre l’inculpation (pour vol de voiture) du trafiquant de drogue mexicain et tsar des renseignements Miguel Nazar Haro, affirmant que Nazar était « un contact essentiel, je répète, un contact essentiel pour le bureau de la CIA à Mexico », sur les questions de « terrorisme, renseignement, et contre-renseignement » [18]. Lorsque le procureur général associé Lowell Jensen refusa de donner suite à l’inculpation de Nazar, le procureur de San Diego, William Kennedy, exposa publiquement l’affaire. Il fut rapidement viré pour cela [19].

Un exemple récent et spectaculaire d’une implication de la CIA dans le trafic de drogue fut l’affaire concernant un collaborateur vénézuélien de la CIA, le général Ramon Guillén Davila. Comme je l’explique dans mon livre, Fueling America’s War Machine (à paraître) [20] :

Le général Ramon Guillén Davila, chef de l’unité anti-drogue créée par la CIA au Venezuela, fut inculpé à Miami pour avoir fait entrer une tonne de cocaïne aux États-Unis. Selon le New York Times, « la CIA, malgré l’objection de la Drug Enforcement Administration, approuva l’envoi d’au moins une tonne de cocaïne pure vers l’aéroport international de Miami comme moyen d’obtenir des informations sur les cartels de la drogue colombiens ». Le magazine Time rapporta qu’une seule cargaison représentait 450 kilos, et était précédée d’autres « pour un total d’environ une tonne » [21]. Mike Wallace confirma que « l’opération secrète de la CIA et des gardes nationaux rassembla rapidement cette cocaïne, plus d’une tonne et demie, qui fut introduite clandestinement de Colombie vers le Venezuela » [22]. Selon le Wall Street Journal, la quantité totale de drogue introduite clandestinement par le général Guillén serait de plus de 22 tonnes [23].
Mais les États-Unis n’ont jamais demandé au Venezuela l’extradition de Guillén afin de le juger ; et, en 2007, lorsqu’il fut arrêté au Venezuela pour conspiration de meurtre à l’encontre du président Hugo Chavez, son inculpation était toujours quelque part à Miami [24]. Pendant ce temps-là, l’agent de la CIA Mark McFarlin, que Bonner, le chef de la DEA, souhaitait également inculper, ne le fut jamais, et dut simplement démissionner [25].

Pour résumer, il n’arriva rien aux acteurs principaux de cette affaire, qui n’a probablement fait surface dans les médias qu’en raison des protestations générées à la même époque par les articles de Gary Webb parus dans le San Jose Mercury au sujet de la CIA, des Contras et de la cocaïne.

Les banques et le blanchiment de l’argent de la drogue

D’autres institutions ont un intérêt direct dans le trafic de drogue, dont les grandes banques, qui effectuent des prêts à des pays comme la Colombie et le Mexique, sachant pertinemment que le flot de drogue aidera à garantir le remboursement de ces prêts. Plusieurs de nos plus grandes banques, comme City Group, Bank of New York et Bank of Boston, ont été identifiées comme participant au blanchiment d’argent, mais n’ont jamais subi de pénalités assez importantes pour les obliger à changer de comportement [26]. En bref, l’implication des États-Unis dans le trafic de drogue rassemble la CIA, des intérêts financiers majeurs et des intérêts criminels dans ce pays et à l’étranger.

Antonio Maria Costa, chef de l’ONUDC, a déclaré que « l’argent de la drogue, représentant des milliards de dollars, a permis au système financier de se maintenir au plus haut de la crise financière ». Selon l’Observer de Londres, Costa déclara avoir vu des preuves que les recettes du crime organisé étaient « le seul capital d’investissement liquide » disponible pour certaines banques au moment du krach de l’année dernière. Il affirma qu’une majorité des 352 milliards de dollars de profits liés à la drogue furent ainsi absorbés par le système économique. Costa déclara que les preuves montrant une absorption de l’argent illégal par le système financier lui furent soumises par des agences de renseignement et des procureurs il y a 18 mois environ. « Dans de nombreux cas, l’argent de la drogue était le seul capital d’investissement liquide. Durant la seconde moitié de 2008, la liquidité était le problème majeur du système bancaire, ainsi le capital liquide devînt un facteur important, » dit-il [27].

Un exemple frappant de l’importance de la drogue à Washington fut l’influence exercée dans les années 1980 par la Bank of Credit and Commerce International, banque pratiquant le blanchiment de l’argent de la drogue. Comme je l’explique dans mon livre, parmi les personnes haut placées profitant des largesses de la BCCI, ses propriétaires, et ses affiliés, nous trouvons James Baker, secrétaire au Trésor sous Ronald Reagan, qui refusa d’enquêter sur la BCCI [28] ; le sénateur démocrate Joe Bidden et le sénateur républicain Orrin Hatch, et plusieurs membres importants du Comité Judiciaire du Sénat, lequel refusa d’enquêter sur la BCCI [29].
Finalement, ce ne fut pas Washington qui agit en premier afin de mettre un terme aux activités bancaires de la BCCI et de ses filiales illégales aux États-Unis, mais deux personnes déterminées, l’avocat de Washington Jack Blum et le procureur de Manhattan Robert Morgenthau [30].

Conclusion : la source du problème mondial qu’est la drogue n’est pas à Kaboul, mais à Washington

Je comprends pourquoi McCoy, dans son désir de changer une politique vouée à l’échec, prend plus de précautions que moi-même lorsque j’évoque à quel point certaines institutions états-unienne puissantes – gouvernement, renseignements et finance – et pas seulement le gouvernement Karzai, ont été corrompues par l’omniprésent trafic de drogue. Mais je pense que son approche pleine de tact se montrera contre-productive. La source principale du problème mondial qu’est la drogue n’est pas à Kaboul, mais à Washington. Mettre fin à ce scandale demandera la divulgation de faits que McCoy ne désire pas aborder dans son article.

Dans son ouvrage magistral, The Politics of Heroin [31], McCoy parle de l’histoire de Greg Musto, expert en drogues à la Maison Blanche sous Carter. En 1980, Musto dit au Strategy Council on Drug Abuse de la Maison Blanche que « nous allions en Afghanistan afin de soutenir les cultivateurs d’opium dans leur rébellion contre l’Union Soviétique. Ne pourrions-nous pas éviter de faire ce que nous avons déjà fait au Laos ? » [32]. Se voyant refuser l’accès par la CIA à des données auxquelles il avait légalement accès, Musto fit part de son inquiétude en public en mai 1980, notant, dans un éditorial du New York Times, que l’héroïne en provenance du Croissant d’Or était déjà (et pour la première fois) en train de causer une crise médicale à New York. Et il avertit, avec prescience, que « cette crise est amenée à s’aggraver » [33].

Musto espérait qu’il pourrait contribuer à un changement de politique en mettant le problème sur la place publique, et en l’accompagnant d’un avertissement fort au sujet d’une aventure en Afghanistan financée par la drogue qui pourrait se révéler désastreuse. Mais ses mots emplis de sagesse furent sans pouvoir contre l’implacable détermination de ce que j’appelle la machine de guerre US au sein de notre gouvernement et de notre économie politique. Je crains que le message sensé de McCoy, en étant bienséant là où il est justement nécessaire de ne pas l’être, subira le même sort.


 Peter Dale Scott
Ancien diplomate canadien et professeur à l’université de Californie

http://voltairenet.org/article167734.html 

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