Du MALG au DRS
Histoire des services secrets algériens
Au moment de la sortie de L'Algérie des généraux (Max Milo, 2007), une des critiques faite par certains journalistes est que le livre ne consacre pas un seul chapitre aux services secrets, pire encore on m‘a fait remarqué que dans l'organigramme réservé aux différentes successions à la tête de la hiérarchie militaire il manquait celle des services secrets.
La réponse est toute simple, c'est que cette institution ne peut être abordée en un chapitre. Je crois qu'il lui faut réserver plusieurs études pour pouvoir réussir à percer le mystère de cette institution, car jusqu'à aujourd‘hui rares sont les témoignages des éléments issus des services secrets algériens. Et ceux qui l'ont fait, ils n‘ont donné que des dossiers qu'on appelle dans le jargon militaire « confidentiel défense ».
Ce qui veut dire des informations qui ne présentent pas en elles-mêmes un caractère secret mais dont la connaissance, la réunion ou l'exploitation peuvent conduire à la divulgation d‘un secret intéressant la défense nationale et la sureté de l'Etat. Parmi les rares personnes qui ont osé donner quelques éléments de dossiers « secret défense », il y a le général Nezzar, par rapport aux événements de 1992 dans son livre témoignage, le lieutenant-colonel Semraoui (ancien bras droit du numéro un du contre espionnage Smaïn Lamari), sur la création du Groupe islamique armé (GIA) par les services secrets algériens et le témoignage de Hicham Aboud, chef cabinet de Betchine patron de la Sécurité militaire (SM) entre 1989 et 1990, sur l'assassinat de Mecili à Paris. Tandis que par rapport à des dossiers « très secret défense », aucun témoignage de militaire appartenant aux services secrets algériens, ni à sa tutelle n‘a été fait à ce jour. Mais ceci ne peut empêcher l'écriture d'un livre à partir d'une étude scientifique et académique pour comprendre cette institution.
Ce qui veut dire des informations qui ne présentent pas en elles-mêmes un caractère secret mais dont la connaissance, la réunion ou l'exploitation peuvent conduire à la divulgation d‘un secret intéressant la défense nationale et la sureté de l'Etat. Parmi les rares personnes qui ont osé donner quelques éléments de dossiers « secret défense », il y a le général Nezzar, par rapport aux événements de 1992 dans son livre témoignage, le lieutenant-colonel Semraoui (ancien bras droit du numéro un du contre espionnage Smaïn Lamari), sur la création du Groupe islamique armé (GIA) par les services secrets algériens et le témoignage de Hicham Aboud, chef cabinet de Betchine patron de la Sécurité militaire (SM) entre 1989 et 1990, sur l'assassinat de Mecili à Paris. Tandis que par rapport à des dossiers « très secret défense », aucun témoignage de militaire appartenant aux services secrets algériens, ni à sa tutelle n‘a été fait à ce jour. Mais ceci ne peut empêcher l'écriture d'un livre à partir d'une étude scientifique et académique pour comprendre cette institution.
Pour la plupart des citoyens algériens, les services sont synonyme d'arrestations arbitraires, de tortures, de disparitions, de coups d'Etat, d'assassinats, mais aussi de gros complot contre l'Etat déjoué, d'arrestations des intouchables…
D'ailleurs qu'on parle de la Sécurité militaire même si aujourd'hui elle s'appelle Département du renseignement et de la sécurité (DRS), c'est surtout pour faire référence à quelques grosses affaires telles : le coup d'Etat contre Ben Bella, l'assassinat de Boudiaf, de Krim, de Khider…
Ce travail est une contribution qui vise à lever le voile sur cette institution et de casser l'un des tabous qui terrorise encore l'écrit algérien.
Le livre comporte une partie historique de l'institution depuis sa création à aujourd'hui ainsi une biographie des principaux chefs qui se sont succédés à la tête de cette institution et aussi ses relations avec certains services de pays étrangers.
La deuxième partie est consacrée aux services intérieurs et le rôle que jouent les services dans le politique depuis sa création, quelques gros scandales ou l'implication des services algériens ou certains de ses éléments sont avérés ainsi sa relation avec le reste de l'institution militaire.
La troisième partie est consacrée essentiellement aux assassinats politiques, depuis Abane jusqu'à Hachani.
La quatrième partie est consacrée à l‘implication des services secrets en général, et extérieurs en particulier, dans certains scandales et mensonges d'Etat (scandales financiers, banditisme international, terrorisme…) ainsi que leurs infiltrations de certains mouvements nationalistes à l'étranger…
Abdelhamid Brahimi, l'ancien premier ministre sous Chadli, dit dans son livre Aux origines de la tragédie algérienne (Hoggar, 2000), concernant les services de sécurité : « Au cours des décennies 1960 et 1970, le régime utilise les services de sécurité pour asseoir et conforter son autorité avec un mépris absolu de l'intérêt général et de la transparence. La décennie 1980 assiste au renforcement du rôle des services de sécurité qui s'acheminent allégrement vers l'autonomie. Cette étape est décisive et a permis notamment à la sécurité militaire de jouer un rôle très actif dans le coup d'Etat de janvier 1992 avant de s'emparer du pouvoir à son profit et à celui de l'armée ».
Enfin je termine cette introduction par cette citation populaire :
« Aussi longtemps qu'il y a des gens qui s'estiment au dessus de la
loi que ce soit dans l'appareil militaire ou civil, aussi longtemps que ces personnes s'estiment dans leur droit de tracer des lignes rouges pour les politiques et de les choisir selon leur modèle, alors le peuple a le droit de se révolter contre ces personnes pour instaurer la justice et faire cesser la hogra ».
En 1963, Boudiaf disait : « Il n'est pire humiliation humaine que d'accepter l'arbitraire le plus criant sans réagir ».
3— RELATIONS DES SERVICES SECRETS
ALGÉRIENS AVEC LES AUTRES SERVICES
L‘existence des relations entre les services secrets dans le monde est chose courante. Loin des politiques officielles, des éléments de deux services ennemis peuvent se rencontrer et échanger des informations, si la sécurité et la stabilité des deux pays dépendaient de ces informations. Mais l‘échange d‘information ne veut pas dire une sous-traitance. Mais c‘est malheureusement ce que font la majorité des agents des services secrets du tiers monde aujourd‘hui avec les services occidentaux. Certains de ces éléments sont répertoriés comme indics, et aux meilleurs cas comme agents doubles.
S‘il y‘a un domaine ou les espions algériens excellent plus que tout les autres espions de la planète c‘est bien d‘être délateurs (pour certains sous traitants) au service du plus offrant des services occidentaux. On verra plus loin comment nos galonnés se font rémunérer sur certains dossiers ultrasensibles tels l‘affaire Farewell, les vols de la CIA, Carlos… et surtout Alliance Base, une structure qui compromet la souveraineté nationale.
Pour libérer leurs mémoires du fardeau de la haute trahison, nos responsables analphabètes parlent de coopération bilatérale entre les services. Bien sûr, ils oublient de parler des petites enveloppes remplies de billets vert qui font partie du service après vente. Ou alors comment peut-on arriver à expliquer toute la richesse extérieure de ces responsables en sachant que le meilleur d‘entre eux ne peut dépasser un salaire de 900 euros par mois (parole d‘un général algérien répondant à une question d‘un journaliste en 2004).
C‘est ainsi que comptent expliquer ces responsables aux générations futures à travers les livres d‘histoire comment un pays d‘un million et demi de martyrs sous-traite l‘information de ses citoyens (dangereux) aux services étrangers. Beaucoup d‘anciens responsables des services étrangers rendent hommage aujourd‘hui dans leur « Mémoires » à leurs collègues algériens pour leur disponibilité à fournir tous les renseignements voulus sur un citoyen algérien dans les plus brefs délais. Et ceci au moment où d‘autres nations souveraines font la guerre en tuant des milliers d‘innocents rien que pour récupérer un de leurs soldats tombés entre les mains des combattants ennemis.
Certes l‘Algérie mérite mieux. Mais en sachant que cette manie de soumission à l‘autre est présente dans une bonne partie de l‘intelligentsia algérienne (hommes politiques, journalistes, écrivains, cinéastes, musiciens, universitaires…), le proverbe « on est gouverné que par les dirigeants qu‘on mérite » est adéquat à la situation algérienne.
Dans ce chapitre les relations des services algériens avec les services soviétiques/russes, français, américains et israéliens seront traitées. Par manque d‘information, les relations avec d‘autres services tels les services chinois, allemands, etc. ne seront pas abordées.
3.1— Le KGB
Le 13 janvier 1956, Molotov déclare à l‘ambassadeur de France à
Moscou que pour l‘URSS, l‘Afrique du nord est un probleme
français. Cette position a été toujours la position officielle de l‘Union soviétique sur l‘Algérie jusqu‘en 1960. D‘après M. Wall, Kroutchev aurait déclaré au début de 1960 à De Gaulle qu‘il pouvait l‘aider à un règlement du problème algérien et qu‘il préférait que l‘Algérie reste aux Français, sinon les Américains prendraient leur place et ça serait pire.
Après l‘échec des pourparlers à Melun, Ferhat Abbas, président du GPRA, préconisait dans un rapport de politique générale d‘insérer le combat dans la Guerre froide pour accélérer le processus de l‘indépendance. Ainsi, en été 1960, il a effectué un voyage en Chine où il a récolté d‘énormes fonds.
La CIA joue la carte de Bourguiba pour éviter ce rapprochement avec le bloc de l‘Est. Le 8 octobre 1960, l‘URSS reconnait officiellement le GPRA. C‘est au cours de cette période qu‘un groupe d‘étudiants qui a rejoint la révolution en 1956 sera envoyé en formation au KGB. La promotion sera appelé Tapis Rouge25. C‘est Vadim Kirpitchenko qui s‘occupera de la formation de ces jeunes espions. Parmi les célèbres élèves de cette promotion il y a Kasdi Merbah, le futur patron de la sécurité militaire durant 17 ans. Au contact du KGB, ils apprendront l‘espionnage, la lutte contre les dissidents, les actes de terrorisme à l‘étranger, les écoutes téléphoniques, le sabotage économique, le contrôle des médias et du politique ainsi que la manipulation des archives… Mais ils apprendront aussi comment se procurer les meilleures informations pour anticiper et éviter les menaces de l‘adversaire et surtout analyser afin de vaincre.
Quelques années plus tard, des relations solides lieront certains de ces instructeurs du KGB et certains responsables de la Sécurité militaire. La première grande implication des agents du KGB dans la Révolution algérienne pour discréditer la CIA intervient en avril 1961 quand ils réussirent à faire passer dans le quotidien Paese Sera, un article selon lequel certains agents de la CIA ont apporté leur soutien au putsch des généraux. Un article repris par Le Monde. Vu le caractère exceptionnel de l‘affaire, Dulles a été poussé à faire un démenti. Après l‘indépendance, les experts militaires soviétiques prendront en charge la formation des militaires algériens. En contre partie les Soviétiques ont reçu l‘accord d‘investir dans la sidérurgie, le pétrole et le gaz (création de l‘Institut algérien du pétrole et du gaz et une aide pour la construction d‘une usine sidérurgique). Le 8 novembre 1964, Boumediene, ministre de la Défense, vice- président du Conseil participe à une réception donné à l‘ambassade de l‘URSS à Alger à l‘occasion de la Révolution d‘octobre. La réception est donnée par le tout nouvel ambassadeur soviétique en Algérie Nicolas Pigov. Le 12 mars 1965, il y a eu le départ de 250 élèves officiers algériens pour Moscou afin d‘effectuer une formation technique. Le 23 avril 1965, une importante délégation militaire conduite par Boumediene arrive à Moscou. Elle séjournera jusqu‘au 11 mai. Devant ce fait, Ben Bella, qui se méfiait de plus en plus de son ministre de la Défense, dépêchât une délégation du parti (proche de lui) à Moscou pour espionner ce déplacement. Deux jours après le coup d‘Etat, Boumediene a dépêché Ben Yahia à Moscou pour rassurer les Soviétiques. Il a été reçu par Brejnev, Gromyko et Kossyguine. Ben Yahia était l‘ambassadeur de l‘Algérie en URSS depuis l‘indépendance avant qu‘il ne soit nommé quelques jours avant le coup d‘Etat à Londres. Le 20 juillet 1965, suite à un rapport favorable du KGB, le parti communiste et le gouvernement soviétique réaffirment leur satisfaction dans les liens amicaux soviéto-algériens. Le 13 décembre 1965, Boumediene effectue une visite d‘une semaine en URSS26.
L‘année 1967 marquera le grand tournant dans la relation entre la Sécurité militaire Algérienne et le KGB. Au cours de cette année, Vadim Kirpetchenko devient le directeur du département Afrique au sein du KGB. Au mois de mars, suite à des rapports d‘agents du KGB faisant état d‘une guerre prochaine inévitable entre Israël et les Arabes, Brejnev annule un voyage en Algérie. Boumediene a vite compris que l‘URSS ne veut pas s‘impliquer avec des régimes non surs. En outre, l‘un des hauts responsables des moukhabarates égyptiennes et conseiller de Nasser, également agent du KGB, adresse des rapports rassurants sur une victoire écrasante des armées arabes. Le 16 mars, Boumediene organise une réception à l‘honneur des coopérants se trouvant en Algérie. Une réception ou tous les espions accrédités en Algérie ont été invités, une façon de tester la température. Après la débâcle des armées arabes en général et de l‘armée égyptienne en particulier devant l‘armée israélienne au bout de six jours, Boumediene dénonce la capitulation de l‘Egypte. La SM, à travers le FLN, organise des marches populaires ou les manifestants traitent Nasser de lâche et crient à la trahison de l‘URSS. Après l‘annonce le 6 juin de la rupture des relations diplomatiques avec les ETATS-UNIS, Brejnev dépêche son agent spécialiste du monde arabe Evgueni Primakov à Alger. Quelques jours après, fin juin, la CIA veut se débarrasser d‘un agent devenu très gênant en Afrique. Elle monte un coup digne des films de James Bond. Sachant que la SM algérienne, un des alliés du KGB en Afrique, aimerait bien venger un ancien camarade. Elle monte un scénario avec un agent des services de Mobutu, Francis Bodeman, que la SM considérait comme un de ses sous-marins. Au début des années 1960 Lumumba président pro soviétique du Congo a été renversé par la CIA. Il a été remplacé par le chef des Katanga Moise Tshombé. Lumumba a été assassiné à coups de pierres par les partisans de Tschombé. Le 1er juillet 1967, l‘avion transportant Tshombé est détourné par Francis Bodeman sur Alger.
A l‘aéroport militaire de Boufarik, Tschombé est arrêté par la Sécurité Militaire27. À ce moment tout le monde considérait que le KGB était derrière ce détournement. Le 19 juillet, Tschombé comparait devant la chambre criminelle de la Cour suprême d‘Alger. Le 21 juillet, se rendant compte du cadeau empoisonné de la CIA qui risquait de nuire à la relation avec le KGB, la Cour d‘Alger donne un avis favorable à l‘extradition de Tshombé. Une décision qui ne sera jamais exécutée. Tshombé mourra quelques années plus tard d‘une crise cardiaque dans une prison algérienne28. Ainsi la CIA lâche son élément au profit d‘un autre déjà au pouvoir au Congo, à savoir Mobutu. Avec deux chefs se disputant une même chaise, la CIA a choisi celui qui l‘occupe déjà. Ce qui a fait dire à certains analystes que la CIA était de mèche avec la SM. Le 7 novembre 1967, quand l‘AFP a annoncé que la justice espagnole a classé l‘affaire de l‘assassinat de Khider, la rumeur n‘a fait qu‘amplifier la participation de la CIA dans l‘affaire de l‘exilé de Madrid. En juillet 1967, l‘Algérie a reçu l‘assurance des dirigeants soviétiques que Moscou allait s‘occuper de la réorganisation des armées arabes et de leur réarmement. En décembre 1967, lors de la tentative de coup d‘Etat mené par le chef d‘état-major le colonel Zbiri, après le refus des aviateurs algériens de bombarder des unités algériennes, les instructeurs soviétiques ont reçu l‘ordre de bombarder les unités mutinées en faisant même des morts chez les civils. Kirpitchenko ne pouvait se permettre de lâcher Boumediene au moment où il était chargé d‘organiser et de financer la rébellion africaine. En juillet 1968, le journal tunisien L’Action annonce l‘installation des bases soviétiques en Algérie. Deux jours plus tard El Moujahid, organe officiel, dément. Le 15 juillet 1968, le ministre de la Défense de l‘Union soviétique, le maréchal Gretchko, effectue une visite officielle en Algérie. En aout 1968, l‘Algérie s‘oppose aux Nations unies de faire condamner l‘URSS suite aux événements de Prague. La presse algérienne commente ses événements à partir du communiqué de l‘agence de presse officielle soviétique TASS. Le 25 aout, le chargé d‘affaire tchécoslovaque conteste cette version des faits. Suite au détournement de l‘avion israélien sur Alger, Boumediene charge Oussedik, ambassadeur de l‘Algérie à Moscou, de remettre un message à Brejnev. Le 31 aout, Boumediene reçoit l‘ambassadeur soviétique à Alger. Le même jour l‘Algérie remet les sept membres d‘équipage et les cinq passagers à la Croix-Rouge. Une nouvelle campagne est menée dans la presse occidentale sur l‘installation d‘une base soviétique à Mers El Kébir. Devant l‘ampleur de la campagne, Réda Malek, l‘ambassadeur algérien à Paris, dément. Mais l‘arrivée d‘une délégation d‘officiers généraux soviétiques à Alger le 15 octobre n‘ont fait qu‘amplifier cette rumeur. Ce qui fera sortir la presse soviétique de son silence le 23 octobre pour apporter un démenti officiel des autorités soviétiques29. Ceci fera dire à plus d‘un spécialiste qu‘une guerre de communiqués entre agences d‘espionnage se jouait à ce moment là à travers la presse. Boumediene rencontre le 8 janvier 1969 au ministère de la Défense, en présence de hauts cadres militaires, l‘ambassadeur de l‘URSS et Popovitch membre de la présidence du parti communiste yougoslave. La réunion du 13 février entre les experts algériens et soviétiques alimentera, quelques mois après, une nouvelle campagne sur la présence des bases soviétiques en Algérie. Le Daily Telegraph affirmait au mois juillet 1969 que l‘URSS aurait transféré ses bombardiers et ses missiles de l‘Egypte vers l‘Algérie. Malgré ces apparences journalistiques, les espions jouaient plus au poker menteur afin de connaitre la vérité. En 1969, la coopération militaire entre l‘URSS et l‘Algérie marquera le pas. Puis l‘année suivante sera le début d‘un recul de cette coopération. En 1971, Chabou sera assassiné le jour où il devait rencontrer une délégation soviétique. La délégation était conduite par le général Kiroutchine, l‘homme chargé de l‘instruction et la formation des parachutistes algériens. Plusieurs facteurs entreront en jeu dans cette degradation des relations entre les deux pays tels la concurrence du gaz soviétique, le non achèvement de certains projets par l‘URSS. Mais le facteur le plus important c‘est que le KGB commençait à douter de la sincérité algérienne dans cette coopération militaire. Il faut ajouter à cela le fait que la France commençait à reprendre une certaine place en Algérie, surtout après que les deux pays ont trouvé une solution à la crise pétrolière. Le KGB doutait surtout de certains proches du président algérien répertoriés comme agents sous-traitants de la CIA et de la DST.
C‘est dans cette froideur des relations que le KGB chargera le numéro deux du Parti communiste français (PCF) dans les années 1970 Gaston Plissonier à récupérer des rapports d‘une taupe dans l‘entourage de Boumediene30. Lors de la maladie qui couta la vie à Boumediene en décembre 1978, le KGB a réussi à garder le secret de la maladie jusqu‘au transfert de Boumediene sur Alger. Le début des années 1980 et l‘affaire Farewell marquera la fin de cette coopération entre la SM et le KGB. En 1981, l‘attaché militaire algérien à Moscou
découvre la collaboration du lieutenant colonel Vetrov, agent du KGB, avec les services français. Il sous-traitera son silence avec la DST lors d‘un passage à Paris. C‘était le début de ce qui s‘appellera l‘affaire Farewell, mais aussi celle de l‘ère du désordre en Algérie avec l‘arrivée des DAF au pouvoir. Le KGB disparaitra avec la chute du mur de Berlin et la fin de l‘Union soviétique. L‘arrivée de Poutine et de Bouteflika à la tête des deux Etats vont essayer de relancer ces relations à partir des années 2000. Mais le monde n‘est plus comme il était dans les années 1960. Certes la Russie est redevenue le premier fournisseur en armes de l‘Algérie. Mais plusieurs officiers supérieurs algériens sont plus pour un rapprochement avec l‘Occident.
3.2— La DST et la DGSE
Pour rappel, c‘est lors de la restructuration des services français en
1982 que le Service de documentation extérieure et de contre- espionnage (SDECE) est devenu Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).
En début 1954, suite à des informations fournies par des éléments sous-traitants de la DST dans le milieu immigré algérien, la DST demande une autorisation pour le plan « Siroco ». Ce plan prévoyait d‘arrêter des éléments soupçonnés de stocker des armes pour déclencher un mouvement armé en Algérie. La réponse des autorités françaises fut que les rapports de la DST étaient alarmistes. Après le début de l‘insurrection armée en novembre
1954, les Français considéraient que les Algériens étaient incapables à eux seuls de mener une insurrection armée. L‘Egypte de Nasser était pointée ainsi du doigt. C‘est dans ce contexte que la SDECE a mené une opération spectaculaire à l‘intérieur de l‘ambassade d‘Egypte à Paris où elle a pu récupérer toute les archives de l‘ambassade. Ayant les preuves de l‘implication de l‘Egypte, la France profitera de la crise de Suez pour déclencher avec la Grande Bretagne et Israël une expédition punitive contre l‘Egypte en 1956. Après le déclenchement de la Guerre d‘indépendance, la DST et les Renseignements généraux (RG) dirigèrent une grande partie de leurs enquêtes dans le milieu immigré algérien. En 1958, ils réussiront à démanteler deux grands réseaux de la Fédération de France et interpeller un grand nombre de militants. Mais ces deux services buteront sur l'OS, bras armée de la Fédération. Ils seront même poussés au ridicule quand la « spéciale » exécutera Chekal au stade Colombe en 1958, alors qu‘il était assis juste à côté du président Cotty. Jusqu‘à 1961, ni la DST ni les RG ne réussiront à identifier Bouaziz comme chef de la « spéciale ». Plus pire encore, ils découvriront que la spéciale a réussi à les infiltrer. Malgré cela, la plus grande bataille se jouera entre la SDECE et les services du FLN (RLC, SSP, MARG, MLGC, avant que tous ces services ne soient regroupés à partir de la fin 1957 sous le nom du MALG). Plusieurs actions seront menées par la SDECE. La première est « l‘oiseau bleu », une opération d‘infiltration des maquis par une unité d‘élite de Harka. La deuxième opération est celle mené par le capitaine Leger, un ancien de la SDECE, avant d‘intégrer les DPU.
Il organisa l‘opération « Bleuite ». Une opération d‘intox faisant
croire que les maquis ont été infiltrés par des agents français sous le couvert du ralliement des étudiants à la cause révolutionnaire. En
réalité, cette opération servait de couverture à une vraie opération d‘infiltration qui débuta à partir de l‘été 1957, plus connue sous le nom de « la promotion Lacoste ». Mais les plus grandes opérations étaient celles menées par le Service Action de la SDECE sous le couvert de l‘organisation « Main rouge ». La « Main rouge » se spécialisera à travers des renseignements récupérés par ses éléments par la torture (des officiers de la SDECE ont intégré les Détachements opérationnels de protection (DOP) puis les Dispositifs de protection urbaine (DPU)) pour éliminer des réseaux de soutien en Algérie ou en Europe. Elle s‘appuiera aussi sur des informations recueillies chez certains services tel le Mossad ou chez des diplomates arabes soudoyés pour intercepter des cargaisons d‘armes destinées aux maquis ou pour avoir des informations sur certains responsables du FLN. Le MALG réussira à identifier et à éliminer des cibles sensibles qui servaient d‘informateurs à la SDECE. Les « Malgaches », malgré les moyens colossaux utilisés par les agents de la SDECE, réussiront à déjouer cette surveillance. Ils implanteront une base de transmission des plus sophistiquées au Maghreb. Ils feront débarquer sur les plages de Tanger des dizaines de milliers d‘armes non interceptées par les agents français. Cette guerre sans merci entre les deux services continuera après l‘indépendance. Le courant entre la Sécurité militaire algérienne et la SDECE a été toujours électrique.
En octobre 1962, après l‘indépendance, la « Main rouge » sera citée dans l‘accident de l‘avion du magnat du pétrole italien Enrico Mattei31 dans le nord de l‘Italie. Le nabab du pétrole était proche de certains responsables du FLN. L‘accusation est portée par un ancien de la SDECE refugié aux Etats-Unis. Mais la SDECE a toujours nié avoir été derrière cet assassinat. Pire, elle impute cet assassinat à la CIA via la mafia italienne.
3.4— Le Mossad et les mercenaires33
A travers leurs relais de propagande, les services secrets algériens ont toujours essayé de faire croire aux Algériens que l‘Algérie sera le dernier pays arabe et musulman qui normalisera ses relations avec Israël, et que l‘Etat algérien n‘entretient aucune relation avec l‘Etat hébreu. Historiquement, le Mossad est un service qui a combattu aux côtés des services français la révolution algérienne. Il a été d‘un appui considérable au SDECE durant la guerre de libération. Cette guerre entre les services israéliens et algériens a continué sous l‘ère de Boumediene.
Malgré les nombreux démentis des officiels algériens, tout porte à croire que ces personnes n‘assument pas leur responsabilité. Certains témoignages, dont celui de l‘ancien ambassadeur d‘Israël en France, montrent avec exactitude l‘existence de ses relations, mais le témoignage le plus encombrant vient de l‘ancien golden boy Rafik Khalifa qui confirme l‘existence de ces relations au plus haut sommet de l‘Etat. Dans une interview qu‘il a accordée au journal Le Figaro et à la question : « Avez-vous travaillé pour la présidence ? », il répondit : « Les carences de l‘Etat étaient telles que le groupe devait se substituer à l‘Etat (…) Abdelaziz Bouteflika m‘a demandé de l‘aide à propos de plusieurs dossiers, comme les contrats d‘achats d‘armes à l‘étranger, d‘achat de voiture blindées sur recommandation en Israël ou des questions d‘image et de communication aux Etats-Unis… ».
Malgré le manque de renseignement sur le comment et sur la façon, le MAOL indique sur son site Internet la manière et les personnes impliquées. Une longue liste de mercenaires qui travaillent pour le DRS sont cités. Des mercenaires qui sont payés entre 8000 et 10000 euros par mois d‘après le témoignage de Franck Hugo et Philipe Lobjois dans un livre intitulé Les mercenaires de la république. Parmi ces mercenaires, le Centre de recherche sur le terrorisme donne des CV détaillés de trois d‘entre eux. Il s‘agit d‘Uri B., Emanuel D. et Stephan D. Deux sont de nationalité sud- africaine et un a une double nationalité (sud-africaine et israélienne). Jusqu‘en 1998, les trois mercenaires ont travaillé pour la société sud-africaine Executive Outcomes. Après la dissolution de cette société par la justice sud-africaine pour son implication dans de nombreuses affaires douteuse sur le continent africain, les trois personnes ont trouvé refuge en Algérie.
Le commandant Emmanuel D., ancien officier du renseignement sous le régime de l‘apartheid, aurait été chargé de la collecte des renseignements sur les réseaux islamistes dans le monde. Il aurait été derrière une réunion de travail entre les services israéliens et algériens en Italie. Le capitaine Stephan D., ancien officier du contre-espionnage sud-africain, est présenté comme un spécialiste de la torture dite « scientifique ». Il est proche du général Tartag. Enfin, le commandant Uri B., ancien officier de l‘armée sud- africaine, a aussi la nationalité israélienne. Il aurait effectué des achats d‘armements pour l‘armée algérienne chez les Israéliens. Il supervise les entrainements des forces spéciales à Biskra. Il est considéré comme proche de l‘ancien ambassadeur algérien en Afrique de Sud.
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