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Le Pakistan entre dans la danse, Sarkozy panique car Rafick Hariri est le noeud coulissant utilisé pour le neutraliser et le soumettre, ce qui est fait. Il joue sa survie politique, le 17 Decembre 2011 en point de mire

Par Mediapart.fr, 


 
Le marchand d'armes Ziad Takieddine a bien prélevé sa dîme sur la vente des sous-marins français au Pakistan. Il le niait farouchement jusqu'à aujourd'hui. Mais la preuve, résultat des nombreuses investigations bancaires des magistrats chargés du volet financier de l'affaire Karachi, est arrivée du Liechtenstein.
Selon une commission rogatoire internationale revenue de Vaduz, que Mediapart a pu consulter, M. Takieddine a reçu 28,5 millions de francs (4,3 M€) sur l'une de ses sociétés, Fitzroy Estates Ltd, en marge du contrat Agosta de vente de trois sous-marins à Islamabad en 1994. Il s'agit de l'un des marchés conclus sous les auspices du gouvernement d'Edouard Balladur et aujourd'hui suspects aux yeux de la justice.
 

L'essentiel de l'argent – 24 millions de francs – a été encaissé par M. Takieddine le 13 février 1995, trois mois avant le premier tour de l'élection présidentielle, comme en témoigne le relevé de comptes ci-dessous. Le reste a été perçu entre mai et juillet 1996.
 
 
 
La société Fitzroy reçoit ainsi sa dîme de la principale société-écran, Mercor, qui servait de paravent aux intermédiaires dans le contrat Agosta. Or, Fitzroy, sur laquelle ont transité d'autres montants substantiels, a aussi été propriétaire, entre 1995 et 1998, de la maison londonienne de M. Takieddine.
Mis en examen en septembre pour «complicité et recel d'abus de biens sociaux» dans le dossier des ventes d'armes au Pakistan et en Arabie saoudite, et, dans un dossier connexe, pour «faux témoignage», Ziad Takieddine est soupçonné d'avoir été le pivot d'un système de financement occulte du camp de l'ancien premier ministre Edouard Balladur, et de sa campagne présidentielle.
«Je n'ai rien à voir avec le Pakistan, je n'ai rien à voir avec des contrats et commissions», répétait encore M. Takieddine le 2 novembre, devant la presse, à la sortie d'une audition avec le juge Van Ruymbeke. Les faits, pourtant, sont là, et lui ont été clairement exposés par le magistrat.
 
© Reuters
 
Chargés d'enquêter sur l'homme d'affaires depuis décembre 2010, les juges ont entrepris de reconstituer l'écheveau du montage financier du contrat Agosta, dont la complexité avait précisément pour objectif de brouiller les pistes et d'effacer les traces compromettantes. En vain.
 
L'enquête montre désormais, documents à l'appui, que l'argent noir du marché Agosta a transité par de nombreuses sociétés implantées dans plusieurs pays – le Luxembourg, l'île de Man, le Panama, le Liechtenstein et Jersey –, qui sont autant de paradis fiscaux, avant d'atterrir, en partie, sur les comptes personnels du marchand d'armes.

Takieddine : « Oui, c'était l'une de mes nombreuses sociétés »

Les flux financiers qui conduisent à Ziad Takieddine peuvent se décomposer en quatre séquences. Quatre mouvements d'une même opération que les magistrats qualifient “d'abus de biens sociaux”.
1) La Direction des constructions navales (DCN), entreprise d'Etat qui construit les sous-marins vendus au Pakistan, verse une enveloppe de commissions – 200 millions de francs pour la seule année 1994 – à une société-écran basée au Luxembourg, Heine. C'est cette société dont Nicolas Sarkozy, ministre du budget du gouvernement Balladur, aurait supervisé et validé la création,selon un rapport de janvier 2010 de la police luxembourgeoise.
  • 2) La coquille Heine reverse l'essentiel des sommes à une deuxième société-taxi, Formoyle, domiciliée cette fois sur un confetti, l'île de Man.
  • 3) L'argent repart vers une société panaméenne baptisée Mercor, gérée par un avocat suisse et dont l'ayant-droit économique est Abdul Rahamn El-Assir, l'associé de Ziad Takieddine dans les ventes d'armes. L'argent est déposé sur un compte ouvert au Liechtenstein à la VP Bank.
  • 4) Mercor opère plusieurs virements vers une société contrôlée par Ziad Takieddine, Fitzroy Estates, qui détient un compte bancaire à Jersey, dans les îles anglo-normandes.  




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Le marchand d'armes est le «bénéficiaire économique» de Fitzroy et il ne le conteste pas. «Oui, c'était l'une de mes nombreuses sociétés», a-t-il reconnu lors de son audition, le 19 octobre. Mais Ziad Takieddine a tenté de faire croire au magistrat que l'argent en question correspondait à ses prestations dans un autre marché d'armement qui intéresse la justice, le contrat Sawari 2 avec l'Arabie saoudite.
 
«Ces paiements n'ont rien à voir avec l'Arabie saoudite», a sèchement rétorqué le juge durant l'audition. «Vous avez déclaré n'avoir joué aucun rôle au Pakistan, ni avant, ni durant, ni après le contrat Agosta. Comment expliquez-vous que votre nom apparaisse à de multiples reprises lors des négociations liées à ce contrat?», a insisté M. Van Ruymbeke.
 Sans explication convaincante, M. Takieddine a réaffirmé qu'il était étranger au contrat pakistanais.
 
Mais son ex-femme, Nicola Johnson, a récemment livré aux policiers une anecdote ­– à ce jour jamais rendue publique – qui confond un peu plus le marchand d'armes sur le Pakistan.

Le marchand d'armes, le yacht et Benazir Bhutto

Interrogée pendant plusieurs heures, le 30 août, par les enquêteurs de la Division nationale des investigations financières (Dnif), Mme Johnson a raconté comment son mari, ancien directeur de la station de ski Isola 2000, est parvenu à s'immiscer dans les négociations des ventes d'armes du gouvernement Balladur, entre 1993 et 1995, grâce à une double connexion amicale.
 
 
Nicola Johnson.Nicola Johnson.© Hugo Vitrani
Ziad Takieddine s'est appuyé, d'une part, sur sa proximité avec François Léotard, ministre de la défense sous Balladur, et, d'autre part, sur son amitié avec un ancien camarade d'université de Beyrouth, le marchand d'armes Abdul Rahman El-Assir.
 
 
« C'est M. El-Assir qui a mis Ziad dans le circuit de ces contrats. C'est à partir de début 93-94 que j'ai vu les premiers hommes politiques venir à la maison », a-t-elle indiqué.
Parmi les fréquentations politique de l'époque de Ziad Takieddine, il y a notamment Renaud Donnedieu de Vabres (conseiller spécial du ministre de la défense), Thierry Gaubert (membre du cabinet de Nicolas Sarkozy au budget), Nicolas Bazire (directeur de cabinet d'Edouard Balladur à Matignon). Les deux derniers, intimes de Nicolas Sarkozy, sont actuellement mis en examen par le juge Van Ruymbeke.
 
L'ex-femme du marchand d'armes a ensuite confié des souvenirs qui semblent confirmer la participation de Ziad Takieddine aux pourparlers de vente des sous-marins pakistanais. « C'est à cette époque, s'est-elle souvenue, que Ziad s'est déplacé avec M. El-Assir à Islamabad voir Benazir Bhutto et son mari, Asif Zardari. »
La première fut chef du gouvernement pakistanais au moment de la signature du contrat Agosta ; le second, son époux, marié à la faveur d'un mariage arrangé, a été l'un des hommes politiques pakistanais les plus corrompus dans ce dossier,comme le démontrent de nombreux éléments aujourd'hui entre les mains de la justice.
 
Mieux, Nicola Johnson a précisé : « Personnellement, j'ai rencontré Asif Zardari sur le yacht que El-Assir avait loué. C'était dans le courant de l'été 1994. Ce bateau était à Antibes. Ce bateau s'appelait Rosenkavalier. J'ai cru comprendre que M. Zardari était l'invité de M. El-Assir. »
 
 
Le RosenkavalierLe Rosenkavalier
 
« J'ai rencontré Benazir Bhutto et son mari Asif Zardari à Paris lors d'une visite officielle, en août ou septembre 1994, a tout de même admis M. Takieddine devant le juge. J'étais allé accompagner M. El-Assir, à sa demande, pour une visite de courtoisie. Je pense que cette rencontre a eu lieu à l'hôtel Crillon. C'est la première fois que je les rencontrais. » « M. El-Assir a bien loué un bateau, Rosenkavalier, mais que j'ai rencontré M. Zardari sur ce bateau, non », a-t-il contesté.
 
D'après l'enquête judiciaire, c'est précisément au mois de juillet 1994 que Ziad Takieddine et son associé El-Assir ont été imposés par le gouvernement Balladur dans les négociations du contrat Agosta, alors déjà bouclé.

Le contrat et les agendas qui accusent

En France, plusieurs témoins ont expliqué aux policiers le détail des interventions de Ziad Takieddine dans les négociations du contrat Agosta. Ancien vice-président de la DCN-I, la branche commerciale de la DCN, Emmanuel Aris n'a pas hésité, par exemple, à amener aux enquêteurs la copie de ses agendas de l'époque. A leur lecture, il apparaît qu'au printemps et à l'été 1994, c'est-à-dire dans la période même où Ziad Takieddine et son associé Abdulrahman El-Assir ont été «imposés» dans Agosta, M. Aris les rencontrait très fréquemment (voir ci-dessous un extrait de son agenda).
 
 
 
« La plupart de ces rendez-vous ont eu lieu au domicile de M. Ziad Takieddine. Ainsi, à titre d'exemple, le 8 juin 1994, j'avais inscrit son adresse dans mon agenda  à savoir “4, avenue Raymond-Poincaré” au “4ème étage”  ainsi que le code d'entrée de son immeuble: “714A9” », a même indiqué M. Aris dans un courrier adressé en juin 2010 à la justice.
Avant d'expliquer, le 16 juin 2010, les circonstances de sa première rencontre avec M. Takieddine: «Il m'a déclaré qu'il venait me voir pour le contrat Agosta Pakistan, que nous étions en train de le perdre, que les Allemands revenaient en force, que nous nous occupions mal du niveau politique, c'est-à-dire de Mme Buttho, Premier ministre, et son mari Azif Zardari. Takieddine proposait de remédier à cette lacune. Pour ce faire, il lui fallait un accord de consultant de 6% pour couvrir les deux politiques pakistanais.» 
 
Dans un mémo explosif remis aux autorités judiciaires au printemps 2008, l'ancien directeur financier de DCN-I, Gérard-Philippe Menayas, a, lui aussi, rappelé le rôle suspect de Ziad Takieddine dans le contrat Agosta et sa « proximité »d'alors avec le gouvernement Balladur.
 
« Je n'ai jamais rencontré M. Menayas, ni M. Castellan (PDG de DCN-I, la filiale commerciale de DCN - ndlr) », a juré Ziad Takieddine devant le juge Van Ruymbeke, le 19 octobre. « M. Aris est venu une fois chez moi (...) pour me parler de Sawari 2.» Seulement voilà, Emmanuel Aris n'a jamais eu à traiter du dossier saoudien Sawari 2, qui était géré par un autre organisme d'Etat, l'office d'armement Sofresa. « M. Aris est un menteur », a conclu M. Takieddine.
Mais Emmanuel Aris est allé encore plus loin et a remis à la justice la première version d'un contrat liant la sociétéoffshore Mercor et la Direction des constructions navales (DCN), contresignée par M. Takieddine. L'intermédiaire s'est défendu en prétendant que ce document était un faux et que sa signature avait été contrefaite.
 
 
R. Van RuymbekeR. Van Ruymbeke© Reuters
Une version définitive du contrat Mercor-DCN sera signée le 12 juillet 1994. Cette fois, le nom et la signature de Ziad Takieddine n'apparaissent plus, laissant place à la seule société Mercor et son représentant légal, l'avocat suisse Hans-Ulrich Ming, un proche de El-Assir. Mais grâce à une commission rogatoire internationale exécutée à Genève fin 2010, le juge Van Ruymbeke s'est fait remettre l'original du contrat, qui dormait depuis seize ans dans le coffre d'un notaire genevois, Me Pierre Natural.
 
 
La surprise fut de taille. Dans un procès-verbal daté du 3 février 2011, le juge écrit : « Constatons que sous la signature de Maître Ming figure une trace de blanco. Constatons qu'au verso de la feuille et sous le blanco apparaît le cachet de M. Ziad TAKIEDDINE. Constatons qu'il apparaît ainsi que le cachet et la signature de Maître Ming ont été surajoutés, pour s'y substituer, sur le cachet de M. Ziad TAKIEDDINE préalablement effacé par un trait de blanco. »
 
Interrogé par les autorités suisses le 27 janvier 2011 à la demande du juge Van Ruymbeke, le gestionnaire de Mercor, l'avocat Hans-Ulrich Ming, a tenu Ziad Takieddine à bonne distance de ses affaires. « Au mieux de mon souvenir, je n'ai jamais exercé de mandat pour Ziad Takieddine ni ai été engagé avec lui dans des affaires administratives ou commerciales. Par contre, je l'ai rencontré à diverses reprises avec Abdul Rahman El-Assir », a-t-il indiqué au procureur de Genève, Jean-Bernard Schmid, qui l'a auditionné.
Grâce aux investigations conduites au Liechtenstein, les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire ont désormais la preuve que Mercor avait secrètement rétribué M. Takieddine. L'enquête vise maintenant à chercher les bénéficiaires éventuels de «rétrocommissions» gratifiées par le marchand d'armes. 

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