Par Omar Mazri,
Je fus surpris de voir le site oumma faire un article
sur la décision algérienne souveraine de faire de la langue arabe la
langue de communication des partis politiques. Même si l'accadémie de
langue, l'enseignement supérieur, les discours du Président et des
Ministres laissent présager que l'Algérie s'enfonce dans
l'alpha-bétisation trilingue on restent surpris par le ton de l'article
et des commentaires qui semblent vexés que la langue de FAFA soient mise
à l'index. La logique milite pour l'Arabe langue maternelle et langue de
civilisation suivi de l'Anglais langue technique et enfin du Français
langue butin de guerre pour les uns ou langue de voisinage pour les
autres. Prendre position contre la langue Arabe est une atteinte à ce
qui reste de souveraineté d'un pays vendu par les siens. Contester le
choix des Algériens c'est se positionner idéologiquemet et
culturellement et non faire de l'information quad la langue attaquée est
celle du Qur'ân
La langue est le canevas des idées, la matrice psycho
affective, le signe symbolique qui tissent du lien social, du sens
historique, du projet intellectuel.
Le Qur’ân et la pensée musulmane posent l’équation
de la science conjuguée à la langue dans le cadre de la civilisation
qui nait de la foi et des valeurs de liberté, de justice et
d’édification que l’Islam exige comme prolongement et témoignage du
Thawhid de l’âme humaine dans la société humaine. Le Qur’ân met en
exergue l’articulation magistrale des acte civilisateurs : la foi, la
science, la technologie, la bonne gouvernance et la maîtrise de la
langue :
{Et quant il eut atteint un endroit situé
entre les Deux Barrières (montagnes), il trouva derrière elles une
peuplade qui ne comprenait presque aucun langage. Ils dirent: ‹Ô
Zul-Qarnayn, les Yajuj et les Majuj commettent du désordre sur terre.
Est-ce que nous pourrons t'accorder un tribut pour construire une
barrière entre eux et nous?› Il dit: ‹Ce que Mon Seigneur m'a conféré
vaut mieux (que vos dons). Aidez-moi donc avec force et je construirai
un remblai entre vous et eux.} al Kahf 93
Ou bien tu te civilises dans un projet global et
dynamique impliquant la langue , l’éthique, les institutions, l’exerce
de l’état de droit, la justice, la science et la maîtrise technologique
qui libère de la colonisabilité et de la colonisation ou bien c’est
l’extérieur qui va te coloniser et t’imposer sa langue et ton statut de
colonisé comme « bienfaits de la civilisation » après avoir mené toutes
les opérations pour te priver de ta liberté, de ta dignité, de ta
mémoire, de ta langue et de ton devenir. Perdant ton identité tu ne peux
vivre que l’opprimé en perspective de la grenouille ou de contre
plongée : la tête en l’air admirant la grandeur de celui qui t’a soumis,
qui te domine du haut de son arrogance et qui maîtrise sa langue et la
tienne mieux que toi tu ne maitrises la sienne.
La langue arabe la tienne, la notre, nous l’avons déjà perdue par abandon ou par confiscation de notre islamité.
La guerre contre l'islam depuis son avènement a pris
des formes multiples, militaires, économiques politiques,
colonisation, impérialisme, fétichisme, modernisme, scientisme,
progressisme et leur lot d'intégrisme et de corruption des mœurs et des
idées. En réalité ces formes ne se sont que l'expression de la lutte
contre deux convictions, deux imaginaires, deux voies : le Monothéisme
et le paganisme pluriel et protéiforme. En Méditerranée, dans sa forme
de contradiction Nord Sud elle exprime la lutte d’influence, voire
d’existence, entre la rive latine et la rive non latine, entre la rive
judéo chrétienne et la rive musulmane en passant par les Croisades du
moyen-âge, l’éradication des musulmans d’Andalousie ou la colonisation
des peuples d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
Dans cette guerre contre l'islam sans relâche une
place de choix est réservée à la lutte idéologique qui vise à empêcher
le monde musulman de produire ses idées, ses élites et de se
réapproprier l'éthique et l'esthétique de l'islam pour un développement
autonome et libéré de l'impérialisme. Le Qur’ân a averti de cette
lutte et de son caractère idéologique. L’idéologie pour nous ne signifie
pas propagande mais discours sur les idées et leur sens dans les
rapports de l’homme à Dieu, à l’homme, à la nature, à la technique, à
l’art, à l’économique, au politique, au culturel, au savoir, à la
conscience, à la société… Dès qu’il y a débat philosophique ou religieux
nous sommes fatalement impliqués dans une lutte idéologique
d’appropriation ou de négation de sens selon nos convictions, nos
intérêts et notre assise spirituelle et intellectuelle. C’est la lutte
idéologique au sens Qur’ânique :
{Nous en avons fait un Qur’ân en langue arabe, afin que vous en saisissiez le sens.} Az-Zukhruf - 3.
La bataille de sens n’est pas seulement au niveau de
la foi, de la philosophie ou de la politique elle se cache souvent
dans la lutte entre deux imaginaires, entre deux champ d’exploration du
réel et de représentation de la vérité qui forment ce qu’on appelle
l’imagination ou le potentiel d’avoir des images mentales ou encore
celui d’évoquer le virtuel ce projet qui est en devenir comme potentiel
de vie et qui ne lui manque que l’opportunité et la pertinence pour
devenir non pas réel mais actuel comme un grain blé qui peut donner un
épis de blé, une semence une génération de plants. Toute la compétence
humaine d’imaginer est de produire du sens ou de la virtualité de sens
est indissociable de sa compétence à entendre et à parler et à voir les
signes, les indices.
Le Qur’ân met en exergue cette compétence que nos
pédagogues et nos dialecticiens alignés sur l’Occident ne reconnaissent
ni dans le Qur’ân ni dans sa langue l’Arabe ni dans le sens universel
que cette langue véhicule tant sur le plan de la science que sur celui
du symbole cosmogonique:
{Dieu vous a fait naître du sein de vos
mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, la vue et
l’intelligence. Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants?} An-Nahl - 78.
Cette lutte idéologique contre l’islamité prend
dimension de bataille culturelle au sens propre de bataille, avec son
cortège funeste de ruines, de morts, de souffrances et ses proclamations
sanglantes de victoire ou de défaite. Cette bataille est menée sur
plusieurs fronts et plusieurs champs de batailles dont les plus
importants sont celui de la langue Arabe.
La bataille contre l’arabe se fait parce qu’elle est
langue du Qur’ân. Il faut bien comprendre cette vérité que nous allons
expliciter un peu plus. La lutte est contre le Qur’ân. Si le Qur’ân
avait été révélé en langue française ou anglaise la bataille aurait été
menée contre la langue française ou anglaise. Allah a dévoilé le
complot international bien avant sa manifestation historique :
{Si Nous avions révélé ce Qur’ân en langue
étrangère, on aurait objecté : «Si au moins ses versets étaient clairs
et intelligibles ! Comment? Un Qur’ân en langue étrangère pour un
peuple arabe?» Réponds-leur : «Ce Qur’ân est un guide et un baume pour
les croyants, seuls les négateurs, quand il s’agit de ce Livre, font la
sourde oreille et simulent l’aveuglement. C’est comme si l’appel qu’on
leur lance venait de trop loin pour être entendu.»} Fussilat - 44.
La bataille contre cette langue se fait contre elle
en tant que langage et parfois en tant que signe. En Turquie les
intégristes laïcistes n’ont proclamé victoire sur l’islam qu’une fois la
Turquie Kémaliste expurgée de l’alphabet arabe ait pris pari sur son
avenir en adoptant la lettre latine. Byzance reprend sa revanche contre
Mohamed al Fatah comme les néo pharisiens reprennent leur revanche
contre Babel en exterminant les Palestiniens, puis les Irakiens, dans la
même logique des Croisades, dans la même coalition contre Al Madinah…
La bataille sur le signe, le symbole et l’avenir fait rage.
Elle fait rage dans les détours de la civilisation,
de l’histoire, de la colonisation, de l’Evangélisation. En Algérie le
berbérisme et le colonialisme participent à la même logique présenter le
kabyle comme « conquérable » et assimilable à opposer à l’Arabe
considéré comme un non réceptif à la civilisation occidentale, non
assimilable à la culture française par son fanatisme religieux. On va
jusqu’à occulter le caractère sémitique et Abrahamique qui lie l’Arabe à
l’hébreu pour trouver une histoire commune (sous entendu un destin
commun) entre le Juif et le Berbère.
L’historien algérien Mahfoud Kaddache dans «
L’utilisation du fait berbère comme facteur politique dans l’Algérie
coloniale » écrit à juste titre : « Cette division Et de comparer le
Kabyle et l’Arabe, le premier autochtone, montagnard sédentaire,
sociable, professant des sentiments égalitaires, partisan de la
propriété individuelle, âpre au travail comme le paysan français, alors
que le second étranger au pays, homme des plaines, de steppes, nomade
et barbare dans l’âme, un sauvage intelligent aux mains de qui la terre
devient fatalement un désert…imbu de préjugés, aristocratique,
partisan de la communauté des terres, s’abandonnant à l’indolence de la
vie pastorale […] L’objectif diviser pour régner apparaissait avec les
premières études ; il s’agissait de ne pas courir avec le Berbère
colonisé du XIXème, le risque d’un échec comme ce fut le cas avec Rome
et le christianisme. Il ne fallait pas laisser le Berbère cramponné à
l’Islam, ni tourné vers l’Arabe, ni vers l’arabisation.»
Il poursuit citant les sources coloniales pour
montrer l’inanité de la politique de division ethnique et linguistique
entre Arabes et Berbères par la colonisation : « Si les Kabyles
étaient attachés à l’Islam, c’est à cause de la « croisade musulmane au
nom de la France par l’administration militaire » ; elle a rendu les
Kabyles « plus mahométans qu’avant la conquête» et leur a permis de se
regrouper autour des chefs religieux, de se rapprocher des Arabes dans
les différentes sectes religieuses. « L’Islamisme a donc poussé plus
profond ses racines », et les vrais principes musulmans tendent à se
substituer aux anciennes coutumes locales …
« Bref, l’assimilation avait échoué, le fossé qui
séparait les Kabyles et les Arabes paraissait comblé pour ceux qui
constataient cet échec. Est-ce à dire qu’on renonçait au mythe kabyle et
à une politique berbère fondée sur la distinction entre Arabes et
Kabyles ? Non car « le fossé reste assez large » pour qu’un habile
politique parvienne à la maintenir, au grand avantage de la domination
française […] Etablir une différence dans les signes même de la pensée,
maintenir l’antagonisme à la base ; remplacer les caractères arabes par
les caractères français, écrire la langue kabyle en caractères
français … »
Mahfoud Kaddache a eu le mérite de montrer le
caractère idéologique et religieux de la colonisation au delà du fait
colonial lui-même : « Des essais de vulgarisation, des œuvres
littéraires évoquèrent la romanisation de la Berbérie, parlèrent de la «
résurrection de l’Algérie latine » et affirmèrent la vocation
occidentale sinon latino-chrétienne du monde berbère ». Contre
cette berbéro christiano occidentalisation le peuple algérien dans
toutes ses compositions ethniques et idiomatiques se dressa comme un
seul homme derrière le savant de la Nahda algérienne le berbère
constantinois Abdelhamid Ibn Badis et son slogan : « l’Islam est notre religion, l’arabe notre langue, et l’Algérie notre patrie »
La langue est le canevas sémantique, lexical, idéique
et subjectif pour donner du sens aux signes et aux symboles, pour
communiquer sur les désirs collectifs et faire de l'idée un projet
argumenté par la parole et l'écrit sur lequel émerge l'acte de
libération, l'acte d'édification nationale, l'acte de civilisation. La
langue est l'expression de la mémoire d'un peuple, de son attention sur
son projet de civilisation et de ses attentes sur son devenir et son
espérance. Toute attaque contre une langue est une attaque contre la
conscience du peuple pratiquant cette langue, de son histoire et de son
avenir.
Pour détruire une civilisation on détruit ses
fondements linguistiques, sa langue et ce qu’elle véhicule comme
valeurs. Pour empêcher une civilisation de naitre on bloque, on corrompe
sa langue et on la laisser dériver vers le futile, l’incohérence et
l’éclatement entre des emprunts sans ligne ordinatrice. Sénèque l’Ancien
disait « Il n’y a point de vent favorable pour celui qui ne sait où
aller ». Il en est de même pour l’esprit et la langue. Les Pharisiens,
les défenseurs du Temple et les rentiers de la foi ont présenté à Jésus
des cœurs déchirés et des esprits volatils entre la langue de la
rhétorique grecque, celle de la puissance coloniale romaine et celle du
mythe de l’élection divine entretenu par les doctes et les scribes. Il
avait compris la situation en disant cette parole : « le règne de la
loi est fini c’est le règne de l’amour ». Il annonçait la fin des lois
scélérates et falsifiées et le triomphe de la cohésion d’un seul cœur,
d’une seule idée directrice.
Dans son sermon sur la Montagne, dans ce que les
Chrétiens, appellent les Béatitudes il proclamait « Bienheureux les
faibles d’esprit » pour dénoncer la confiscation des consciences et la
diversion des esprits engagés dans les débats fourvoyés par les
bienfaits de la colonisation culturelle grecque et militaro
administrative romaine. Trop dispersés dans leurs langues comme du
temps de Babel ils ne pouvaient ni se comprendre ni se fédérer autour
du Verbe de Dieu. Telle est la destinée de ceux qui prennent leur
religion comme jeu, divertissement et rhétorique : spiritus : tempête de
l’esprit au lieu d’harmonie des cœurs et cohésion des langues. Dans
ces conditions impossible de saisir le Signe divin qui appelle à
l’unité et proclame l’Unicité.
La loi Toubon en France exprime le souhait des élites
françaises de l'extrême gauche à l'extrême droite de défendre leur
unité nationale à travers l’unité de leur culture, de leur passé, de
leur place dans le monde et dans la défense de l’unité de leur langue
contre l'hégémonie culturelle, technologique et scientifique anglo
saxonne. Le colonialisme français cédant le pas devant la puissance de
feu militaire, financière et économique américaine a fait de son socle
culturel, la langue française, son bras idéologique et culturel dans le
partage du monde en se dotant d'un outil diplomatique, conceptuel,
symbolique et politique : la Francophonie. La Francité traditionnelle
est mobilisée au service de l'existence de la souveraineté de la France
dans le concert des nations impérialistes.
Le code de l'indigénat durant la colonisation
française ne visait pas seulement à peupler l'Algérie de colons
européens pour spolier ses richesses mais à éradiquer l'Islam et
l'Arabe qui font l'identité de l'Algérien comme ils font l'identité de
l'Egyptien, du Syrien, de l'Irakien, du Marocain et des autres peuples
arabes. La « pax romana » du colonisateur a consisté comme dans les
lois de César à « soumettre les superbes et à humilier les soumis ».
Elle a cherché dans ses mémoires pour trouver la même loi qui raye les
civilisations et les peuples : la division et la discorde en cultivant
l’esprit tribal hérité de la décadence musulmane, les particularismes
folkloriques et linguistiques locaux propre à chaque région : diviser
pour régner. Si le monde judéo chrétien se divise en 72 sectes opposées
les unes aux autres, l’esprit moderne colonialiste trouve l’accord pour
partager son influence linguistique, culturelle, politique, militaire
et économique en partageant le monde arabe en 73 électrons libres
sans centre, sans trajectoire, sans énergie autre que la négation et la
division à l’infini jusqu’à épuisement.
Tout ce qui existe à sa langue inscrite dans une
linguistique de l’universel et cet universel donne harmonie et concorde.
S’inscrire hors de soi, hors de sa langue, hors de ses valeurs c’est
perdre le sens de cet universel qui paradoxalement donne à chaque
différence une identité qui ne peut qu’exister qu’en contraste
s’opposant à l’autre ou se conjuguant à lui selon les lois de l’harmonie
et du rythme qui donne preuve de la vitalité sans laquelle il y a
inertie conduisant à la mort. Se confondre avec l’autre exige un amour
fusionnel partagé ou le renoncement à soi comme un sacrifice pour
maintenir en vie l’extérieur. C’est la signification sacrificielle de
l’Holocauste. La victime peut être consentante ou rebelle selon le sens
qu’elle donne à son sacrifice. Elle peut être insouciante et ainsi
perdre usage de la langue qui évoque le passé, qui exprime l’avenir, qui
témoigne du présent, qui revendique ses droits et ses devoirs et qui
invoque Celui qui a fait parler toute chose de la création dans sa
langue spécifique.
Les élites arabes, y compris les arabophones, ont
fait de l'arabité et de l'Arabe un signe de décadence, une honte
publique, une tare dont il faut se débarrasser au nom de la modernité.
Toujours en retard d'une guerre ils oublient dans leur ignorance
crasseuse et mimétique que la modernité prométhéenne mi Dieu mi homme mi
Titan est déjà dépassée par la post modernité. La post modernité
hermésienne qui revendique l’échange, la communication et les arts est
elle aussi en faillite car elle a du mal à surmonter ses propres
contradictions : affirmation de l'hégémonie occidentale et désir de
fin des monopoles pour une socialité sans frontières, sans normes, sans
arbitraire, sans centre, sans limites à la commutation des sens et des
échanges libres. Elle a du mal à assumer un monde ancien achevé et la
naissance d’un nouveau dont elle a perdu la compétence de « civiliser
les barbares ».
La dialectique n’accepte pas les crises qui durent ni
les contradictions non résolues le destin s’accomplira dans un sens ou
dans un autre par l’harmonie fédératrice ou le chaos générateur de
nouvelles énergies. Cette loi est valable tant pour le colonisé que le
colonisateur car Dieu a voulu que chaque instant soit acte de
renouvèlement de la création et dans cet acte l’homme est Fa’il
(davantage actant ontologique et social que simple sujet d’un verbe
d’action) ou Maf’oul bihi (davantage objet asservi qu’être subissant)
Entre la Modernisme et le post modernisme l’Occident
n’a pu ni nous léguer ni Trinité ni Prométhée ni Hermès mais nos élites
ont su importer Pandore et sa boite pour le malheur de nos peuples. Ce
que le colonialisme n’a pu défaire ils ont trouvé le moyen de le
corrompre en s’attaquant à l’islamité et à l’arabité au nom de
l’algérianité et de la berbérité ouvrant une bataille culturelle sur un
fond idéologique alors que le débat politique avait perdu le sens de la
mesure et de l’intérêt national. Dans cette bataille tronquée ils ont
commis des crimes impardonnables :
Prendre le peuple en otage et lui faire oublier son
droit à l’alphabétisation : le Alif ou le Alpha est le ferment de la
liberté et de la civilisation. Le socle de la langue ayant perdu son
sacré on peut se permettre toutes les dissonances. Se réclamant
civilisés, instruits, ouverts aux arts et à la culture ils oublient ce
principe de vie d’un peuple que Maila Tavio a raconté avec brio « Lorsqu’une langue meurt avec ses couleurs, ses nuances, le peuple meurt aussi ». Notre
drame n’est ni dans la langue arabe ni dans le Qur’ân ni dans l’Islam
mais dans notre manière de voir le monde : libre agissant pour notre
compte ou aliéné agissant pour le compte d’autrui. Ceux qui veulent
latiniser le monde musulman et l’Algérie en particulier doivent méditer
cette citation de Marc Aurèle : « Ta manière de penser s’orientera
d’après la nature des objets que tu représentes le plus souvent, car
c’est des représentations que l’âme prend sa couleur »
Notre âme est dans l’islam qui a détruit les idoles
et tout paganisme politique, économique culturelle ou religieux qui
aliène l’homme à la chose et en fait une idole qui lui dicte son regard
mental par lequel les yeux voient le monde et la langue raconte le
monde.
En faisant de la langue Arabe la visée principale de
la diversion idéologique interne et du sabotage culturel extérieur le
but est multiple :
Maintenir les peuples dans une confusion mnésique et
sémantique sur leur histoire, leur patrimoine, leurs droits et leurs
devoirs
Laisser les populations se débattre dans leurs
dialectes sans langue fédératrice comme socle culturel et sans
instrument de production et d'acquisition des idées, des concepts autre
que dans la langue du colonisateur et de ses vassaux. Tout dialecte,
même s’il est langue maternel, porte les limites de son expression, les
imperfections de sa syntaxe, la pauvreté de son lexique, l’incapacité
de conjuguer les verbes et de manier la subtilité de cette conjugaison.
Le dialecte avec sa carence sur le plan sémiotique et sa défaillance
structurelle reste une phonétique pour les peuples primitifs, les
bédouins et les populations enclavées dans leurs douars et dans leurs
contes nostalgiques. Il ne peut avec l’alphabet latin, hébreu ou arabe
exprimer plus que sa vocation : dire des choses ou des émotions
primaires qui donnent à l'existence de l'indigène une dimension locale
sans inscription dans l'universel. Toutes les civilisations qui ont
résisté à l’épreuve du temps portaient la culture du signe à un rang de
l’universel même si le sens de cet universel se corrompe par le
pouvoir, le luxe et les plaisirs mondains et l’injustice qu’ils
provoquent dans la création.
Priver les peuples arabo musulmans de la compétence
de produire du sens islamique. Ce sens qui proclame la gratitude envers
Dieu et la lutte contre l’ingratitude et l’injustice est le signe qui
se répète sous plusieurs formes, plusieurs contextes et plusieurs
déclinaisons que seule la langue arabe peut en saisir les subtilités
alors que les autres langues non averti y voient redondance ou
contradiction :
{Dieu vous a fait naître du sein de vos
mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, la vue et
l’intelligence. Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants?} An-Nahl - 78.
Ce sens est un défi à l’arrogance du paganisme
mondial dans sa version athée matérialiste ou dans sa version judéo
chrétienne totémiste.
Nier l'universel que porte la langue arabe en tant
que langue Qur’ânique. En effet s'approprier la langue arabe c'est
s'approprier la clé de lecture du Qur’ân, de récitation, de
mémorisation et de compréhension du Qur’ân. Si le Taddabur et le
Taffakur nous échappent, par notre vie insensée, dans l'énoncé
Qur’ânique, leur sens et leur portée n'échappent pas aux spécialistes
de la profanation de l'islam et de l'aliénation des musulmans. La
monolâtrie et l’idolâtrie se conjuguent pour mettre fin au Monothéisme
car ils savent qu’il est le ferment contre leur dictature et leur
impérialisme. La lutte contre la langue arabe n’est en réalité qu’une
tentative, répétée, pour ne plus entendre dans sa version originale,
sans falsification, cet appel contre l’aliénation :
Proclame la Vérité émanant de ton Seigneur
Dis la Vérité est venue et le faux est appelé à disparaitre car le faux est inéluctablement condamné à disparaitre.
La modernité, la post modernité pour l’Arabe et le
musulman est de redonner sens et vie à l’expression de cette vérité dans
son cadre contemporain, dans sa langue initiale et dans un continuum
spirituel et actantiel dans lequel il est urgent de se réinscrire pour
que la langue Arabe, celle du Qur’ân, ne soit plus le Bouc émissaire et
que la lutte s’opère sans intermédiaire, sans diversion, sans
trahison : la vérité contre le mensonge, la justice l’arbitraire, la
liberté contre l’oppression. Nous devons garder toute la lucidité pour
voir comment à chaque revendication libertaire du monde arabe et à
chaque déficit de crédibilité des gouvernants corrompus et des élites
incompétentes l’impérialisme nous sort ce combat contre la langue du
Qur’ân comme moyen de diversion mais aussi comme tentative de profiter
de notre inattention et de notre focalisation sur le seul terrain des
luttes politiques ou sociales alors qui l’armada de l’impérialisme est
sur tous les fronts mettant des fers sur tous les feux par sa culture du
sens tant stratégique que tactique.
Il est vrai que les marabouts ont fait de la langue
Arabe la langue du défaitisme, de la résignation et de la fatalité. Les
Foqaha ont fait de cette langue une langue de bois versée dans le
juridisme et une problématique culturelle rendue complexe pour
anesthésier la pensée qui ne sait plus trouver son chemin dans un geste
aussi simple que le Wudu (les ablutions). Les poètes ont en fait une
langue pour magnifier la femme et l’éros sans prise sur le social et les
conditions de la femme arabe ou celles de l’homme arabe. La langue
arabe s’est figée dans un hymne à l’esprit nostalgique du passé des
guerriers alors que l’islam préconisait l’argumentation, la science et
le témoignage véridique pour convaincre de sa vérité et de sa justesse.
Sur ce détournement de la religion et de son instrumentalisation par
le bigot, le pharisiens, le despotes et le colonialisme, il est
intéressant de se remémorer, face au combat mené contre l’Arabe, ce que
Malek Bennabi a évoqué dans « la vocation de l’islam » :
«… c'est parce que celui-ci sait que la religion
demeure l'unique, l'ultime moyen de refaire la santé morale d'un peuple
qui a perdu, dans la crise de son histoire, tout ressort moral. Si
aujourd'hui il y a quelque chose qui vibre encore dans l'âme musulmane,
quelque chose qui la rend capable de se transformer et de se dépasser,
c'est bien l'Islam.
Aussi le colonialisme s'attaque-t-il partout à
cette puissance de résurrection. L'Islam devient donc l'objet de toutes
les restrictions, de toutes les surveillances. Il est aujourd'hui
infiniment plus facile d'ouvrir une maison de jeux ou un café qu’une
école Qur’ânique. D'autre part, c'est l'administration elle-même qui
désigne le personnel du Culte — le muphti et l'imam — non pas à la
satisfaction de la communauté musulmane, mais au gré des colons. Et, par
ce dispositif, elle tient en ses mains les suprêmes moyens de
corruption. L'homme qui dirige les dévotions à la mosquée n'est pas
choisi pour sa conscience morale ou pour sa science théologique, mais
surtout pour son utilité administrative, comme simple adjudant des
prières. Cette situation du culte n'est pas celle qui trouble le moins
la conscience du croyant, en le plaçant devant des faits parfaitement
perturbateurs: un imam qui moucharde, un muphti corrompu et corrupteur,
un cadi prévaricateur. On veut faire de l'Islam lui-même un aspect
pittoresque de la «vie indigène».
Et c'est ainsi que l'administration accumule les écueils et les entraves sur la voie de la renaissance musulmane.
Mais ici du moins, une confrontation directe
devient possible entre la colonisabilité et la colonisation comme
facteurs de paralysie. Cette confrontation nous permet de nous rendre
compte, sur le vif, que le colonisé peut toujours se libérer de sa
colonisabilité, dans la mesure où il applique son intelligence et son
effort à surmonter les difficultés, à contourner les écueils, à rompre
les entraves. Ici du moins, — parce que le musulman, même au stade
post-almohadien, ne souffre pas d'atteinte à sa religion, — nous le
voyons et nous l'avons vu, en Algérie notamment, édifier lui-même ses
nouvelles mosquées où il va librement faire ses dévotions, et ses
nouvelles écoles où son fils poursuit librement ses études. Ces
initiatives nous prouvent à quel point il ne s'agit pas de discourir sur
la liberté du culte, ni sur l'extension de l'enseignement, mais de
faire des œuvres sociales et d'accomplir des devoirs impérieux. Il est
évidemment excellent d'obtenir les «droits» que l'on a réclamés, mais il
ne s'agit pas, comme on le fait malheureusement encore, de renverser
l'ordre des valeurs en mettant les «droits» avant les «devoirs», — ce
qui ne pourrait qu'augmenter la confusion, le désarroi et le chaos en
multipliant les faux pas de la «boulitique».
Le colonialisme fait encore sonner minuit, mais
dans le monde, musulman, l'heure du sommeil et des fantômes est passée,
sans rémission. »
L’historien algérien Mahfoud Kaddache faisant
référence tant aux faits historiques qu’aux discours des observateurs
et des idéologues de la politique de peuplement colonialiste en Algérie
insiste sur l’arabité et l’islamité de la résistance algérienne,
Berbères et Arabes, contre la domination coloniale au nom de l’islam
qui dérouta la sociologie et la guerre psychologique du colonisateur : « Les
Chorfas qui furent très nombreux en Kabylie, les confréries en
particulier celle des Rahmania avec le cheikh Al Haddad en 1871
donnèrent souvent au patriotisme algérien un caractère mystique. […] Le
danger était encore plus grand avec la participation d’éléments kabyles
au mouvement des Oulémas ; les Berbères voyaient dans la renaissance
de la langue arabe, l’arabisme et le nationalisme musulman la condition
du réveil politique et l’émancipation de l’Algérie.»
Nul ne peut nier l’immobilisme persistant de la
pensée musulmane qui n’arrive pas encore à surmonté sa contradiction
logique dans sa confrontation à la colonisation. Dépasser cette
contradiction c’est aller vers le débat ultime : la civilisation. Le
colonialisme et ses vassaux ne sont que des accidents secondaires.
Malgré tout ce qu’on peut accepter comme critiques
objectives et subjectives contre les musulmans nul ne doit par contre
nier que la dynamique de libération est passée par l’apprentissage de la
langue arabe dans les écoles Qur’âniques mêmes si ces écoles sont
accusées d’avoir davantage développé le reflexe de Pavlov par
l’imitation et le parcoeurisme que l’Ijtihad. N’est-ce pas la critique
lancée par les partisans de l’école française contre l’école
Badissienne comme si cette dernière était prise en flagrant délit
d’incompétence pédagogique et didactique. Bien entendu on opère à une
« decontextualisation » historique et politique avant de lancer
l’amalgame de venin.
Nous pouvons prendre toutes les critiques comme
partiellement vraies car elles ne sont pas habitées par l’esprit de
vérité et de justesse mais par l’esprit du dénigrement idéologique. En
effet par des demi-vérités hors de leur contexte on cherche à créer de
la diversion idéologique car elle occulte le fait colonial et la
résistance contre le colonialisme par les moyens propres à l’indigène
qui a eu le génie de mettre en place sur les décombres de la décadence
et de l’occupation un système précaire de formation des élites
musulmanes. Ce système a conduit le mouvement de la renaissance
musulmane et de la libération nationale en étant ouvert à la pensée
musulmane revendiquant son existence, sa langue et sa parole pour
devenir acte de libération comme fut la parole de Djamel Eddine Al
Afghani rompant le silence sur le drame vécu par les musulmans en
réveillant leur conscience par cet appel à se réformer par le
Qur’ân : « Parmi les vertus du Qur’ân, il y a celle-ci qu’avant sa
révélation, les Arabes vivaient dans un état de barbarie
indescriptible. Mais un siècle et demi à peine après sa révélation, ces
mêmes Arabes devinrent les maîtres de leur monde et dépassèrent toutes
les nations de la terre, en politique, en science, en philosophie, en
industrie et en commerce. ».
De l’Egypte comme base il avait lancé
son appel à la libération de la pensée musulmane des ‘‘carcans de
l’immobilisme’’, à la promotion de la liberté de la presse. Il avait
préconisé la révolution politique comme moyen d’action le plus sûr et
le plus rapide pour se défaire des oligarchies qui soutiennent
l’influence des puissances européennes. Il préconisa la constitution
comme moyen permettant de limiter le pouvoir despotique. Et bien entendu
il s’est dressé sans faillir contre le colonialisme britannique qu’il
avait combattu déjà en Afghanistan en tant que gouvernant et soldat
trahi par les élites embourgeoisés. Al ‘Ourwa al Wotqa (l’anse la plus
solide) était son organe et sa devise qui signifiant dans la langue
arabe tout un programme anti colonial :
{Point de contrainte en religion maintenant
que la Vérité se distingue nettement de l’erreur. Désormais, celui qui
renie les fausses divinités pour vouer sa foi au Seigneur aura saisi
l’anse la plus solide, sans crainte de rupture. Dieu est Audient et
Omniscient.} Al-Baqara - 256.
Le premier problème qu’on veut occulter est de
renoncer à soi en refusant de retrouver sa langue et en entretenant
volontairement la confusion qui règne dans le monde des idées et leur
obsolescence dans le monde occidental et qu’on veut importer comme du
prêt à porter et à manger. Le second problème qu’on veut occulter est la
faillite du projet laïc nationaliste dans le monde arabe dans la
gouvernance sensée des peuples et la gestion saine des richesses
nationales. Fiasco total sur toutes les lignes. L’absence de probité
morale et intellectuelle les conduit à nier leur peuple, à le mépriser
et à collaborer avec le colonisateur au lieu de faire leur auto critique
et leur mue idéologique.
Les peuples n’ont ni la conscience ni le temps ni le
droit pour l’instant de leur demander des comptes sur la faillite
morale, économique, politique et culturelle de leur gestion. L’histoire
ne peut les épargner pour leur travail de sape contre l’Arabisation
qu’ils ont conduite au suicide par orgueil culturel, par mépris de
l’islam et par paresse d’apprendre l’Arabe. Vivant comme des rentiers de
la langue du colonisateur et du peu de savoir qu’ils ont acquis grâce
au sacrifice des libérateurs, martyrs, anciens Moudjahidines ou anciens
détenus, ils ont laborieusement torpillé tout effort d’alphabétisation
des peuples en prenant le peuple comme otage de leur diversion
idéologique sur la langue arabe et l’arabisation bâclée qui a produit
des ignorants ou au mieux de médiocres gagne pains par le potentiel de
nuisance mis dans tous les engrenages politiques, administratifs,
éducatifs, didactiques, pédagogiques et professionnels pour détruire la
langue du Qur’ân ou pour rester attachés aux Lumières françaises qui
ont conduit les Arabes vers les ténèbres de l’ignorance de la Lumière
Qur’ânique.
Quand la pensée refuse de s’actualiser au contact des
défis du temps ou quand les actions ne s’inspirent pas de l’effort de
la pensée noble et généreuse le délabrement idéologique ne peut que se
traduire par une volonté affiché de s’amputer de sa langue et
s’inscrire dans le silence exigé par le colonialisme et les despotes.
Faute de langue supportée par une académie, des Lettres, des arts et de
la science mais surtout par faute de vision claire sur l’avenir,
soumis ou insoumis à l’ordre colonial, nos idées restent confuses
voire mortifères pour le corps social qui ruralise sa langue et qui la
pratique comme si elle était un intrus au meilleur des cas et un
ennemi au pire des cas. C’est la ruralisation, au sens Khaldounien,
de la conscience et du langage qui ne s’éveillent qu’au contact des
choses et des besoins primaires et non pas l’Arabisation ou
l’Islamisation qui sont les vecteurs de ce nomade sans racines, sans
ancrage culturel et linguistique que nous appelons l’homme arabe
moderne. Victor Hugo avait : « le lion imitant un lion devient un
singe » qu’allons nous dire pour décrire notre aliénation ?
Dans le combat pour ou contre l’Arabe, l’arabité,
l’arabisation, nous ne devons jamais perdre de vue que le choix ou le
renoncement à ce combat est idéologique : renoncer totalement à soi ou
confirmer son identité, se voir dans une aire civilisationnel musulmane
libérée du « chirk » ou se voir préposé aux affaires coloniales dans
son pays maintenu par le colonisateur dans le statut de comptoir
commercial. Le Qur’ân nous rappelle, en sa qualité de Dikr, de ne pas
oublier les leçons du passé et de ne pas nous laisser leurrer par les
discours démagogiques qui nous font confondre nos priorités, nos
besoins, nos exigences, nos alliés, nos ennemis et notre devenir avec
ceux de l’impérialisme :
{Comment admettre que, quand ils sont les
plus forts, ils ne tiennent compte à votre égard ni des liens du sang
ni de la foi jurée? Ils ne cherchent qu’à vous plaire par de belles
paroles sans que leurs cœurs y adhèrent, car ils sont pour la plupart
des scélérats qui troquent à vil prix les enseignements de Dieu et se
dressent en obstacle sur Sa Voie, dans une attitude des plus exécrables,
sans jamais respecter à l’égard d’un croyant ni les liens du sang ni
la parole donnée. Ils agissent toujours en véritables transgresseurs.} At-Tauba - 8.
Si nous ne pouvons pas confondre celui qui agit sous
la contrainte sociale ou économique ou qui se contente des rituels
sans portée stratégique comment pouvons-nous nous tromper sur
l’essentiel de notre foi, de nos valeurs et de nos engagements et nous
laisser nous détourner par les promesses chimériques et les illusions à
court terme :
{Comment pouvez-vous assimiler celui qui est
chargé de distribuer l’eau aux pèlerins ou d’entretenir la Mosquée
sacrée à celui qui croit en Dieu, au Jugement dernier et qui combat pour
la Cause de Dieu? Non, ils ne sont pas égaux devant Dieu, et Dieu ne
guide point les injustes.} At-Tauba - 19
Ce combat pour ou contre la langue arabe est un
combat idéologique car la question qu’il soulève relève de notre système
de représentation du monde et la vision que nous faisons de nous-mêmes
dans ce monde : Fa’il (Sujet) ou Maf’oul bihi (Complément d’objet). Se
voir Fa’il sujet d’un verbe d’action et non seulement comme sujet des
auxiliaire être ou avoir c’est prendre le statut d’Actant. Prendre le
statut d’Actant c’est nécessairement donner le primat à l’acte qui
germe du monde de nos idées et de nos valeurs et non des idées d’autrui
et de ses valeurs. Le statut d’actant signifie aussi que notre verbe
prend appui de notre effort actantiel , l’acte qui se fait quête de son
propre devenir et de sa propre vérité et non du schéma que le regard
des autres veut y nous contraindre privé des verbes d’action pour nous
confiner à n’exister qu’en la seule qualité d’être végétatif contemplant
son avoir dans les banques occidentales et subsistant de la rente des
hydrocarbures.
Nos idées restent dans une large mesure dominées par
notre langue car elle véhicule, en dehors de l’émotion, le trait
d’union qui tisse des liens cognitifs à travers le livre, l’histoire,
la religion et la sonorité des mots. Quand l’idée est fée du logis et
que ce logis est entretenu par une belle langue alors la chose imaginée
par l’idée est au service du projet de civilisation et des critères
éthiques et esthétiques de cette civilisation et de cette langue comme
l’enseignait Mohamed (saws) à sa belle aimée Aïcha notre mère :
« O ‘Âïcha ! Si la parole grossière prend forme,
sa forme ne serait que mauvaise. Jamais les bonnes paroles ne sont
mises sur une chose sans l’embellir et jamais elles ne sont enlevées
d’une chose sans la rendre laide »
Dans notre cas cette langue est celle du Qur’ân qui
énonce d’une manière claire et nette l’architecture entre l’acte,
l’être, l’idéique et le linguistique :
{Vois-tu à quoi le Seigneur compare, à titre
d’exemple, la bonne parole? C’est à un bel arbre dont les racines se
fixent solidement dans le sol et dont la ramure s’élance vers le ciel,
en produisant, par la grâce de son Seigneur, des fruits à chaque
instant. Dieu propose ainsi des paraboles aux hommes pour les amener à
réfléchir. Au contraire, une méchante parole est semblable à un arbre
nuisible qui se développe à ras du sol, sans jamais y avoir une attache
solide.} Ibrahim 24 à 26
Ce choix volontariste pour l’arabisation et l’arabité
n’est pas obligatoirement manichéen ou autarcique. La possession de sa
langue ne veut pas dire s’enfermer dans un isolat linguistique, mais
la combinaison intelligente et harmonieuse entre soi et les autres.
Sous n’importe quelle langue y compris celle du Qur’ân nous ne pouvons
accepter l’idée d’être un entassement chaotique de choses sans style,
sans esthétique, sans projet, sans humanité, sans devoir de témoignage
aux autres.
La loi qui gouverne l’univers est une loi qui refuse
la dissonance comme elle refuse l’indifférenciation. Comme la touche
d’un peintre de génie comme Matisse qui a perçu la vibration des
différences dans l’unité qui donne accord « Un ton seul n’est qu’une
couleur, deux tons c’est un accord, c’est la vie » la présence des
idiomes et des couleurs des hommes témoigne de la présence de l’Unicité
du Créateur qui a choisi, par sagesse, de révéler son ultime Message
dans l’Arabe :
{Et parmi Ses signes, il y a aussi la
création des Cieux et de la Terre, la diversité de vos langues et de
vos couleurs. En vérité, il y a en cela des signes pour des esprits
éclairés.} Ar-Rum - 22.
{Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle
et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus,
pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus
méritant d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux.} Al-Hujurat - 13.
La loi de l’harmonie qui veut qu’il y ait une
multitude dans l’unité et l’unité dans la diversité exige comme dans
l’harmonie chromatique un rapport de grandeur, de valeur et d’intensité
comme dit André Lhote : « Lorsque trois couleurs sont en présence.
Une seule doit être poussée au maximum, la seconde diminuée et la
troisième suggérée » ou dans un autre style L.B Alberti : « Et
vraiment il y aura de la grâce alors que les couleurs sont juxtaposées
avec une exacte habileté … Car un tel assemblage procure, grâce à la
variété, un grand charme, et grâce au contraste, une plus grande
beauté »
Une seule langue doit dominée sans que celle-ci ne
soit tyrannique. Les musulmans quand ils étaient porteurs du principe du
sens du Monothéisme ils ont conjugué les sciences et les arts avec la
langue arabe comme ils avaient confronté leur langue avec les langues
d’Asie et d’Europe s’enrichissant mutuellement par la traduction et
l’échange civilisationnel. Les musulmans armés de l’Arabe avaient le
sens de l’harmonie et du beau car ils avaient acquis le sens de la
vérité et de ce fait ils étaient un témoignage du Qur’ân et de l’Arabe
forgeant l’admiration des uns et inspirant la crainte aux autres :
{Muhammad est le Prophète de Dieu. Autant ses
Compagnons sont durs envers les infidèles, autant ils sont pleins de
compassion entre eux. On les voit s’incliner et se prosterner, aspirant à
obtenir la grâce et l’assentiment du Seigneur. On les reconnaît à
l’empreinte laissée sur leurs visages par leurs prosternations dans la
prière. Telle est l’image qu’on donne d’eux dans la Thora, alors que
dans l’Évangile ils sont comparés à une semence qui germe, se gonfle de
sève et grandit pour se dresser sur sa tige, faisant l’admiration des
laboureurs et soulevant le courroux des infidèles.} Al-Fat-h - 29.
Tous les musulmans ayant conscience de la lutte anti
impérialisme menée par l'islam dans sa lutte plus globale, la lutte
contre le mal et le mensonge, même s'ils sont francisés ou francophones,
vivant en terres arabes ou latines doivent se hisser au niveau de la
responsabilité historique, culturelle et religieuse de la défense, de la
réhabilitation et de la promotion de la langue arabe. Il ne s'agit pas
de se soumettre aux monarchies petro dollaresques ni de nier nos
dialectes et nos coutumes ancestrales mais de se hisser au modèle de
l'homme parfait, l'archétype à suivre inscrit déjà dans Adam bien avant
que nous soyons existenciés : Mohamed (saws). Ce Prophète illettré a
inscrit la bataille culturelle et linguistique au cœur de la bataille
pour l'islam et pour la libération des peuples convertis à l’islam en la
posant en termes culturels mettant fin ainsi avant l’heure aux fausses
querelles et ethniques et linguistiques :
« L’Arabe est celui qui parle la langue arabe. »
Mohamed (saws) visait naturellement la langue du
Qur’ân et non celle des Quraychites idolâtres. Notre visée dans
l’exercice de l’islamité ne peut faire l’impasse sur l’Arabité selon
l’expression chère à Cheikh El Ghazali transposée au cadre algérien « je suis un Pharaon que l’islam a arabisé ». Avant lui Cheikh Ibn Badis a proclamé la même vérité : «
Les fils de Ya’rub (les Arabes) et les fils de Mazigh (les Berbères)
sont unis par l’Islam depuis plus de dix siècles. Et tout au tout au
long de ces siècles, ils n’ont pas cessé d’être étroitement liés les uns
aux autres, dans la mauvaise et la bonne fortune, dans les jours de
joie et les jours d’épreuves, dans les temps heureux comme dans les
temps difficiles de sorte qu’ils forment depuis les âges les plus
reculés, un élément musulman algérien dont la mère est l’Algérie, et le
père l’Islam. Les fils de Ya’rub et ceux de Mazigh ont inscrit les
marques (ayat) de leur union sur les pages de l’histoire avec le sang
qu’ils ont versé, sur les champs d’honneur pour assurer la suprématie de
la Parole de Dieu et avec l’encre qu’ils ont coulée au service de la
science. Après cela, quelle force est-elle capable de les séparer ? Ils
ne se sont point divisés du temps qu’ils étaient les plus forts ;
comment pourraient-ils alors que ce sont d’autres qu’eux qui détiennent
le pouvoir ? Par Dieu, non. Et toute tentative pour les diviser ne fera
que renforcer leur union et consolider leurs liens ».
Le linguiste et historien marocain, le docteur
Abdelaziz Abdallah membre de l'académie marocaine, a démontré, documents
historiques à l’appui que les Amazighes marocains dès leur
islamisation ils ont appris la langue arabe et y ont excellé et l'ont
rendue porteuse de leur culture et de leur histoire. Leur attachement à
l’Arabe et à l’Islam était tel qu’ils avaient sans regret et sans
contraintes délaisser leurs appartenances tribales et ethniques. Comme
en Algérie les tribus berbères se sont mobilisés derrière Abdelkrim Al
Khattabi, un descendant de Omar Ibn Al Kattab, pour libérer le Maroc de
l’emprise coloniale française et espagnole au nom de la liberté, de
l’arabité et de l’islamité du Maghreb.
Aussi bien en Algérie qu’au Maroc la langue berbère
ne s’est conservée que par son enrichissement par l’adjonction de mots
arabes. Sur cette question le docteur Abdelaziz Abdallah démontre
scientifiquement que la conservation et l'amélioration des langues
amazighes et du patrimoine culturel berbère ne se sont accomplis que
grâce à la langue arabe. Il affirme que ni le caractère latin ni le
chinois ni autre hiéroglyphe ni autre hiérographie ne pourrait protéger
et développer mieux que l’Arabe et l’Islam le signe berbère.
Il faut lire le phénomène coranique de Malek Bennabi
pour voir comment le Coran a reconfiguré le lexique, la syntaxe, la
grammaire et la sémantique de la langue arabe et comment il a opéré deux
courants d'écriture en style, en rythme, en préoccupation, en huminté,
en universalité : Le courant étincelant et vide d'idées de la Jahiliya,
le courant islamique où règne l'idée et le devenir de l'homme.
Le mouvement islamiste algérien a permis à cette
vérité de s’éclater au grand jour : les grands prédicateurs, les grands
imams, les grands cadres des partis islamistes sont majoritairement
d’origine berbère maniant l’Arabe avec toutes ses subtilités pour
interpréter le Qur’ân ou déclamer la poésie arabe.
L’Islam et l’Arabe sont intimement liés au-delà de ce
temps terrestre, ils sont inscrits dans l’universel et l’éternel.
Toute ethnie qui embrasse l’Islam perd le sens de minorité ou de
majorité dès lors qu’elle s’est fondue dans ce qui fédère au-delà du
temps et de l’espace :
{Ainsi, Nous t’avons révélé en ce Qur’ân un
code de sagesse en langue arabe. Si tu cèdes à leurs chimères, après la
science que tu as reçue, tu ne trouveras plus ni soutien ni protecteur
contre ton Seigneur.} Ar-Ra'd - 37.
C’est la langue que la Providence a choisi pour nous
et nous ne pouvons ni ergoter ni aller contre la volonté divine car
aussi bien le contenu que le support langagier du Qur’ân sont protégés,
inviolables, infalsifiables en dépit de la rage et de la rancune des
transgresseurs et des faussaires
{Telle est la parole de ton Seigneur, qui
s’est accomplie en toute vérité et en toute justice, car Ses paroles
sont immuables. Dieu entend tout et Sa science n’a point de limite.} Al-An'am - 115.
Dans cette lutte idéologique, culturelle et
spirituelle Zeinab Abdelaziz nous livre quelques clés et quelques jeux
de mots pour comprendre les maux, les enjeux et les mécanismes qui se
déroulent en silence et sous des formes multiples dans chaque pays arabe
sans que les Arabes et les Musulmans ne tissent les liens pour voir
que c'est le même combat contre l'islam et son socle culturel et
linguistique qui se joue au Maghreb en particulier l’ Algérie eu égard à
sa guerre de libération nationale contre le pacte de l’OTAN et au
Machreq en particulier l’Egypte eu égard à son poids culturel et
politique dans le monde musulman .
Le Qur’ân et la pensée musulmane posent l’équation
de la science conjuguée à la langue dans le cadre de la civilisation
qui nait de la foi et des valeurs de liberté, de justice et
d’édification que l’Islam exige comme prolongement et témoignage du
Thawhid de l’âme humaine dans la société humaine. Le Qur’ân met en
exergue l’articulation magistrale des acte civilisateurs : la foi, la
science, la technologie, la bonne gouvernance et la maîtrise de la
langue :
{Et quant il eut atteint un endroit situé
entre les Deux Barrières (montagnes), il trouva derrière elles une
peuplade qui ne comprenait presque aucun langage. Ils dirent: ‹Ô
Zul-Qarnayn, les Yajuj et les Majuj commettent du désordre sur terre.
Est-ce que nous pourrons t'accorder un tribut pour construire une
barrière entre eux et nous?› Il dit: ‹Ce que Mon Seigneur m'a conféré
vaut mieux (que vos dons). Aidez-moi donc avec force et je construirai
un remblai entre vous et eux.} al Kahf 93
Ou bien tu te civilises dans un projet global et
dynamique impliquant la langue , l’éthique, les institutions, l’exerce
de l’état de droit, la justice, la science et la maîtrise technologique
qui libère de la colonisabilité et de la colonisation ou bien c’est
l’extérieur qui va te coloniser et t’imposer sa langue et ton statut de
colonisé comme « bienfaits de la civilisation » après avoir mené toutes
les opérations pour te priver de ta liberté, de ta dignité, de ta
mémoire, de ta langue et de ton devenir. Perdant ton identité tu ne peux
vivre que l’opprimé en perspective de la grenouille ou de contre
plongée : la tête en l’air admirant la grandeur de celui qui t’a soumis,
qui te domine du haut de son arrogance et qui maîtrise sa langue et la
tienne mieux que toi tu ne maitrises la sienne.
La langue arabe la tienne, la notre, nous l’avons déjà perdue par abandon ou par confiscation de notre islamité.
La guerre contre l'islam depuis son avènement a pris
des formes multiples, militaires, économiques politiques,
colonisation, impérialisme, fétichisme, modernisme, scientisme,
progressisme et leur lot d'intégrisme et de corruption des mœurs et des
idées. En réalité ces formes ne se sont que l'expression de la lutte
contre deux convictions, deux imaginaires, deux voies : le Monothéisme
et le paganisme pluriel et protéiforme. En Méditerranée, dans sa forme
de contradiction Nord Sud elle exprime la lutte d’influence, voire
d’existence, entre la rive latine et la rive non latine, entre la rive
judéo chrétienne et la rive musulmane en passant par les Croisades du
moyen-âge, l’éradication des musulmans d’Andalousie ou la colonisation
des peuples d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.
Dans cette guerre contre l'islam sans relâche une
place de choix est réservée à la lutte idéologique qui vise à empêcher
le monde musulman de produire ses idées, ses élites et de se
réapproprier l'éthique et l'esthétique de l'islam pour un développement
autonome et libéré de l'impérialisme. Le Qur’ân a averti de cette
lutte et de son caractère idéologique. L’idéologie pour nous ne signifie
pas propagande mais discours sur les idées et leur sens dans les
rapports de l’homme à Dieu, à l’homme, à la nature, à la technique, à
l’art, à l’économique, au politique, au culturel, au savoir, à la
conscience, à la société… Dès qu’il y a débat philosophique ou religieux
nous sommes fatalement impliqués dans une lutte idéologique
d’appropriation ou de négation de sens selon nos convictions, nos
intérêts et notre assise spirituelle et intellectuelle. C’est la lutte
idéologique au sens Qur’ânique :
{Nous en avons fait un Qur’ân en langue arabe, afin que vous en saisissiez le sens.} Az-Zukhruf - 3.
La bataille de sens n’est pas seulement au niveau de
la foi, de la philosophie ou de la politique elle se cache souvent
dans la lutte entre deux imaginaires, entre deux champ d’exploration du
réel et de représentation de la vérité qui forment ce qu’on appelle
l’imagination ou le potentiel d’avoir des images mentales ou encore
celui d’évoquer le virtuel ce projet qui est en devenir comme potentiel
de vie et qui ne lui manque que l’opportunité et la pertinence pour
devenir non pas réel mais actuel comme un grain blé qui peut donner un
épis de blé, une semence une génération de plants. Toute la compétence
humaine d’imaginer est de produire du sens ou de la virtualité de sens
est indissociable de sa compétence à entendre et à parler et à voir les
signes, les indices.
Le Qur’ân met en exergue cette compétence que nos
pédagogues et nos dialecticiens alignés sur l’Occident ne reconnaissent
ni dans le Qur’ân ni dans sa langue l’Arabe ni dans le sens universel
que cette langue véhicule tant sur le plan de la science que sur celui
du symbole cosmogonique:
{Dieu vous a fait naître du sein de vos
mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, la vue et
l’intelligence. Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants?} An-Nahl - 78.
Cette lutte idéologique contre l’islamité prend
dimension de bataille culturelle au sens propre de bataille, avec son
cortège funeste de ruines, de morts, de souffrances et ses proclamations
sanglantes de victoire ou de défaite. Cette bataille est menée sur
plusieurs fronts et plusieurs champs de batailles dont les plus
importants sont celui de la langue Arabe.
La bataille contre l’arabe se fait parce qu’elle est
langue du Qur’ân. Il faut bien comprendre cette vérité que nous allons
expliciter un peu plus. La lutte est contre le Qur’ân. Si le Qur’ân
avait été révélé en langue française ou anglaise la bataille aurait été
menée contre la langue française ou anglaise. Allah a dévoilé le
complot international bien avant sa manifestation historique :
{Si Nous avions révélé ce Qur’ân en langue
étrangère, on aurait objecté : «Si au moins ses versets étaient clairs
et intelligibles ! Comment? Un Qur’ân en langue étrangère pour un
peuple arabe?» Réponds-leur : «Ce Qur’ân est un guide et un baume pour
les croyants, seuls les négateurs, quand il s’agit de ce Livre, font la
sourde oreille et simulent l’aveuglement. C’est comme si l’appel qu’on
leur lance venait de trop loin pour être entendu.»} Fussilat - 44.
La bataille contre cette langue se fait contre elle
en tant que langage et parfois en tant que signe. En Turquie les
intégristes laïcistes n’ont proclamé victoire sur l’islam qu’une fois la
Turquie Kémaliste expurgée de l’alphabet arabe ait pris pari sur son
avenir en adoptant la lettre latine. Byzance reprend sa revanche contre
Mohamed al Fatah comme les néo pharisiens reprennent leur revanche
contre Babel en exterminant les Palestiniens, puis les Irakiens, dans la
même logique des Croisades, dans la même coalition contre Al Madinah…
La bataille sur le signe, le symbole et l’avenir fait rage.
Elle fait rage dans les détours de la civilisation,
de l’histoire, de la colonisation, de l’Evangélisation. En Algérie le
berbérisme et le colonialisme participent à la même logique présenter le
kabyle comme « conquérable » et assimilable à opposer à l’Arabe
considéré comme un non réceptif à la civilisation occidentale, non
assimilable à la culture française par son fanatisme religieux. On va
jusqu’à occulter le caractère sémitique et Abrahamique qui lie l’Arabe à
l’hébreu pour trouver une histoire commune (sous entendu un destin
commun) entre le Juif et le Berbère.
L’historien algérien Mahfoud Kaddache dans «
L’utilisation du fait berbère comme facteur politique dans l’Algérie
coloniale » écrit à juste titre : « Cette division Et de comparer le
Kabyle et l’Arabe, le premier autochtone, montagnard sédentaire,
sociable, professant des sentiments égalitaires, partisan de la
propriété individuelle, âpre au travail comme le paysan français, alors
que le second étranger au pays, homme des plaines, de steppes, nomade
et barbare dans l’âme, un sauvage intelligent aux mains de qui la terre
devient fatalement un désert…imbu de préjugés, aristocratique,
partisan de la communauté des terres, s’abandonnant à l’indolence de la
vie pastorale […] L’objectif diviser pour régner apparaissait avec les
premières études ; il s’agissait de ne pas courir avec le Berbère
colonisé du XIXème, le risque d’un échec comme ce fut le cas avec Rome
et le christianisme. Il ne fallait pas laisser le Berbère cramponné à
l’Islam, ni tourné vers l’Arabe, ni vers l’arabisation.»
Il poursuit citant les sources coloniales pour
montrer l’inanité de la politique de division ethnique et linguistique
entre Arabes et Berbères par la colonisation : « Si les Kabyles
étaient attachés à l’Islam, c’est à cause de la « croisade musulmane au
nom de la France par l’administration militaire » ; elle a rendu les
Kabyles « plus mahométans qu’avant la conquête» et leur a permis de se
regrouper autour des chefs religieux, de se rapprocher des Arabes dans
les différentes sectes religieuses. « L’Islamisme a donc poussé plus
profond ses racines », et les vrais principes musulmans tendent à se
substituer aux anciennes coutumes locales …
« Bref, l’assimilation avait échoué, le fossé qui
séparait les Kabyles et les Arabes paraissait comblé pour ceux qui
constataient cet échec. Est-ce à dire qu’on renonçait au mythe kabyle et
à une politique berbère fondée sur la distinction entre Arabes et
Kabyles ? Non car « le fossé reste assez large » pour qu’un habile
politique parvienne à la maintenir, au grand avantage de la domination
française […] Etablir une différence dans les signes même de la pensée,
maintenir l’antagonisme à la base ; remplacer les caractères arabes par
les caractères français, écrire la langue kabyle en caractères
français … »
Mahfoud Kaddache a eu le mérite de montrer le
caractère idéologique et religieux de la colonisation au delà du fait
colonial lui-même : « Des essais de vulgarisation, des œuvres
littéraires évoquèrent la romanisation de la Berbérie, parlèrent de la «
résurrection de l’Algérie latine » et affirmèrent la vocation
occidentale sinon latino-chrétienne du monde berbère ». Contre
cette berbéro christiano occidentalisation le peuple algérien dans
toutes ses compositions ethniques et idiomatiques se dressa comme un
seul homme derrière le savant de la Nahda algérienne le berbère
constantinois Abdelhamid Ibn Badis et son slogan : « l’Islam est notre religion, l’arabe notre langue, et l’Algérie notre patrie »
La langue est le canevas sémantique, lexical, idéique
et subjectif pour donner du sens aux signes et aux symboles, pour
communiquer sur les désirs collectifs et faire de l'idée un projet
argumenté par la parole et l'écrit sur lequel émerge l'acte de
libération, l'acte d'édification nationale, l'acte de civilisation. La
langue est l'expression de la mémoire d'un peuple, de son attention sur
son projet de civilisation et de ses attentes sur son devenir et son
espérance. Toute attaque contre une langue est une attaque contre la
conscience du peuple pratiquant cette langue, de son histoire et de son
avenir.
Pour détruire une civilisation on détruit ses
fondements linguistiques, sa langue et ce qu’elle véhicule comme
valeurs. Pour empêcher une civilisation de naitre on bloque, on corrompe
sa langue et on la laisser dériver vers le futile, l’incohérence et
l’éclatement entre des emprunts sans ligne ordinatrice. Sénèque l’Ancien
disait « Il n’y a point de vent favorable pour celui qui ne sait où
aller ». Il en est de même pour l’esprit et la langue. Les Pharisiens,
les défenseurs du Temple et les rentiers de la foi ont présenté à Jésus
des cœurs déchirés et des esprits volatils entre la langue de la
rhétorique grecque, celle de la puissance coloniale romaine et celle du
mythe de l’élection divine entretenu par les doctes et les scribes. Il
avait compris la situation en disant cette parole : « le règne de la
loi est fini c’est le règne de l’amour ». Il annonçait la fin des lois
scélérates et falsifiées et le triomphe de la cohésion d’un seul cœur,
d’une seule idée directrice.
Dans son sermon sur la Montagne, dans ce que les
Chrétiens, appellent les Béatitudes il proclamait « Bienheureux les
faibles d’esprit » pour dénoncer la confiscation des consciences et la
diversion des esprits engagés dans les débats fourvoyés par les
bienfaits de la colonisation culturelle grecque et militaro
administrative romaine. Trop dispersés dans leurs langues comme du
temps de Babel ils ne pouvaient ni se comprendre ni se fédérer autour
du Verbe de Dieu. Telle est la destinée de ceux qui prennent leur
religion comme jeu, divertissement et rhétorique : spiritus : tempête de
l’esprit au lieu d’harmonie des cœurs et cohésion des langues. Dans
ces conditions impossible de saisir le Signe divin qui appelle à
l’unité et proclame l’Unicité.
La loi Toubon en France exprime le souhait des élites
françaises de l'extrême gauche à l'extrême droite de défendre leur
unité nationale à travers l’unité de leur culture, de leur passé, de
leur place dans le monde et dans la défense de l’unité de leur langue
contre l'hégémonie culturelle, technologique et scientifique anglo
saxonne. Le colonialisme français cédant le pas devant la puissance de
feu militaire, financière et économique américaine a fait de son socle
culturel, la langue française, son bras idéologique et culturel dans le
partage du monde en se dotant d'un outil diplomatique, conceptuel,
symbolique et politique : la Francophonie. La Francité traditionnelle
est mobilisée au service de l'existence de la souveraineté de la France
dans le concert des nations impérialistes.
Le code de l'indigénat durant la colonisation
française ne visait pas seulement à peupler l'Algérie de colons
européens pour spolier ses richesses mais à éradiquer l'Islam et
l'Arabe qui font l'identité de l'Algérien comme ils font l'identité de
l'Egyptien, du Syrien, de l'Irakien, du Marocain et des autres peuples
arabes. La « pax romana » du colonisateur a consisté comme dans les
lois de César à « soumettre les superbes et à humilier les soumis ».
Elle a cherché dans ses mémoires pour trouver la même loi qui raye les
civilisations et les peuples : la division et la discorde en cultivant
l’esprit tribal hérité de la décadence musulmane, les particularismes
folkloriques et linguistiques locaux propre à chaque région : diviser
pour régner. Si le monde judéo chrétien se divise en 72 sectes opposées
les unes aux autres, l’esprit moderne colonialiste trouve l’accord pour
partager son influence linguistique, culturelle, politique, militaire
et économique en partageant le monde arabe en 73 électrons libres
sans centre, sans trajectoire, sans énergie autre que la négation et la
division à l’infini jusqu’à épuisement.
Tout ce qui existe à sa langue inscrite dans une
linguistique de l’universel et cet universel donne harmonie et concorde.
S’inscrire hors de soi, hors de sa langue, hors de ses valeurs c’est
perdre le sens de cet universel qui paradoxalement donne à chaque
différence une identité qui ne peut qu’exister qu’en contraste
s’opposant à l’autre ou se conjuguant à lui selon les lois de l’harmonie
et du rythme qui donne preuve de la vitalité sans laquelle il y a
inertie conduisant à la mort. Se confondre avec l’autre exige un amour
fusionnel partagé ou le renoncement à soi comme un sacrifice pour
maintenir en vie l’extérieur. C’est la signification sacrificielle de
l’Holocauste. La victime peut être consentante ou rebelle selon le sens
qu’elle donne à son sacrifice. Elle peut être insouciante et ainsi
perdre usage de la langue qui évoque le passé, qui exprime l’avenir, qui
témoigne du présent, qui revendique ses droits et ses devoirs et qui
invoque Celui qui a fait parler toute chose de la création dans sa
langue spécifique.
Les élites arabes, y compris les arabophones, ont
fait de l'arabité et de l'Arabe un signe de décadence, une honte
publique, une tare dont il faut se débarrasser au nom de la modernité.
Toujours en retard d'une guerre ils oublient dans leur ignorance
crasseuse et mimétique que la modernité prométhéenne mi Dieu mi homme mi
Titan est déjà dépassée par la post modernité. La post modernité
hermésienne qui revendique l’échange, la communication et les arts est
elle aussi en faillite car elle a du mal à surmonter ses propres
contradictions : affirmation de l'hégémonie occidentale et désir de
fin des monopoles pour une socialité sans frontières, sans normes, sans
arbitraire, sans centre, sans limites à la commutation des sens et des
échanges libres. Elle a du mal à assumer un monde ancien achevé et la
naissance d’un nouveau dont elle a perdu la compétence de « civiliser
les barbares ».
La dialectique n’accepte pas les crises qui durent ni
les contradictions non résolues le destin s’accomplira dans un sens ou
dans un autre par l’harmonie fédératrice ou le chaos générateur de
nouvelles énergies. Cette loi est valable tant pour le colonisé que le
colonisateur car Dieu a voulu que chaque instant soit acte de
renouvèlement de la création et dans cet acte l’homme est Fa’il
(davantage actant ontologique et social que simple sujet d’un verbe
d’action) ou Maf’oul bihi (davantage objet asservi qu’être subissant)
Entre la Modernisme et le post modernisme l’Occident
n’a pu ni nous léguer ni Trinité ni Prométhée ni Hermès mais nos élites
ont su importer Pandore et sa boite pour le malheur de nos peuples. Ce
que le colonialisme n’a pu défaire ils ont trouvé le moyen de le
corrompre en s’attaquant à l’islamité et à l’arabité au nom de
l’algérianité et de la berbérité ouvrant une bataille culturelle sur un
fond idéologique alors que le débat politique avait perdu le sens de la
mesure et de l’intérêt national. Dans cette bataille tronquée ils ont
commis des crimes impardonnables :
Prendre le peuple en otage et lui faire oublier son
droit à l’alphabétisation : le Alif ou le Alpha est le ferment de la
liberté et de la civilisation. Le socle de la langue ayant perdu son
sacré on peut se permettre toutes les dissonances. Se réclamant
civilisés, instruits, ouverts aux arts et à la culture ils oublient ce
principe de vie d’un peuple que Maila Tavio a raconté avec brio « Lorsqu’une langue meurt avec ses couleurs, ses nuances, le peuple meurt aussi ». Notre
drame n’est ni dans la langue arabe ni dans le Qur’ân ni dans l’Islam
mais dans notre manière de voir le monde : libre agissant pour notre
compte ou aliéné agissant pour le compte d’autrui. Ceux qui veulent
latiniser le monde musulman et l’Algérie en particulier doivent méditer
cette citation de Marc Aurèle : « Ta manière de penser s’orientera
d’après la nature des objets que tu représentes le plus souvent, car
c’est des représentations que l’âme prend sa couleur »
Notre âme est dans l’islam qui a détruit les idoles
et tout paganisme politique, économique culturelle ou religieux qui
aliène l’homme à la chose et en fait une idole qui lui dicte son regard
mental par lequel les yeux voient le monde et la langue raconte le
monde.
En faisant de la langue Arabe la visée principale de
la diversion idéologique interne et du sabotage culturel extérieur le
but est multiple :
Maintenir les peuples dans une confusion mnésique et
sémantique sur leur histoire, leur patrimoine, leurs droits et leurs
devoirs
Laisser les populations se débattre dans leurs
dialectes sans langue fédératrice comme socle culturel et sans
instrument de production et d'acquisition des idées, des concepts autre
que dans la langue du colonisateur et de ses vassaux. Tout dialecte,
même s’il est langue maternel, porte les limites de son expression, les
imperfections de sa syntaxe, la pauvreté de son lexique, l’incapacité
de conjuguer les verbes et de manier la subtilité de cette conjugaison.
Le dialecte avec sa carence sur le plan sémiotique et sa défaillance
structurelle reste une phonétique pour les peuples primitifs, les
bédouins et les populations enclavées dans leurs douars et dans leurs
contes nostalgiques. Il ne peut avec l’alphabet latin, hébreu ou arabe
exprimer plus que sa vocation : dire des choses ou des émotions
primaires qui donnent à l'existence de l'indigène une dimension locale
sans inscription dans l'universel. Toutes les civilisations qui ont
résisté à l’épreuve du temps portaient la culture du signe à un rang de
l’universel même si le sens de cet universel se corrompe par le
pouvoir, le luxe et les plaisirs mondains et l’injustice qu’ils
provoquent dans la création.
Priver les peuples arabo musulmans de la compétence
de produire du sens islamique. Ce sens qui proclame la gratitude envers
Dieu et la lutte contre l’ingratitude et l’injustice est le signe qui
se répète sous plusieurs formes, plusieurs contextes et plusieurs
déclinaisons que seule la langue arabe peut en saisir les subtilités
alors que les autres langues non averti y voient redondance ou
contradiction :
{Dieu vous a fait naître du sein de vos
mères, dénués de tout savoir, et vous a donné l’ouïe, la vue et
l’intelligence. Peut-être Lui en serez-vous reconnaissants?} An-Nahl - 78.
Ce sens est un défi à l’arrogance du paganisme
mondial dans sa version athée matérialiste ou dans sa version judéo
chrétienne totémiste.
Nier l'universel que porte la langue arabe en tant
que langue Qur’ânique. En effet s'approprier la langue arabe c'est
s'approprier la clé de lecture du Qur’ân, de récitation, de
mémorisation et de compréhension du Qur’ân. Si le Taddabur et le
Taffakur nous échappent, par notre vie insensée, dans l'énoncé
Qur’ânique, leur sens et leur portée n'échappent pas aux spécialistes
de la profanation de l'islam et de l'aliénation des musulmans. La
monolâtrie et l’idolâtrie se conjuguent pour mettre fin au Monothéisme
car ils savent qu’il est le ferment contre leur dictature et leur
impérialisme. La lutte contre la langue arabe n’est en réalité qu’une
tentative, répétée, pour ne plus entendre dans sa version originale,
sans falsification, cet appel contre l’aliénation :
Proclame la Vérité émanant de ton Seigneur
Dis la Vérité est venue et le faux est appelé à disparaitre car le faux est inéluctablement condamné à disparaitre.
La modernité, la post modernité pour l’Arabe et le
musulman est de redonner sens et vie à l’expression de cette vérité dans
son cadre contemporain, dans sa langue initiale et dans un continuum
spirituel et actantiel dans lequel il est urgent de se réinscrire pour
que la langue Arabe, celle du Qur’ân, ne soit plus le Bouc émissaire et
que la lutte s’opère sans intermédiaire, sans diversion, sans
trahison : la vérité contre le mensonge, la justice l’arbitraire, la
liberté contre l’oppression. Nous devons garder toute la lucidité pour
voir comment à chaque revendication libertaire du monde arabe et à
chaque déficit de crédibilité des gouvernants corrompus et des élites
incompétentes l’impérialisme nous sort ce combat contre la langue du
Qur’ân comme moyen de diversion mais aussi comme tentative de profiter
de notre inattention et de notre focalisation sur le seul terrain des
luttes politiques ou sociales alors qui l’armada de l’impérialisme est
sur tous les fronts mettant des fers sur tous les feux par sa culture du
sens tant stratégique que tactique.
Il est vrai que les marabouts ont fait de la langue
Arabe la langue du défaitisme, de la résignation et de la fatalité. Les
Foqaha ont fait de cette langue une langue de bois versée dans le
juridisme et une problématique culturelle rendue complexe pour
anesthésier la pensée qui ne sait plus trouver son chemin dans un geste
aussi simple que le Wudu (les ablutions). Les poètes ont en fait une
langue pour magnifier la femme et l’éros sans prise sur le social et les
conditions de la femme arabe ou celles de l’homme arabe. La langue
arabe s’est figée dans un hymne à l’esprit nostalgique du passé des
guerriers alors que l’islam préconisait l’argumentation, la science et
le témoignage véridique pour convaincre de sa vérité et de sa justesse.
Sur ce détournement de la religion et de son instrumentalisation par
le bigot, le pharisiens, le despotes et le colonialisme, il est
intéressant de se remémorer, face au combat mené contre l’Arabe, ce que
Malek Bennabi a évoqué dans « la vocation de l’islam » :
«… c'est parce que celui-ci sait que la religion
demeure l'unique, l'ultime moyen de refaire la santé morale d'un peuple
qui a perdu, dans la crise de son histoire, tout ressort moral. Si
aujourd'hui il y a quelque chose qui vibre encore dans l'âme musulmane,
quelque chose qui la rend capable de se transformer et de se dépasser,
c'est bien l'Islam.
Aussi le colonialisme s'attaque-t-il partout à
cette puissance de résurrection. L'Islam devient donc l'objet de toutes
les restrictions, de toutes les surveillances. Il est aujourd'hui
infiniment plus facile d'ouvrir une maison de jeux ou un café qu’une
école Qur’ânique. D'autre part, c'est l'administration elle-même qui
désigne le personnel du Culte — le muphti et l'imam — non pas à la
satisfaction de la communauté musulmane, mais au gré des colons. Et, par
ce dispositif, elle tient en ses mains les suprêmes moyens de
corruption. L'homme qui dirige les dévotions à la mosquée n'est pas
choisi pour sa conscience morale ou pour sa science théologique, mais
surtout pour son utilité administrative, comme simple adjudant des
prières. Cette situation du culte n'est pas celle qui trouble le moins
la conscience du croyant, en le plaçant devant des faits parfaitement
perturbateurs: un imam qui moucharde, un muphti corrompu et corrupteur,
un cadi prévaricateur. On veut faire de l'Islam lui-même un aspect
pittoresque de la «vie indigène».
Et c'est ainsi que l'administration accumule les écueils et les entraves sur la voie de la renaissance musulmane.
Mais ici du moins, une confrontation directe
devient possible entre la colonisabilité et la colonisation comme
facteurs de paralysie. Cette confrontation nous permet de nous rendre
compte, sur le vif, que le colonisé peut toujours se libérer de sa
colonisabilité, dans la mesure où il applique son intelligence et son
effort à surmonter les difficultés, à contourner les écueils, à rompre
les entraves. Ici du moins, — parce que le musulman, même au stade
post-almohadien, ne souffre pas d'atteinte à sa religion, — nous le
voyons et nous l'avons vu, en Algérie notamment, édifier lui-même ses
nouvelles mosquées où il va librement faire ses dévotions, et ses
nouvelles écoles où son fils poursuit librement ses études. Ces
initiatives nous prouvent à quel point il ne s'agit pas de discourir sur
la liberté du culte, ni sur l'extension de l'enseignement, mais de
faire des œuvres sociales et d'accomplir des devoirs impérieux. Il est
évidemment excellent d'obtenir les «droits» que l'on a réclamés, mais il
ne s'agit pas, comme on le fait malheureusement encore, de renverser
l'ordre des valeurs en mettant les «droits» avant les «devoirs», — ce
qui ne pourrait qu'augmenter la confusion, le désarroi et le chaos en
multipliant les faux pas de la «boulitique».
Le colonialisme fait encore sonner minuit, mais
dans le monde, musulman, l'heure du sommeil et des fantômes est passée,
sans rémission. »
L’historien algérien Mahfoud Kaddache faisant
référence tant aux faits historiques qu’aux discours des observateurs
et des idéologues de la politique de peuplement colonialiste en Algérie
insiste sur l’arabité et l’islamité de la résistance algérienne,
Berbères et Arabes, contre la domination coloniale au nom de l’islam
qui dérouta la sociologie et la guerre psychologique du colonisateur : « Les
Chorfas qui furent très nombreux en Kabylie, les confréries en
particulier celle des Rahmania avec le cheikh Al Haddad en 1871
donnèrent souvent au patriotisme algérien un caractère mystique. […] Le
danger était encore plus grand avec la participation d’éléments kabyles
au mouvement des Oulémas ; les Berbères voyaient dans la renaissance
de la langue arabe, l’arabisme et le nationalisme musulman la condition
du réveil politique et l’émancipation de l’Algérie.»
Nul ne peut nier l’immobilisme persistant de la
pensée musulmane qui n’arrive pas encore à surmonté sa contradiction
logique dans sa confrontation à la colonisation. Dépasser cette
contradiction c’est aller vers le débat ultime : la civilisation. Le
colonialisme et ses vassaux ne sont que des accidents secondaires.
Malgré tout ce qu’on peut accepter comme critiques
objectives et subjectives contre les musulmans nul ne doit par contre
nier que la dynamique de libération est passée par l’apprentissage de la
langue arabe dans les écoles Qur’âniques mêmes si ces écoles sont
accusées d’avoir davantage développé le reflexe de Pavlov par
l’imitation et le parcoeurisme que l’Ijtihad. N’est-ce pas la critique
lancée par les partisans de l’école française contre l’école
Badissienne comme si cette dernière était prise en flagrant délit
d’incompétence pédagogique et didactique. Bien entendu on opère à une
« decontextualisation » historique et politique avant de lancer
l’amalgame de venin.
Nous pouvons prendre toutes les critiques comme
partiellement vraies car elles ne sont pas habitées par l’esprit de
vérité et de justesse mais par l’esprit du dénigrement idéologique. En
effet par des demi-vérités hors de leur contexte on cherche à créer de
la diversion idéologique car elle occulte le fait colonial et la
résistance contre le colonialisme par les moyens propres à l’indigène
qui a eu le génie de mettre en place sur les décombres de la décadence
et de l’occupation un système précaire de formation des élites
musulmanes. Ce système a conduit le mouvement de la renaissance
musulmane et de la libération nationale en étant ouvert à la pensée
musulmane revendiquant son existence, sa langue et sa parole pour
devenir acte de libération comme fut la parole de Djamel Eddine Al
Afghani rompant le silence sur le drame vécu par les musulmans en
réveillant leur conscience par cet appel à se réformer par le
Qur’ân : « Parmi les vertus du Qur’ân, il y a celle-ci qu’avant sa
révélation, les Arabes vivaient dans un état de barbarie
indescriptible. Mais un siècle et demi à peine après sa révélation, ces
mêmes Arabes devinrent les maîtres de leur monde et dépassèrent toutes
les nations de la terre, en politique, en science, en philosophie, en
industrie et en commerce. ».
De l’Egypte comme base il avait lancé
son appel à la libération de la pensée musulmane des ‘‘carcans de
l’immobilisme’’, à la promotion de la liberté de la presse. Il avait
préconisé la révolution politique comme moyen d’action le plus sûr et
le plus rapide pour se défaire des oligarchies qui soutiennent
l’influence des puissances européennes. Il préconisa la constitution
comme moyen permettant de limiter le pouvoir despotique. Et bien entendu
il s’est dressé sans faillir contre le colonialisme britannique qu’il
avait combattu déjà en Afghanistan en tant que gouvernant et soldat
trahi par les élites embourgeoisés. Al ‘Ourwa al Wotqa (l’anse la plus
solide) était son organe et sa devise qui signifiant dans la langue
arabe tout un programme anti colonial :
{Point de contrainte en religion maintenant
que la Vérité se distingue nettement de l’erreur. Désormais, celui qui
renie les fausses divinités pour vouer sa foi au Seigneur aura saisi
l’anse la plus solide, sans crainte de rupture. Dieu est Audient et
Omniscient.} Al-Baqara - 256.
Le premier problème qu’on veut occulter est de
renoncer à soi en refusant de retrouver sa langue et en entretenant
volontairement la confusion qui règne dans le monde des idées et leur
obsolescence dans le monde occidental et qu’on veut importer comme du
prêt à porter et à manger. Le second problème qu’on veut occulter est la
faillite du projet laïc nationaliste dans le monde arabe dans la
gouvernance sensée des peuples et la gestion saine des richesses
nationales. Fiasco total sur toutes les lignes. L’absence de probité
morale et intellectuelle les conduit à nier leur peuple, à le mépriser
et à collaborer avec le colonisateur au lieu de faire leur auto critique
et leur mue idéologique.
Les peuples n’ont ni la conscience ni le temps ni le
droit pour l’instant de leur demander des comptes sur la faillite
morale, économique, politique et culturelle de leur gestion. L’histoire
ne peut les épargner pour leur travail de sape contre l’Arabisation
qu’ils ont conduite au suicide par orgueil culturel, par mépris de
l’islam et par paresse d’apprendre l’Arabe. Vivant comme des rentiers de
la langue du colonisateur et du peu de savoir qu’ils ont acquis grâce
au sacrifice des libérateurs, martyrs, anciens Moudjahidines ou anciens
détenus, ils ont laborieusement torpillé tout effort d’alphabétisation
des peuples en prenant le peuple comme otage de leur diversion
idéologique sur la langue arabe et l’arabisation bâclée qui a produit
des ignorants ou au mieux de médiocres gagne pains par le potentiel de
nuisance mis dans tous les engrenages politiques, administratifs,
éducatifs, didactiques, pédagogiques et professionnels pour détruire la
langue du Qur’ân ou pour rester attachés aux Lumières françaises qui
ont conduit les Arabes vers les ténèbres de l’ignorance de la Lumière
Qur’ânique.
Quand la pensée refuse de s’actualiser au contact des
défis du temps ou quand les actions ne s’inspirent pas de l’effort de
la pensée noble et généreuse le délabrement idéologique ne peut que se
traduire par une volonté affiché de s’amputer de sa langue et
s’inscrire dans le silence exigé par le colonialisme et les despotes.
Faute de langue supportée par une académie, des Lettres, des arts et de
la science mais surtout par faute de vision claire sur l’avenir,
soumis ou insoumis à l’ordre colonial, nos idées restent confuses
voire mortifères pour le corps social qui ruralise sa langue et qui la
pratique comme si elle était un intrus au meilleur des cas et un
ennemi au pire des cas. C’est la ruralisation, au sens Khaldounien,
de la conscience et du langage qui ne s’éveillent qu’au contact des
choses et des besoins primaires et non pas l’Arabisation ou
l’Islamisation qui sont les vecteurs de ce nomade sans racines, sans
ancrage culturel et linguistique que nous appelons l’homme arabe
moderne. Victor Hugo avait : « le lion imitant un lion devient un
singe » qu’allons nous dire pour décrire notre aliénation ?
Dans le combat pour ou contre l’Arabe, l’arabité,
l’arabisation, nous ne devons jamais perdre de vue que le choix ou le
renoncement à ce combat est idéologique : renoncer totalement à soi ou
confirmer son identité, se voir dans une aire civilisationnel musulmane
libérée du « chirk » ou se voir préposé aux affaires coloniales dans
son pays maintenu par le colonisateur dans le statut de comptoir
commercial. Le Qur’ân nous rappelle, en sa qualité de Dikr, de ne pas
oublier les leçons du passé et de ne pas nous laisser leurrer par les
discours démagogiques qui nous font confondre nos priorités, nos
besoins, nos exigences, nos alliés, nos ennemis et notre devenir avec
ceux de l’impérialisme :
{Comment admettre que, quand ils sont les
plus forts, ils ne tiennent compte à votre égard ni des liens du sang
ni de la foi jurée? Ils ne cherchent qu’à vous plaire par de belles
paroles sans que leurs cœurs y adhèrent, car ils sont pour la plupart
des scélérats qui troquent à vil prix les enseignements de Dieu et se
dressent en obstacle sur Sa Voie, dans une attitude des plus exécrables,
sans jamais respecter à l’égard d’un croyant ni les liens du sang ni
la parole donnée. Ils agissent toujours en véritables transgresseurs.} At-Tauba - 8.
Si nous ne pouvons pas confondre celui qui agit sous
la contrainte sociale ou économique ou qui se contente des rituels
sans portée stratégique comment pouvons-nous nous tromper sur
l’essentiel de notre foi, de nos valeurs et de nos engagements et nous
laisser nous détourner par les promesses chimériques et les illusions à
court terme :
{Comment pouvez-vous assimiler celui qui est
chargé de distribuer l’eau aux pèlerins ou d’entretenir la Mosquée
sacrée à celui qui croit en Dieu, au Jugement dernier et qui combat pour
la Cause de Dieu? Non, ils ne sont pas égaux devant Dieu, et Dieu ne
guide point les injustes.} At-Tauba - 19
Ce combat pour ou contre la langue arabe est un
combat idéologique car la question qu’il soulève relève de notre système
de représentation du monde et la vision que nous faisons de nous-mêmes
dans ce monde : Fa’il (Sujet) ou Maf’oul bihi (Complément d’objet). Se
voir Fa’il sujet d’un verbe d’action et non seulement comme sujet des
auxiliaire être ou avoir c’est prendre le statut d’Actant. Prendre le
statut d’Actant c’est nécessairement donner le primat à l’acte qui
germe du monde de nos idées et de nos valeurs et non des idées d’autrui
et de ses valeurs. Le statut d’actant signifie aussi que notre verbe
prend appui de notre effort actantiel , l’acte qui se fait quête de son
propre devenir et de sa propre vérité et non du schéma que le regard
des autres veut y nous contraindre privé des verbes d’action pour nous
confiner à n’exister qu’en la seule qualité d’être végétatif contemplant
son avoir dans les banques occidentales et subsistant de la rente des
hydrocarbures.
Nos idées restent dans une large mesure dominées par
notre langue car elle véhicule, en dehors de l’émotion, le trait
d’union qui tisse des liens cognitifs à travers le livre, l’histoire,
la religion et la sonorité des mots. Quand l’idée est fée du logis et
que ce logis est entretenu par une belle langue alors la chose imaginée
par l’idée est au service du projet de civilisation et des critères
éthiques et esthétiques de cette civilisation et de cette langue comme
l’enseignait Mohamed (saws) à sa belle aimée Aïcha notre mère :
« O ‘Âïcha ! Si la parole grossière prend forme,
sa forme ne serait que mauvaise. Jamais les bonnes paroles ne sont
mises sur une chose sans l’embellir et jamais elles ne sont enlevées
d’une chose sans la rendre laide »
Dans notre cas cette langue est celle du Qur’ân qui
énonce d’une manière claire et nette l’architecture entre l’acte,
l’être, l’idéique et le linguistique :
{Vois-tu à quoi le Seigneur compare, à titre
d’exemple, la bonne parole? C’est à un bel arbre dont les racines se
fixent solidement dans le sol et dont la ramure s’élance vers le ciel,
en produisant, par la grâce de son Seigneur, des fruits à chaque
instant. Dieu propose ainsi des paraboles aux hommes pour les amener à
réfléchir. Au contraire, une méchante parole est semblable à un arbre
nuisible qui se développe à ras du sol, sans jamais y avoir une attache
solide.} Ibrahim 24 à 26
Ce choix volontariste pour l’arabisation et l’arabité
n’est pas obligatoirement manichéen ou autarcique. La possession de sa
langue ne veut pas dire s’enfermer dans un isolat linguistique, mais
la combinaison intelligente et harmonieuse entre soi et les autres.
Sous n’importe quelle langue y compris celle du Qur’ân nous ne pouvons
accepter l’idée d’être un entassement chaotique de choses sans style,
sans esthétique, sans projet, sans humanité, sans devoir de témoignage
aux autres.
La loi qui gouverne l’univers est une loi qui refuse
la dissonance comme elle refuse l’indifférenciation. Comme la touche
d’un peintre de génie comme Matisse qui a perçu la vibration des
différences dans l’unité qui donne accord « Un ton seul n’est qu’une
couleur, deux tons c’est un accord, c’est la vie » la présence des
idiomes et des couleurs des hommes témoigne de la présence de l’Unicité
du Créateur qui a choisi, par sagesse, de révéler son ultime Message
dans l’Arabe :
{Et parmi Ses signes, il y a aussi la
création des Cieux et de la Terre, la diversité de vos langues et de
vos couleurs. En vérité, il y a en cela des signes pour des esprits
éclairés.} Ar-Rum - 22.
{Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle
et d’une femelle, et Nous vous avons répartis en peuples et en tribus,
pour que vous fassiez connaissance entre vous. En vérité, le plus
méritant d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux.} Al-Hujurat - 13.
La loi de l’harmonie qui veut qu’il y ait une
multitude dans l’unité et l’unité dans la diversité exige comme dans
l’harmonie chromatique un rapport de grandeur, de valeur et d’intensité
comme dit André Lhote : « Lorsque trois couleurs sont en présence.
Une seule doit être poussée au maximum, la seconde diminuée et la
troisième suggérée » ou dans un autre style L.B Alberti : « Et
vraiment il y aura de la grâce alors que les couleurs sont juxtaposées
avec une exacte habileté … Car un tel assemblage procure, grâce à la
variété, un grand charme, et grâce au contraste, une plus grande
beauté »
Une seule langue doit dominée sans que celle-ci ne
soit tyrannique. Les musulmans quand ils étaient porteurs du principe du
sens du Monothéisme ils ont conjugué les sciences et les arts avec la
langue arabe comme ils avaient confronté leur langue avec les langues
d’Asie et d’Europe s’enrichissant mutuellement par la traduction et
l’échange civilisationnel. Les musulmans armés de l’Arabe avaient le
sens de l’harmonie et du beau car ils avaient acquis le sens de la
vérité et de ce fait ils étaient un témoignage du Qur’ân et de l’Arabe
forgeant l’admiration des uns et inspirant la crainte aux autres :
{Muhammad est le Prophète de Dieu. Autant ses
Compagnons sont durs envers les infidèles, autant ils sont pleins de
compassion entre eux. On les voit s’incliner et se prosterner, aspirant à
obtenir la grâce et l’assentiment du Seigneur. On les reconnaît à
l’empreinte laissée sur leurs visages par leurs prosternations dans la
prière. Telle est l’image qu’on donne d’eux dans la Thora, alors que
dans l’Évangile ils sont comparés à une semence qui germe, se gonfle de
sève et grandit pour se dresser sur sa tige, faisant l’admiration des
laboureurs et soulevant le courroux des infidèles.} Al-Fat-h - 29.
Tous les musulmans ayant conscience de la lutte anti
impérialisme menée par l'islam dans sa lutte plus globale, la lutte
contre le mal et le mensonge, même s'ils sont francisés ou francophones,
vivant en terres arabes ou latines doivent se hisser au niveau de la
responsabilité historique, culturelle et religieuse de la défense, de la
réhabilitation et de la promotion de la langue arabe. Il ne s'agit pas
de se soumettre aux monarchies petro dollaresques ni de nier nos
dialectes et nos coutumes ancestrales mais de se hisser au modèle de
l'homme parfait, l'archétype à suivre inscrit déjà dans Adam bien avant
que nous soyons existenciés : Mohamed (saws). Ce Prophète illettré a
inscrit la bataille culturelle et linguistique au cœur de la bataille
pour l'islam et pour la libération des peuples convertis à l’islam en la
posant en termes culturels mettant fin ainsi avant l’heure aux fausses
querelles et ethniques et linguistiques :
« L’Arabe est celui qui parle la langue arabe. »
Mohamed (saws) visait naturellement la langue du
Qur’ân et non celle des Quraychites idolâtres. Notre visée dans
l’exercice de l’islamité ne peut faire l’impasse sur l’Arabité selon
l’expression chère à Cheikh El Ghazali transposée au cadre algérien « je suis un Pharaon que l’islam a arabisé ». Avant lui Cheikh Ibn Badis a proclamé la même vérité : «
Les fils de Ya’rub (les Arabes) et les fils de Mazigh (les Berbères)
sont unis par l’Islam depuis plus de dix siècles. Et tout au tout au
long de ces siècles, ils n’ont pas cessé d’être étroitement liés les uns
aux autres, dans la mauvaise et la bonne fortune, dans les jours de
joie et les jours d’épreuves, dans les temps heureux comme dans les
temps difficiles de sorte qu’ils forment depuis les âges les plus
reculés, un élément musulman algérien dont la mère est l’Algérie, et le
père l’Islam. Les fils de Ya’rub et ceux de Mazigh ont inscrit les
marques (ayat) de leur union sur les pages de l’histoire avec le sang
qu’ils ont versé, sur les champs d’honneur pour assurer la suprématie de
la Parole de Dieu et avec l’encre qu’ils ont coulée au service de la
science. Après cela, quelle force est-elle capable de les séparer ? Ils
ne se sont point divisés du temps qu’ils étaient les plus forts ;
comment pourraient-ils alors que ce sont d’autres qu’eux qui détiennent
le pouvoir ? Par Dieu, non. Et toute tentative pour les diviser ne fera
que renforcer leur union et consolider leurs liens ».
Le linguiste et historien marocain, le docteur
Abdelaziz Abdallah membre de l'académie marocaine, a démontré, documents
historiques à l’appui que les Amazighes marocains dès leur
islamisation ils ont appris la langue arabe et y ont excellé et l'ont
rendue porteuse de leur culture et de leur histoire. Leur attachement à
l’Arabe et à l’Islam était tel qu’ils avaient sans regret et sans
contraintes délaisser leurs appartenances tribales et ethniques. Comme
en Algérie les tribus berbères se sont mobilisés derrière Abdelkrim Al
Khattabi, un descendant de Omar Ibn Al Kattab, pour libérer le Maroc de
l’emprise coloniale française et espagnole au nom de la liberté, de
l’arabité et de l’islamité du Maghreb.
Aussi bien en Algérie qu’au Maroc la langue berbère
ne s’est conservée que par son enrichissement par l’adjonction de mots
arabes. Sur cette question le docteur Abdelaziz Abdallah démontre
scientifiquement que la conservation et l'amélioration des langues
amazighes et du patrimoine culturel berbère ne se sont accomplis que
grâce à la langue arabe. Il affirme que ni le caractère latin ni le
chinois ni autre hiéroglyphe ni autre hiérographie ne pourrait protéger
et développer mieux que l’Arabe et l’Islam le signe berbère.
Le mouvement islamiste algérien a permis à cette
vérité de s’éclater au grand jour : les grands prédicateurs, les grands
imams, les grands cadres des partis islamistes sont majoritairement
d’origine berbère maniant l’Arabe avec toutes ses subtilités pour
interpréter le Qur’ân ou déclamer la poésie arabe.
L’Islam et l’Arabe sont intimement liés au-delà de ce
temps terrestre, ils sont inscrits dans l’universel et l’éternel.
Toute ethnie qui embrasse l’Islam perd le sens de minorité ou de
majorité dès lors qu’elle s’est fondue dans ce qui fédère au-delà du
temps et de l’espace :
{Ainsi, Nous t’avons révélé en ce Qur’ân un
code de sagesse en langue arabe. Si tu cèdes à leurs chimères, après la
science que tu as reçue, tu ne trouveras plus ni soutien ni protecteur
contre ton Seigneur.} Ar-Ra'd - 37.
C’est la langue que la Providence a choisi pour nous
et nous ne pouvons ni ergoter ni aller contre la volonté divine car
aussi bien le contenu que le support langagier du Qur’ân sont protégés,
inviolables, infalsifiables en dépit de la rage et de la rancune des
transgresseurs et des faussaires
{Telle est la parole de ton Seigneur, qui
s’est accomplie en toute vérité et en toute justice, car Ses paroles
sont immuables. Dieu entend tout et Sa science n’a point de limite.} Al-An'am - 115.
Dans cette lutte idéologique, culturelle et
spirituelle Zeinab Abdelaziz nous livre quelques clés et quelques jeux
de mots pour comprendre les maux, les enjeux et les mécanismes qui se
déroulent en silence et sous des formes multiples dans chaque pays arabe
sans que les Arabes et les Musulmans ne tissent les liens pour voir
que c'est le même combat contre l'islam et son socle culturel et
linguistique qui se joue au Maghreb en particulier l’ Algérie eu égard à
sa guerre de libération nationale contre le pacte de l’OTAN et au
Machreq en particulier l’Egypte eu égard à son poids culturel et
politique dans le monde musulman .
Il faut absolument lire le texte de Zeinab :
كبوة " سيبويه" Sibaweyh (*)
Ce texte riche en couleur, en jeu de mots, témoigne
une fois de plus, de la consécration du sens, au féminin, dans la
défense des causes justes sous un titre qui m’a interpellé pour en être
l’écho alors que m’échappait toutes ses subtilités par ma connaissance
sommaire de la langue arabe.
Il s’agit en réalité de la mise à nu des autres
versants de la guerre contre l’Arabe et de sa mise à nu dans le
processus historique de colonisation des esprits et d’Evangélisation des
consciences par l’attaque sournoise des principales références de la
langue arabe, son dictionnaire le plus représentatif et le plus
prestigieux et dans l’attaque des références Boukhari et Muslim les
transmetteurs par méthode scientifique de la Sunna du Prophète. Une
œuvre diabolique qui oublie comme a oublié le colonialisme et avant eux
les stratagèmes de Pharaons que contre la ruse visible des pervers il y
a la planification invisible d’Allah à l’œuvre :
{L’œuvre des magiciens ne peut jamais prospérer?} Yunus 77
{Certes, les négateurs mettent en œuvre leurs
stratagèmes, auxquels feront face les Miens. Accorde donc un délai à
ces impies ! Accorde-leur encore un court répit !} at Tariq 15
Le linguiste et historien maghrébin, Abdelaziz
Abdallah, a mis en exergue une vérité historique et linguistique qui
nous échappe hélas : « Durant trois siècles les Juifs se sont appuyés
sur les écrits de Sibawayh, le savant linguiste arabisant, pour
restaurer la grammaire de l’hébreux ». Les juifs et les Chrétiens, dans
leur recherche historique reviennent aux manuscrits arabes qui sont en
leur possession et qui témoignent du niveau inégalé de l’Arabe dans
les sciences, la littérature et les arts.
(*) Sibaweyh - (140-180 h ou 760-/796 ap JC). De son
vrai nom Abou Bachar ‘Amrou Ibn Othman Ibn Qanbar El Baçri il est l'un
des plus grands - si ce n'est le plus grand - des grammairiens et
linguistiques arabes. D’origine persane (né à Al Baydha près de Chiraz
d’où il tire son surnom de Sibaweyh (odeur de pommiers) il a vécu à
Bassora en Irak où il s’est consacré à enseigner l’Arabe et produire la
première encyclopédie arabe dénommé Al Kitab, le Livre.
Omar Mazri
Ce texte riche en couleur, en jeu de mots, témoigne
une fois de plus, de la consécration du sens, au féminin, dans la
défense des causes justes sous un titre qui m’a interpellé pour en être
l’écho alors que m’échappait toutes ses subtilités par ma connaissance
sommaire de la langue arabe.
Il s’agit en réalité de la mise à nu des autres
versants de la guerre contre l’Arabe et de sa mise à nu dans le
processus historique de colonisation des esprits et d’Evangélisation des
consciences par l’attaque sournoise des principales références de la
langue arabe, son dictionnaire le plus représentatif et le plus
prestigieux et dans l’attaque des références Boukhari et Muslim les
transmetteurs par méthode scientifique de la Sunna du Prophète. Une
œuvre diabolique qui oublie comme a oublié le colonialisme et avant eux
les stratagèmes de Pharaons que contre la ruse visible des pervers il y
a la planification invisible d’Allah à l’œuvre :
{L’œuvre des magiciens ne peut jamais prospérer?} Yunus 77
{Certes, les négateurs mettent en œuvre leurs
stratagèmes, auxquels feront face les Miens. Accorde donc un délai à
ces impies ! Accorde-leur encore un court répit !} at Tariq 15
Prière faites l'effort de ne pas entrer dans un débat
dont vous ignorez la genèse, les enjeux et les acteurs. Il y a des
situations où garder le silence est un acte de foi, une prise de postion
alors que dans d'autres c'est tourner au ridicule, jouer à l'Arabe de
service, à l'auxilliaire de l'Islam de France.
(*) Sibaweyh - (140-180 h ou 760-/796 ap JC). De son
vrai nom Abou Bachar ‘Amrou Ibn Othman Ibn Qanbar El Baçri il est l'un
des plus grands - si ce n'est le plus grand - des grammairiens et
linguistiques arabes. D’origine persane (né à Al Baydha près de Chiraz
d’où il tire son surnom de Sibaweyh (odeur de pommiers) il a vécu à
Bassora en Irak où il s’est consacré à enseigner l’Arabe et produire la
première encyclopédie arabe dénommé Al Kitab, le Livre.
Sur Al Jazeera net le linguiste et historien
maghrébin, Abdelaziz Abdallah, a mis en exergue une vérité historique
et linguistique qui nous échappe hélas : « Durant trois siècles les
Juifs se sont appuyés sur les écrits de Sibawayh, le savant linguiste
arabisant, pour restaurer la grammaire de l’hébreux ». Les juifs et les
Chrétiens, dans leur recherche historique reviennent aux manuscrits
arabes qui sont en leur possession et qui témoignent du niveau inégalé
de l’Arabe dans les sciences, la littérature et les arts.
Source :
http://www.liberation-opprimes.net/index.php?option=com_content&view=article&id=981:complot-et-guerre-contre-larabe
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