Les 72 anomalies de l’affaire Mohamed Merah
Par Hicham Hamza,
Exclusif. Quatre mois après les assassinats de Toulouse et
Montauban, Oumma vous propose de découvrir la liste troublante des
contradictions, mensonges et autres incohérences de la version
officielle. Révélations.
Huit morts au total, deux blessés
graves, plusieurs familles endeuillées et des millions de citoyens qui
s’interrogent : le drame survenu du 11 au 22 mars dans la région de
Toulouse continue de hanter les esprits. Phénomène inédit, le
scepticisme, exprimé massivement sur Internet, envers le récit
politico-médiatique ne s’est pas estompé depuis. Au contraire : les
dernières péripéties de l’affaire Merah renforcent le doute. Et comme le
faisait remarquer, début avril, le philosophe Bernard Stiegler, cette défiance envers la version officielle ne provient pas de quelques « intellectuels qui font des ratiocinations » mais bien de la plupart des « gens de bon sens ».
Pour tenter d’y voir plus clair, Oumma a recensé, à partir des éléments
factuels rendus publics, les nombreuses questions suscitées par les
zones d’ombre. Une liste longue mais non exhaustive, formulée ici pour
la première fois.
1/ Pourquoi les policiers incompétents du RAID et de la DCRI ont-ils reçu une Légion d’honneur ?
Les premiers n’auraient pas réussi à capturer Merah vivant tandis que
les seconds, chargés du renseignement, auraient sous-estimé, dans le
passé, sa dangerosité supposée. Paradoxalement, ce double échec se voit
pourtant récompensé par une prestigieuse décoration.
2 / Comment la fiche des renseignements relative à Mohamed Merah, créée en 2006, a-t-elle pu disparaître le 30 mars 2010 pour réapparaître le 2 décembre 2011 ? Curieusement, l’homme était entretemps décrit par la DCRI comme quelqu’un de « fiable »selon
un document classé secret-défense et consulté par Paris-Match. Un terme
qui renvoie au jargon désignant un « indicateur », déjà en activité ou
potentiel.
3/ Pourquoi le portrait-robot initial du « tueur à scooter » diffère-t-il à ce point de la physionomie de Mohamed Merah ? Au
soir du 19 mars, jour du drame perpétré au collège-lycée Ozar Hatorah,
les descriptions récoltées depuis 4 jours faisaient état d’un homme au « visage blanc »avec des « yeux bleusou verts ». Contrairement à ce qu’affirme Le Monde pour discréditer cette piste, très débattue sur les forums du web, ce n’est pas un seul témoin- une résidente de Montauban surnommée Martine et qualifiée alors de « crédible »
par les enquêteurs- qui décrit un autre type d’homme mais bien
plusieurs personnes qui seront interrogées par la police toulousaine,
notamment des élèves de l’établissement scolaire privé. Paris-Match rapporte ainsi le récit détaillé de « David et Ruben » tandis que le quotidien Le Progrès a recueilli le témoignage d’un élève originaire de Lyon qui décrit un tueur « aux yeux verts ». Chose étrange, dans la longue retranscription de la négociation du RAID publiée mardi par Libération, Mohamed Merah se serait lui-même étonné du « pipeau »
de Martine à son sujet. Son interlocuteur, Hassan L. de la DCRI, lui
aurait alors rétorqué, a contrario de l’avis exprimé auparavant par la
police judiciaire, qu’il s’agissait simplement d’une « folle »...
4/ Comment s’explique le prétendu coup de fil de Merah à la chaîne France 24 ?
Dans la nuit du mercredi 21 mars, vers 0h45, la journaliste Ebba
Kalondo a reçu l’appel d’un homme revendiquant en détail les sept
meurtres de Toulouse et Montauban. Depuis une cabine téléphonique
située à 800 mètres du domicile de Merah, l’individu se serait servi
d’une carte prépayée, renvoyant vers un opérateur espagnol, pour
s’entretenir durant onze minutes avec la rédactrice en chef. Hormis
l’absence de tout enregistrement permettant d’identifier avec certitude
la voix de Merah, un autre problème apparaît : comment le jeune
Toulousain a-t-il pu quitter son domicile autour duquel deux caméras,
gérées par la DCRI, étaient disposées depuis mardi matin ? Une
surveillance humaine était déjà en place la veille et les policiers
admettent aujourd’hui que le visage de Merah a été aperçu à sa fenêtre,
mardi vers 10h. Alors qu’il est encerclé depuis lundi par plusieurs
agents, issus de la DCRI en première ligne et de la Brigade de Recherche
et d’Intervention en arrière, comment Merah a-t-il pu quitter mardi son
domicile librement, visiter une amie vers 21h et s’entretenir
longuement avec des camarades des Izards en plein air, autour de minuit,
avant de passer un coup de fil à France 24 puis de regagner son
appartement et garer tranquillement sa Mégane à l’arrière de son
immeuble, tout cela sans être interpellé ni même aperçu ?
5/ Y avait-il un ordinateur connecté à Internet dans l’appartement de Merah durant l’assaut du RAID ? La question a son importance : Claude Guéant
et le Parquet de Paris affirment que le Toulousain ne disposait d’aucun
ordinateur ou autre appareil de prise de vues qui lui aurait permis
d’envoyer une vidéo à l’extérieur. Problème : un passage d’une enquête
réalisée par Paris-Match
avant ces déclarations officielles et décrivant les éléments retrouvés
après le siège du RAID vient précisément contredire l’assertion de
l’ex-ministre de l’Intérieur. Extrait du chapitre 11 : « sur l’écran
de son ordinateur, 3 fenêtres sont ouvertes : l’une sur un site
islamiste qui diffuse des scènes de torture, révèle un enquêteur de la
police judiciaire,une autre, sur un jeu vidéo et une 3ème sur un site pornographique : le triptyque d’un déséquilibre profond ».
6/ Mohamed Merah disposait-il d’un téléphone portable lors du premier assaut raté du RAID ?
Zahia Mokhtari, avocate de père Merah, affirme détenir deux vidéos
enregistrées à partir d’un smartphone dans lesquelles le jeune homme
aurait crié à son innocence. Sa sœur aîné, Souad, lui avait offert fin
2011 un téléphone portable doté du numéro 06212378XX. Fait méconnu, un
premier compte-rendu de l’opération du RAID rapportait l’échange
conjoint d’une arme et d’un portable contre le talkie-walkie fourni par
les policiers pour négocier avec le suspect. En outre, un article du
Parisien évoquait également la mise sur écoute,
pendant le siège de l’appartement, de deux lignes téléphoniques actives
au nom de Mohamed Merah. L’ex-ministre de l’Intérieur a pourtant répété
à maintes reprises que Merah n’avait aucun moyen personnel pour
communiquer à l’extérieur.
7/ A quoi joue Zahia Mokhtari ? L’avocate
du père de Mohamed Merah, qui a déposé plainte contre X pour « meurtre
avec circonstances aggravantes » ne cesse, depuis le 1er avril, de
temporiser la remise à la justice des vidéos démontrant, selon elle,
l’innocence du jeune homme. Curieusement, seul un quotidien proche des
services secrets algériens, Echourouk, a bénéficié de « l’exclusivité »
d’une retranscription des vidéos, directement fournie par le cabinet de
l’avocate. Le texte d’une telle retranscription peut être mis en doute
dans la mesure où aucun journaliste indépendant n’a eu publiquement
accès aux images. En outre, si l’on en croit la presse algérienne,
la dernière conférence de presse de Zahia Mokhtari, mi-juillet, était
émaillée de grossières erreurs factuelles à propos de Mohamed Merah dont
elle dresse également un portrait excessivement angélique.
8/ Pourquoi une telle sur-communication de
l’appareil d’Etat dès le lundi 19 mars, jour de la tuerie perpétrée au
collège-lycée Ozar Hatorah ? Au-delà du plan écarlate instauré
dans la région et de l’inévitable exploitation politicienne en pleine
campagne électorale, qu’a-t-on pu observer ? Claude Guéant transformé en
procureur local, Nicolas Sarkozy débarqué trois heures après le meurtre
de l’enseignant et des enfants pour afficher son émotion et gêner au
passage le travail des secouristes, Bernard Squarcini -en charge de la
DCRI- également présent sur place et son numéro 2, le discret Frédéric
Veaux, accordant exceptionnellement une interview
à TF1, Frédéric Péchenard-directeur de la police nationale- arrivé
mercredi matin pour superviser à son tour les opérations du RAID, sans
oublier, déjà sur place, François Molins, procureur de la République de
Paris, Olivier Christen, en charge de la section antiterroriste du
Parquet de Paris et Eric Voulleminot de la police judiciaire-unité de la
SDAT, François Fillon pour accueillir les corps lors d’une cérémonie
spéciale à l’aéroport de Roissy et Alain Juppé, ministre des Affaires
étrangères, expédié à Jérusalem pour les obsèques alors qu’un simple secrétaire d’Etat était présent pour l’enterrement au Maroc d’Imad Ibn Ziaten, premier militaire abattu. Comme le faisait remarquer
Yves Bonnet, ancien responsable du contre-terrorisme, il est
extrêmement rarissime de voir des cadres de la police communiquer à ce
point sur une opération en cours.
9/ Comment s’explique le verrouillage de l’affaire Merah, à tous les niveaux, par le clan Sarkozy ? Outre l’ex-Président et son fidèle bras droit Claude Guéant, on peut constater la présence de François Molins, ancien directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie, et de Henri-Michel Comet,
préfet de Midi-Pyrénées et ex-secrétaire général de Guéant à
l’Intérieur, sans négliger Péchenard, ami d’enfance de Sarkozy et
d’Amaury de Hautecloque -l’homme en charge du RAID ainsi que Squarcini,
intime de l’ancien chef de l’Etat. Deux autres noms s’ajoutent à ce
groupe : Guy Teissier, le président ultra-sarkozyste de la délégation
parlementaire au renseignement qui a dédouané la DCRI et la DGSE de
toute bavure, et Abdallah Zekri, membre du CFCM et ex-militant de l’UMP, qui fut envoyé à Toulouse pour superviser les obsèques expéditives de Mohamed Merah.
10/ Quelle confiance accorder aux enquêteurs de la section antiterroriste du Parquet de Paris ?
Par expérience, ces derniers collaborent régulièrement avec la DCRI.
Ces deux mondes, en vase clos, s’interpénètrent. Quant à François
Molins, procureur de la République de Paris, sa connivence avec le clan
sarkozyste a même été évoquée
par François Hollande lors du débat électoral de l’entre-deux tours. Le
futur chef de l’Etat s’étonnait du caractère politisé de la nomination
présidentielle -à la tête du Parquet de Paris- d’un ex-directeur de
cabinet ministériel si proche de l’UMP.
11/ D’où provient la carte de visite d’un policier -chargé de la sécurité de Nicolas Sarkozy- qui fut retrouvée dans le box de Merah ? S’agit-il là d’une pièce à conviction fondamentale ou d’une fausse piste délibérément fabriquée pour induire en erreur ?
12/ Comment Mohamed Merah s’est-il procuré un gilet pare-balles de la police, de taille dite « gendarmette » et adapté à sa fine silhouette ?
13/ Pourquoi le colt 45 détenu par le jeune homme est-il caractérisé par une modification spécifique aux forces d’élite de la police française ?
14/ Comment Merah a-t-il pu s’envoler le 19
août 2011 pour le Pakistan sans être signalé à la DCRI, pourtant
présente à l’aéroport de Roissy, alors qu’il était auparavant l’objet de
1200 heures de surveillance et d’une inscription dans le Fichier des
Personnes Recherchées ainsi que dans la base de données CRISTINA ?
15/ Comment la DCRI peut-elle prétendre
avoir été informé de l’interception- par la CIA- de mails envoyés par
Merah depuis le Pakistan au lendemain seulement, soit six mois plus
tard, des tueries de Toulouse et Montauban ?
16/ Quelle est la source et la fiabilité d’Il Foglio, quotidien italien proche des néoconservateurs américains et israéliens, selon lequel Merah a voyagé au Moyen-Orient grâce à une couverture établie par la DGSE ?
17/ Pourquoi le Shin Beth, service israélien du renseignement intérieur, ne peut-il confirmer l’affirmation de Bernard Squarcini, ex-patron de la DCRI, selon lequel Merah a été arrêté à Jérusalem en possession d’un couteau ?
18/ Comment le centre SITE, dirigé par l’Israélo-Américaine Rita Katz et chargé de surveiller les sites islamistes, a-t-il découvert, le 31 mars, la revendication -mise en ligne mais prétendument retirée aussitôt- des tueries de Toulouse par un mouvement terroriste dénommé Jund al-Khilafah ?
19/ Quels sont les passeports utilisés par Merah pour voyager ? Le dossier secret-défense de la DCRI, consulté par Paris-Match,
révèle que les photocopies relatives aux tampons des pays visités sont
manquantes. En mars 2010, Merah a renouvelé son passeport algérien, six
mois après l’obtention, à sa sortie de prison, d’un nouveau passeport
français. Curieusement, le journaliste Jean-Marie Pontaut affirme, pour
sa part, que Merah a reçu un autre passeport français, également en mars
2010, soit 4 mois avant son premier périple au Moyen-Orient. Le jeune
homme a-t-il pu disposer de plusieurs passeports différents sous une
autre identité ?
20/ Pourquoi le RAID, rattaché à la police, a-t-il été envoyé plutôt que le GIGN, plus indépendant de la tutelle politique ?
21/ Pourquoi des gaz lacrymogènes -et non
pas incapacitants, formellement interdits par les conventions
internationales- n’ont-ils pas été utilisés plus tôt pour neutraliser le
suspect ?
22/ Pourquoi choisir un siège spectaculaire
de l’appartement, durant 32 heures, plutôt que la mise en place d’une
« souricière » pour l’interpeller rapidement à la sortie de son domicile
?
23/ Comment 300 balles d’un côté, 69 de
l’autre, ont-ils pu être échangées -au terme d’une heure pour progresser
vers la salle de bain- lors d’une fusillade d’environ 5 minutes dans un
appartement d’à peine 38m2 ?
24/ Qui a effacé l’audio original, curieusement capturé sur un simple smartphone, de la négociation entre Merah et les policiers ?
25/ Pourquoi y-a-il différents rapports à propos du nombre d’impacts de balles sur le corps de Merah ? 24 selon la Dépêche du Midi, 28 pour le patron du RAID, 31 selon Paris-Match et 87 d’après l’avocate du père de Merah.
26/ Pourquoi un camion de pompiers, comme le
rapporte Le Monde du 23 mars, a-t-il été spécialement déplacé pour
cacher la vue aux journalistes lors de l’assaut du RAID ?
27/ Pourquoi Charles Pasqua,
ex-ministre de l’Intérieur et ancien mentor du tandem Sarkozy-Guéant,
a-t-il affirmé, jeudi 22 mars sur I Télé, qu’il n’avait jamais cru à la
capture de Merah vivant ?
28/ Comment s’explique le délai anormalement long pour identifier Merah à travers son usage d’Internet ?
Son nom sera évoqué pour la première fois lundi 19 mars, à 9H du matin,
par les enquêteurs, soit 1 heure après le quadruple meurtre d’Ozar
Hatorah. Du lundi 12 au jeudi 15 au soir, il aura fallu près de quatre
jours pour identifier les 576 adresses IP ayant consulté l’annonce du
premier militaire et trois jours supplémentaires pour faire des
recoupements avec, notamment, le fichier CRISTINA dans lequel la mère de
Merah était inscrite.
29/ Comment Merah a-t-il pu confier au RAID
et à la journaliste de France 24 avoir d’autres projets d’attentat pour
les prochains jours alors qu’il aurait déjà laissé, chez une amie et
selon des enquêteurs interrogés par Paris-Match, un testament-confession plié dans un Coran ?
30/ Pourquoi deux plaintes, dont l’une
circonstanciée pour agression, ont-elles été déposées contre Merah en
juin 2010, signalées à la DCRI mais finalement classées sans suite en
janvier 2011 ?
31/ Quelle est la « source policière » ayant indiqué aux journalistes que le frère de Merah, Abdelkader, aurait déclaré avoir été « fier » des actes imputés à son cadet alors que son avocate a démenti l’existence de tels propos ?
32/ Comment Merah, non anglophone et piètre
arabophone, a-t-il pu parvenir à s’introduire en solo dans la dangereuse
région pakistanaise du Waziristan, à la fois bastion des talibans et
nid d’espions ?
33/ Comment Merah a-t-il réussi à devenir un tireur -qualifié de « professionnel »
selon les enquêteurs présents à Montauban- après seulement deux jours
de formation prodiguée, d’après les autorités françaises, dans la ville
pakistanaise de Miranshah ?
34/ Pourquoi la présence de Mohamed Merah en Afghanistan, en novembre 2010 et sous son patronyme, a-t-elle été démentie par l’ISAF ?
35/ Comment s’explique l’apparente décontraction de Merah, selon plusieurs témoins, au soir du double meurtre de Montauban ou dans l’après-midi de la tuerie d’Ozar Hatorah ?
36/ D’où provenait exactement l’argent de Merah ? L’homme aurait constitué un butin « entre 20000 et 30000 euros »
selon les autorités alors qu’il était censé vivre du RSA -390 euros par
mois- et payer un loyer de 160 euros. Officiellement, c’est grâce au « banditisme »
qu’il a pu amasser cette fortune lui permettant de s’octroyer, en vrac,
un arsenal d’armes considérable, plusieurs voitures en location ainsi
qu’un MacBook et une caméra GoPro HD. Mi-décembre 2011, Merah a ainsi
effectué un règlement de 1235 euros auprès d’une agence de location
automobile. Un mois plus tôt, l’homme a pu aisément louer, selon un
témoignage recueilli par M6, « une fiesta, une punto et une ibiza » en l’espace de quelques jours.
37/ Pourquoi les sénateurs n’ont-ils pas été autorisés à auditionner les deux responsables des services de renseignement ? Leurs ministres de tutelle, Claude Guéant et Gérard Longuet, ont refusé
la rencontre. Des experts proches du pouvoir, à l’instar d’Alain Bauer,
ont justifié la décision gouvernementale au moyen d’un prétexte
discutable : l’existence d’une délégation parlementaire au
renseignement, seule habilitée -selon lui- à pouvoir interroger les
patrons de la DCRI et de la DGSE. Problème : cette délégation, dirigée
par Guy Teissier-ancien militant d’extrême droite, ultra-sarkozyste et
signataire du très droitier « Pacte
des Amis d’Israël », s’est réunie à huis-clos pour entendre Bernard
Squarcini et Erard Corbin de Mangoux. A la sortie, Guy Teissier a fait
savoir par un communiqué inhabituel et lapidaire qu’il n’y avait « aucune ombre au tableau »
dans les actions des services secrets dans l’affaire Merah. Ironie
démontrant l’hypocrisie de la procédure, Guy Teissier n’a dû rendre
compte, en détail, de l’audition qu’au chef de l’Etat, lui-même impliqué
dans la gestion de l’affaire.
38/ Quel est le but des nombreux appels téléphoniques, effectués le jour de la tuerie d’Ozar Hatorah, par l’antenne toulousaine de la DCRI sur le portable de Merah ?
39/ Quelle est la fiabilité du propos
-imputé à Merah- selon lequel il aurait filmé avec sa caméra GoPro des
gendarmes restés passifs lors du meurtre du premier militaire ?
40/ Pourquoi Merah serait-il parti le 17
juillet 2010 au Moyen-Orient en démarrant par l’Allemagne avant de
gagner la Turquie puis seulement la Syrie ?
41/ Comment s’expliquent les obsèques
expéditives de Merah, enterré dans un cercueil plombé en l’absence de sa
famille et sans avoir fait l’objet d’une contre-autopsie ?
42/ Quelle est la cause exacte de la confusion relative à l’interdiction d’un enterrement en Algérie ?
Les autorités du pays imputent le refus au maire d’une localité mais
celui-ci dément s’être opposé à la requête du père de Mohamed Merah.
43/ Pourquoi Merah a-t-il demandé à une amie, croisée en discothèque samedi 17 mars, de l’héberger à partir du mardi suivant ?
Comme prévu, le jeune homme a ramené des affaires dans son appartement
ce mardi, vers 21h, avant de s’entretenir, sereinement d’après elle, de
projets d’avenir.
44/ Pour quel motif Merah décide-t-il de
rentrer chez lui, dans la nuit de mercredi 21 mars, alors qu’il se sait
recherché par la police ? Son nom circulait depuis lundi
après-midi dans le quartier des Izards en raison d’une visite de la
police judiciaire, venue interroger son ex-employeur. Deux heures avant
le retour à son domicile, Merah avait passé la fin de soirée aux Izards,
discutant, longuement et à l’extérieur, avec ses camarades de jeunesse.
45/ Pourquoi Merah, féru d’Internet et
ex-membre de la plate-forme Skyblog, n’a-t-il pas mis en ligne la vidéo
des tueries de Toulouse et Montauban ? Si l’on en croit la retranscription
de la négociation entre le RAID et le jeune homme, publiée le 17
juillet sur 173 pages par Liberation.fr, Merah aurait voulu, pour jeter « l’effroi dans les cœurs », envoyer sa vidéo de 24 mn sur Youtube mais il a dû renoncer
car le site refuse la mise en ligne de toute vidéo d’une durée
supérieure à 15 mn. Un prétexte absurde : non seulement Youtube autorise
désormais des durées supérieures pour tout utilisateur régulier mais,
surtout, il existe de nombreux autres sites qui permettent
immédiatement, à tout nouvel inscrit, la publication d’une vidéo de 24
mn.
46/ Qui a envoyé la clé USB, reçue par le bureau parisien d’Al Jazeera le lundi 26 mars et contenant la vidéo des tueries ?
Détail méconnu, le film a été réalisé à partir du mardi 20 mars car les
noms des sept victimes, révélés alors par la presse, apparaissent en
surimpression dans les images.
47/ Comment s’explique l’absence -typique
d’un tueur professionnel- de toute trace ADN de Mohamed Merah sur les
trois scènes de crime ainsi que sur le chargeur retrouvé à Montauban ?
48/ Pourquoi Merah n’a-t-il pas été « judiciarisé » à son retour du Pakistan ?
De nombreux citoyens français ont été interpellés et convoqués devant
le juge en raison de leurs liens supposés avec la mouvance salafiste ou
terroriste. A l’inverse, le Toulousain a bénéficié, en dépit de ses
voyages et de ses amitiés au sein de l’islamisme radical toulousain,
d’un exceptionnel traitement de faveur.
49/ Comment s’explique le prétendu basculement idéologique de Merah dans sa volonté de « mettre la France à genoux » ?
Plusieurs témoins rapportent qu’au mois de juin 2010, lors du Mondial
de football, Merah était considéré comme un patriote français, hostile à
l’Algérie et attiré par les métiers militaires. En raison de son casier
judiciaire, il s’orienta, le mois suivant, vers la Légion étrangère.
50/ Merah a-t-il réellement abandonné les tests pour intégrer la Légion étrangère ? Un document secret-défense consulté par Paris-Match
révèle une contradiction à ce sujet : selon le récit officiel rapporté
par les médias depuis fin mars, Merah n’aurait pas accompli les tests
complets pour postuler à la Légion. Cet aspect est également évoqué dans
l’échange retranscrit entre le jeune homme et le brigadier de la DCRI.
Or, la note secret-défense, révélée mi-juillet, infirme cette version en
rapportant que le Toulousain a bien passé tous les tests d’évaluation
avant de recevoir finalement un« avis défavorable ». Pourquoi, dès lors, Merah et le policier discutent-ils d’un incident- l’abandon d’examens- qui n’a jamais existé ?
51/ Merah était-il véritablement un adepte de la dissimulation ? Certains experts de l’islamisme ont recours au concept, d’origine chiite, de la « taqiya »
pour expliquer le double jeu supposé du jeune homme sunnite. Quand il
fréquente les discothèques, collectionne les marques de luxe ou refuse
-selon son épouse éphémère- de porter la barbe et de se rendre dans une
mosquée, tout cela participerait, selon les commentateurs favoris de
l’émission C dans l’air, à une stratégie de dissimulation. Problème :
dans la réalité et sur le terrain, l’ensemble des proches qui ont côtoyé
intimement Merah réfutent la vraisemblance d’une telle stratégie.
52/ Pourquoi l’information initiale de Télé Toulouse,
selon laquelle deux hommes ont été aperçus sur le scooter à Montauban,
a-t-elle rapidement disparu de tout compte-rendu officiel ?
53/ Pourquoi la piste de l’étrange découverte d’une voiture abandonnée avec du matériel de scooter n’a-t-elle pas fait publiquement l’objet d’une investigation ?
Le mercredi 28 mars, le quotidien Midi Libre rapportait qu’une Clio
contenant un casque sombre de moto et des pièces de carénage pour
scooter T-Max avait été retrouvée dans le village de St-Papoul. Chose troublante, les policiers avaient affirmé dans un premier temps que son propriétaire résidait dans le même immeuble que Mohamed Merah avant de se contredire et de se rétracter, dès le lendemain, en communiquant un démenti via l’AFP.
54/ Comment s’explique le ciblage prétendument hasardeux du premier militaire abattu à Toulouse le 11 mars ?
Une semaine plus tôt, le 4 mars, Merah aurait consulté, depuis le
domicile de sa mère, une annonce, mise en ligne le 24 février par Imad
Ibn Ziaten pour vendre sa moto. Le 6 mars, Merah aurait également volé
le scooter T-Max avec lequel les tueries seront commises. Curieuse
coincidence : le djihadiste infiltré dans la mouvance salafiste
internationale aurait exécuté son premier assassinat sur un parachutiste
qui se destinait, selon Jean-Marie Pontaut et Eric Pelletier, à
rejoindre le « service Action » de la DGSE -une unité chargée
d’accomplir les opérations clandestines, et parfois meurtrières, des
services secrets français.
55/ Pourquoi Merah aurait-il voulu tuer un militaire qu’il appréciait ?
Selon la police, le Toulousain était passé, au matin du 19 mars, au
domicile d’un militaire pour l’abattre. Or, celui-ci n’était pas un
inconnu puisque les deux hommes avaient fait connaissance en juin 2010
lors de la Coupe de monde de football. Merah, alors attiré par l’armée,
s’était lié d’amitié avec ce frère aîné d’un ami.
56/ Comment s’explique l’apparente désinvolture d’un homme censé dissimuler ses activités criminelles ? Vers
le 15 mars, Merah aurait demandé à un employé du concessionnaire Yamaha
des informations pour savoir comment désactiver le tracker de son
scooter volé et le repeindre sans encombre. Quelques jours plus tôt, il
aurait également acheté ailleurs, facture à son nom, une cagoule de
motard ainsi qu’un casque et un blouson.
57/ Quelle signification accorder à la médiatisation de la singulière rencontre, organisée face caméra par l’hebdomadaire Le Point, entre le président du CRIF et le frère de Mohamed Merah ?
Filmé de dos, Abdelghani semble passer une audition devant un jury.
Pourquoi une telle mise en scène grotesque de part et d’autre ?
58/ Pourquoi le patron de la DCRI, le
président du CRIF et un membre de son comité directeur étaient-ils
persuadés, avant la fin de la traque du suspect, que le « tueur au
scooter » s’apparentait davantage à un « terroriste islamiste » ?
Dès le lendemain de la tuerie de Montauban, Bernard Squarcini
privilégia discrètement cette piste, contrairement à Christian Lothion,
son homologue de la police judiciaire. Quant à Richard Prasquier et Gilles-William Goldnadel, membres du CRIF, ils ont rapidement fait savoir, juste après le drame d’Ozar Hatorah, qu’ils favorisaient aussi cette hypothèse.
59/ Comment Nicole Yardeni,
responsable du CRIF à Toulouse, a-t-elle pu accéder aux vidéos de
surveillance du collège-lycée et les commenter à la presse alors qu’il
s’agit là, en matière procédurale, d’une pièce à conviction réservée
uniquement aux enquêteurs ?
60/ Qui est à l’origine du concept, formulé par le Procureur de Paris, d’une « autoradicalisation salafiste atypique » pour justifier le basculement de Merah dans la violence djihadiste ?
A l’instar de Squarcini, les autorités affirment que le Toulousain se
serait radicalisé en prison comme en témoignerait sa lecture assidue du
Coran à cette époque. Un avis démenti par l’avocat du jeune homme,
Christian Etelin, qui fréquenta alors Merah sans avoir constaté la
moindre trace d’un nouveau comportement moralement rigide.
61/ Qu’en est-il de la « djellaba noire » qu’aurait porté Merah à sa mort ? Le procureur de la République avait rapporté son existence, ajoutant qu’elle était remontée à la taille et enfilée dans le jean du Toulousain. Pourtant, le Parisien
a relaté des témoignages démentant l’existence d’un tel vêtement sur la
dépouille du jeune homme. A l’inverse, le rapport d’autopsie, élaboré
ultérieurement par deux médecins-légistes et consulté par la Dépêche du Midi,
évoque également une djellaba sous laquelle Merah aurait porté une
double couche de sous-vêtements. Cet élément accréditerait, selon les
autorités, la thèse du martyr islamiste, disposé au « suicide by cops »-
la mort donnée par un assaut de la police.
62/ Quel rapport entretenait Merah avec l’islam ? Selon la retranscription de ses échanges avec les policiers, le jeune homme aurait déclaré s’être « converti sérieusement à la religion » le 18 février 2008, durant son séjour en prison. Depuis, il serait resté « assidu dans ses prières ».
Pourtant, quelques mois plus tard, le personnel de l’établissement
carcéral constatera la tentative de suicide de Merah lors de la nuit de
Noël. Un « converti » de fraîche date à l’islam aurait donc envisagé,
lors d’une fête chrétienne, de réaliser un acte pourtant réprouvé par
sa religion : mettre fin à ses jours.
63/ Quelle est l’indépendance de prétendus
experts de l’islamisme envers les services secrets français, impliqués
dans l’affaire Merah ? L’exemple le plus éloquent est celui de
Jean-Charles Brisard : interrogé sur le profil du jeune homme par CNN,
France 24 ou Direct 8, l’homme n’a cessé de dédouaner les autorités, et
notamment la DCRI, dans la gestion des opérations. Problème : comme l’a
révélé un article du Monde, paru fin mars et rédigé par les journalistes
Gérard Davet et Fabrice Lhomme, la DCRI emploie Jean-Charles Brisard.
Celui-ci aurait auparavant confessé au juge Trévidic qu’il collaborait
avec le Renseignement intérieur. Or, à chaque fois que cet expert était
interrogé par des journalistes à propos de la connexion de Merah avec la
DCRI, aucun média n’a eu l’indélicatesse de préciser que Brisard,
présenté comme un « consultant » indépendant, était également lié au
même organisme. Il s’agit là d’un problème essentiel et passé sous
silence: la proximité, contraire à toute déontologie, de nombreux
experts et journalistes avec les services secrets français. Un essai,
intitulé « L’espion du Président », rapporte, par exemple, que la DGSE
emploie secrètement plusieurs journalistes pour surveiller les
rédactions et, le cas échéant, pratiquer la désinformation sur des
sujets sensibles. Jean-Charles Brisard est un cas isolé et relativement
mineur de par sa capacité d’influence. Qu’en est-il des autres, experts
patentés ou titulaires d’une carte de presse, qui manipulent sciemment
-avec la bénédiction des « services »- l’opinion publique ?
64/ Pourquoi Mohamed Sifaoui a-t-il énoncé une contre-vérité en laissant entendre que Merah se serait filmé, à visage découvert, dans la vidéo des tueries ? Cette étrange attitude, révélée par Oumma et rapportée également par l’avocate française du père Merah dans un récent débat
avec Daniel Schneidermann, n’a pas d’explication rationnelle, hormis
une volonté de désinformer le téléspectateur. Présent aux côtés de
l’essayiste algérien, le journaliste Jean-Marie Pontaut a opiné du chef,
accréditant ainsi la fausse information de Sifaoui avant de préciser,
quelques jours plus tard sur France Culture, que l’homme apparaissant
dans la vidéo était précisément « casqué ». Dans le débat
organisé, fin juin, par Daniel Schneidermann sur son site « Arrêt sur
images », les journalistes Eric Pelletier, Frédéric Helbert et Laure
Daussy ont tenté, chacun à sa manière, d’édulcorer le caractère
mensonger de la démonstration de Sifaoui. Seule face à eux, l’avocate du
père Merah, Isabelle Coutant-Peyre, a persisté et souligné l’aspect
frauduleux de la manœuvre.
65/ Qui se cache derrière le pseudonyme « Mickael Julien » sur Youtube ?
Cet utilisateur du site de partage vidéo est à l’origine d’un montage
de 15 minutes visant à accréditer la thèse d’un nébuleux complot dans
l’affaire Merah. L’individu s’est inscrit fin mars pour mettre une seule
vidéo et n’a eu depuis aucun autre usage actif du site. Problème :
cette vidéo, copiée et relayée par de nombreux utilisateurs, a connu un
vif succès sur le web en dépit de ses spéculations gratuites
accompagnées de plusieurs erreurs factuelles. Le montage est rapidement
devenu, en conséquence, une sorte de « cible » emblématique et facile pour les détracteurs du « complotisme ».
66/ Qui est à l’origine de la théorie
absurde -car non étayée par des faits- d’une connexion entre la famille
Sandler, abattue à Toulouse, l’ONU et Israël ? Cette fable,
propagée par un site dénommé Wikistrike, ne repose sur rien mais
favorise la caricature des sceptiques de l’affaire Merah en paranoïaques
obsédés par un complot israélien généralisé et permanent.
67/ Qui a transmis la photo du cadavre de Merah au magazine Entrevue ? Obtenu par le paparazzi Jean-Claude Elfassi, le cliché est censé démontrer, pour la fine équipe éditoriale
du mensuel, la légitime défense du RAID. Le timing de la publication,
fin juin, pose question. De même, plusieurs internautes, inscrits
notamment sur le site participatif Agoravox et ayant étudié la photo,
s’interrogent sur l’authenticité de l’image, retouchée d’après certains.
68/ Quelle est la source de Christophe Dubois, journaliste à l’origine du « scoop » de TF1 ?
Salarié de la boîte de production « Eléphant et Cie », Dubois a
personnellement échappé au scandale qui a visé la première chaine de
France, accusée de sensationnalisme pour avoir diffusé le prétendu
enregistrement audio des échanges entre Merah et les policiers.
Pourtant, son profil est intéressant : spécialiste des services secrets
sur lesquels il a publié plusieurs articles dans le Parisien, l’homme a
co-rédigé« Les islamistes sont déjà là », recueil alarmiste
composé de faits, rumeurs, contre-vérités et autres spéculations
fantaisistes quant à la menace que ferait peser en France l’islam
radical. Sorti en 2004 et surfant sur la psychose post-11-Septembre,
l’ouvrage a connu un certain succès en dépit d’une promotion calamiteuse
comme en témoigne le passage
des auteurs chez Thierry Ardisson. L’animateur goguenard
s’interrogeait alors sur la facilité de Christophe Dubois et de son
co-auteur Christophe Deloire pour obtenir des informations auprès des
services secrets. Chose singulière et révélatrice des petits
arrangements dans la sphère médiatique, le second, devenu récemment
patron de Reporters sans Frontières, s’est porté au secours de son camarade en faisant publier un communiqué inattendu par l’ONG pour défendre la « protection des sources » de
TF1. Proche du monde policier, et s’appuyant sur cette proximité pour
rendre crédible certaines « informations confidentielles » publiées
dans ses ouvrages ou « dévoilées » à ses collègues, Christophe Deloire,
ex-participant d’un colloque organisé en 2006 par un think-tank ouvertement islamophobe, est également un ami de longue date de Jean-Charles Brisard, l’agent occasionnel de la DCRI.
69/ Comment s’est opérée la sélection de l’audio récupéré par TF1 ? Sur 7 heures d’enregistrement, Emmanuel Chain a affirmé
au Figaro disposer de 4h30 d’échanges entre Merah et les policiers. Dix
minutes environ ont été diffusées dans l’émission « Sept à Huit ». Qui a
supervisé le montage audio ?
Curieusement, cette durée correspond à celle entendue auparavant par le
journaliste Eric Pelletier, co-auteur avec Jean-Marie Pontaut de « Affaire Merah : l’enquête », un ouvrage particulièrement favorable aux services de police, DCRI et RAID inclus.
70/ Comment s’explique l’anesthésie journalistique, relevée par Daniel Schneidermann, qui a accompagné l’affaire Merah depuis le début ?
La plupart de médias se sont contentés de relayer la version
gouvernementale et de fournir des reportages au format
« psycho-socio-culturel » pour décrire l’environnement et la jeunesse de
Merah. Par la suite, certains organes de presse, notamment les Inrocks
et le Monde, ont entamé une chasse aux sorcières en pointant du doigt
les prétendus « ravages du complotisme ».
Crypto-antisémite, imaginatif et ignorant des faits : tel serait le
portrait-robot du citoyen osant douter de la version officielle de
l’affaire Merah. Le Monde a même osé conceptualiser un nouveau phénomène au caractère discriminatoire : le « conspirationnisme communautaire ».
Sous-entendu : les Français musulmans seraient les principaux
contestataires du récit politico-médiatique. L’escroquerie
intellectuelle est ici manifeste. Le cliché, présenté comme une vérité
scientifique par le premier quotidien national, tend à rajouter un cran
supplémentaire pour caricaturer le profil du « suspect » de
« complotisme » et vise parallèlement à occulter la variété sociologique
des citoyens qui s’interrogent, de bon droit, sur les zones d’ombre de
l’affaire Merah. Pour sa part, Nicolas Sarkozy peut exprimer sa
gratitude aux « chasseurs de conspirationnistes » : n’avait-il pas qualifié de « faute morale impardonnable» toute « recherche » d’une « explication » ?
71/ Pourquoi Manuel Valls n’avait-il toujours pas pu avoir accès,
deux mois après son arrivée au ministère de l’Intérieur, aux documents
classés secret-défense de la DCRI à propos de Mohamed Merah ? Ceux-ci ont été finalement transmis -incomplets- le 18 juillet à une commission indépendante pour une éventuelle déclassification.
72/ Quelle est la marge de manœuvre de la
présidence Hollande pour faire la lumière sur le rôle des services
secrets dans l’affaire Merah ? En dépit des apparences, une
certaine « continuité du pouvoir » perdure dans le monde du
renseignement. Le nouveau patron de la DCRI, Patrick Calvar, avait auparavant un rôle décisionnel important au sein de la DGSE. Or, celle-ci a également, à l’instar de la DCRI, fait preuve d’opacité pour expliquer son éventuelle relation avec Mohamed Merah lors de ses multiples voyages à l’étranger. Manuel Valls a promis d’élucider les « dysfonctionnements »
des services dont il a la charge mais qu’en est-il de sa propre
indépendance ? Au soir de la tuerie du collège-lycée de Toulouse,
l’homme -alors responsable de la communication de François Hollande-
s’était distingué en manifestant, entre les places Bastille et Nation,
contre le caractère antisémite du quadruple meurtre. Dans un cortège
composé, entre autres, de Bernard-Henri Lévy, Hassen Chalghoumi ainsi
que des membres extrémistes de la Ligue de défense juive, le futur
ministre de l’Intérieur, réputé pour son communautarisme à géométrie variable et signataire -comme Guy Teissier et David Assouline- du « Pacte des amis d’Israël », a évoqué une « France humiliée »
par le dernier acte du tueur à scooter. Devenu depuis « l’homme le plus
puissant de France » comme on surnomme généralement le responsable de
la place Beauvau, Manuel Valls aura-t-il la volonté d’identifier ces
hommes de l’ombre qui se sont trompés, voire compromis, dans l’affaire
Merah ?
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En raison de la densité du sujet, l’auteur de ces lignes a tenté de
synthétiser au maximum, pour rendre sa lecture plus commode, l’article
présent. L’intégralité des sources, hyperliens et citations sera prochainement disponible
sous la forme adéquate et plus complète d’un livre numérique. Enrichi
également par des liens renvoyant à des vidéos complémentaires, le
support de l’e-book permettra au citoyen plus curieux d’avoir à sa
disposition l’ensemble des éléments factuels pour se forger une opinion.
L’enjeu de l’information retrouve ici sa nature politique : le rôle
dévolu aux services secrets est une question fondamentale pour les
droits civiques et, pourtant, celle-ci est rarement débattue dans
l’Hexagone. Entre le jeune Toulousain, les réseaux djihadistes, le
grand banditisme, les policiers de la DCRI et les agents de la DGSE, ce
fut un jeu de dupes. Une grande mascarade, conclue tragiquement par la
mort de huit individus. Mais qui, finalement, a berné qui ? La voix
d’outre-tombe de Mohamed Merah, diffusée par TF1, est un leurre
spectaculaire qui ne nous révèle rien sur l’essentiel. A l’inverse, son
spectre flottant laisse déjà entrevoir une ombre de mauvais augure sur
la République.
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