CHIRAC FERA OBSTRUCTION À UNE NOUVELLE GUERRE ÉTATS-UNIENNE CONTRE L’IRAN
Alors que la tension monte entre Washington et Téhéran, le quotidien Le Monde du 16 janvier a révélé que Jacques Chirac comptait envoyer un émissaire diplomatique de haut niveau en Iran. Son but serait de faire baisser la tension entre l’Iran et les Etats-Unis et d’obtenir que l’Iran joue un rôle positif dans la solution à la crise libanaise. A l’origine, c’est le ministre des Affaires étrangères Douste-Blazy qui avait été pressenti pour cette mission, mais au grand soulagement général, on lui a préféré Jean-Claude Cousseran, chef de la DGSE entre 2000 et 2002.
En effet, contrairement au ministre attitré, dont l’incompétence en matière d’affaires étrangères est un objet de risée, Cousseran est particulièrement apprécié des experts, dont certains le décrivent comme le « Primakov » de la diplomatie française au Moyen-Orient. Ce fin connaisseur de la région a été successivement en poste à Beyrouth (1973-1974), à Bagdad (1974-1977) et à Téhéran (1977-1980). Après des passages aux cabinets de Charles Hernu, de Claude Cheysson, de Roland Dumas et en tant que conseiller du Premier ministre Pierre Bérégovoy, il a été ambassadeur de France à Damas (1993-1996), directeur du département Afrique du Nord et Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères, ambassadeur extraordinaire à Ankara (1999-2000), avant d’être nommé ambassadeur en Egypte depuis le 1er novembre 2002.
Selon un article paru dans le Neue Zuericher Zeitung, du 17 janvier, l’envoi de cet émissaire a été soigneusement préparé. En juillet 2006, Jacques Chirac a envoyé Jean-Claude Cousseran à Téhéran. En septembre, le Président français recevait à Paris Hashemi Samareh, un émissaire personnel du président Ahmadinejad, et, en octobre, Maurice Gourdault-Montagne, conseiller diplomatique de Jacques Chirac, rencontrait M. Samareh à Genève. Au mois de décembre, M. Gourdault-Montagne a profité d’une conférence au Bahrein pour rencontrer le ministre des Affaires étrangères iranien, Mottaki. A l’origine, il était prévu que M. Douste-Blazy aille à Téhéran en janvier, mais de multiples oppositions, y compris celle de l’intéressé lui-même, auraient fait capoter ce projet.
Selon Le Monde, l’idée d’envoyer un émissaire à Téhéran aurait fortement déplu aux responsables américains (dont Stephen Hadley), furieux de pas avoir été consultés. La diplomatie de Jacques Chirac reflète sa conception du rôle qu’il attribue à l’Iran. Dans une interview au Monde de juillet 2006, il soulignait la vocation de ce « grand pays dont la préoccupation de compter dans la région est légitime ». Le 5 janvier, lors d’un discours prononcé à l’Elysée, Jacques Chirac évoquait à nouveau les aspirations de l’Iran à « jouer au Moyen-Orient tout le rôle que sa civilisation millénaire lui destine ».
En promouvant cette initiative majeure de paix, Jacques Chirac a plusieurs objectifs en vue. Il espère que Téhéran puisse tempérer la politique du Hezbollah au Liban, notamment au moment où il organise à Paris, le 25 janvier prochain, une grande conférence internationale sur le Liban dont l’un des objectifs est de renforcer la position du Premier ministre libanais Fouad Siniora, fortement contesté par l’alliance du Hezbollah et du CPL du général Aoun. Des observateurs informés font savoir cependant que le Hezbollah est une force nationale souveraine et que l’Iran ne joue pas au Liban le rôle de parrain que beaucoup veulent lui attribuer. Mais le président français veut avant tout empêcher une guerre. Il craint qu’après l’expiration de la période de 60 jours fixée par la résolution 1737 de l’ONU, en février, l’application de sanctions n’amène à la réalisation du scénario de Dick Cheney et de George Bush, c’est-à-dire une escalade rapide aboutissant au lancement d’une action militaire contre l’Iran.
En même temps, Jacques Chirac, qui teste ces temps-ci la possibilité de solliciter un troisième mandat des électeurs, sait que seule une crise mondiale gravissime, comme celle qui secouerait le monde si l’administration Bush venait à lancer des frappes nucléaires contre l’Iran, dans laquelle la France s’opposerait une fois de plus à la stratégie américaine, lui permettrait de retrouver le taux de popularité nécessaire à une troisième candidature.
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