C’est le 23 janvier que s’est ouvert le procès contre Lewis Libby, l’ancien chef de cabinet du vice-président Cheney, accusé d’entrave à la justice, de déclarations mensongères et de parjure. Dès le début, le procureur spécial Patrick Fitzgerald a mis l’accent sur le rôle de Dick Cheney lui-même. Plusieurs témoins à charge - notamment ceux qui travaillaient directement dans son bureau - ont pointé du doigt le vice-Président.
Au fil des témoignages, le procureur Fitzgerald montre que la version des faits donnée par Libby, d’abord au FBI, ensuite au grand jury fédéral, était fausse, notamment sur la manière dont il avait appris que Valerie Plame était un agent clandestin de la CIA chargé de la contre-prolifération nucléaire, ainsi que sur les personnes à qui il a confié cette information par la suite. Rappelons que Valerie Plame est l’épouse de Joseph Wilson, l’ancien diplomate qui a réfuté l’un des arguments préférés de Cheney pour justifier la guerre, à savoir que l’Irak avait obtenu de l’uranium au Niger.
L’une des pièces produites aux débats montre que c’est bien Dick Cheney qui a informé son chef de cabinet de l’identité de Valerie Plame, et ce au plus tard le 12 juin 2003, soit plusieurs semaines avant que le chroniqueur Robert Novak ne la révèle publiquement.
Cheney est également mis en cause par un autre document montré au jury, sur lequel il a noté comment « limiter les dégâts » dus à l’affaire Plame. Une autre pièce montre que Cheney a pratiquement dicté à la secrétaire d’Etat Condoleeza Rice les arguments à invoquer le 11 juillet pour démentir les accusations de Joseph Wilson. Dans une autre encore, on constate que le vice-Président a intimé au porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan, de défendre non seulement Karl Rove, mais aussi Libby, ce dernier ayant le sentiment qu’on le « lâchait ». Cheney a écrit, textuellement, que la Maison Blanche « n’allait pas protéger un collaborateur tout en sacrifiant le type à qui on a demandé de mettre la tête dans le hachoir à viande » (sic). Fitzgerald a projeté cette note sur grand écran pour que le jury la voit bien.
Le 1er février, le procureur Fitzgerald a appelé à la barre un fonctionnaire du FBI, qui a documenté les fausses déclarations faites par Libby au cours d’interviews réalisées en automne 2003. Avant de donner ses conclusions, Fitzgerald veut que le jury entende le témoignage de Libby devant le grand jury (près de huit heures d’enregistrement), qui prouve l’accusation de parjure. Le dernier témoin cité par l’accusation devrait être Tim Russert de NBC, le journaliste de qui Libby prétend avoir appris l’identité de Mme Plame pour la première fois en juillet 2003. Russert va certainement contredire cette affirmation.
Les avocats de Libby vont maintenant devoir décider : faut-il appeler Cheney à témoigner en faveur de son ancien chef de cabinet ? Libby lui-même devrait-il témoigner pour sa propre défense ? Si Cheney comparaît, il devra répondre à de nombreuses questions gênantes et le risque est grand qu’il soit tôt ou tard inculpé de faux témoignage. Cependant, tout procès politique est par sa nature même imprévisible. Si l’on ne peut raisonnablement espérer que Cheney soit inculpé au cours de ce procès, le Congrès dispose déjà de suffisamment d’éléments pour intenter dès maintenant une procédure de destitution.
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