L’ascension et le déclin des Néo-Conservateurs (I, II et IIIème parties)
En déclin ?
Les revers subis en Irak et la défaite des Républicains au Congrès lors des élections de mi-mandat ont considérablement affaibli les néoconservateurs, et ouvert la voie à un une nouvelle politique personnifiée par Condoleeza Rice et Robert Gates. Reste pourtant un homme clé, qui malgré son isolement conserve une influence certaine : Dick Cheney.
Dés la mi 2003, il était devenu clair, en particulier pour l’armée sur le terrain en Irak, que l’administration Bush et ses alliés néoconservateurs s’étaient fondamentalement mépris sur la nature de la guerre dans laquelle ils avaient entraîné le pays. Au lieu d’être vus comme les libérateurs de l’Irak, l’armée Américaine et ses alliés ont été rapidement perçus comme une force d’occupation défiée par une insurrection farouche et profondément hostile, alimentée en partie par le programme de dé-Baasification longtemps préconisé par les néoconservateurs et supervisé par leur partenaire clé, Chalabi.
La situation s’était tellement détériorée en automne 2003 que Rice, dont le manque de résistance face à l’agenda néoconservateur avait profondément déçu Powell et d’autres réalistes, créait l’Irak Stabilization Group (ISG), contrôlé par le Conseil de Sécurité Nationale [National Security Council], qui avait pour intention de réduire le contrôle par le Pentagone des aspects clés de la politique d’Irak. L’établissement de l’ISG, qui a provoqué des frictions publiques rares entre Rice et Rumsfeld, lançait un processus dans lequel le Département d’État et l’armée en uniforme (par opposition à la direction civile du Pentagone) assumaient progressivement un contrôle toujours plus grand de la politique d’Irak. La création de l’ISG, en fait, a marqué non seulement le début du déclin de la domination incontestée des faucons, mais aussi de l’influence des néoconservateurs qui continue à décroître.
La raison la plus significative de ce déclin a clairement été la débâcle croissante en Irak, au sujet de laquelle même Perle et d’autres néoconservateurs intransigeants expriment maintenant des regrets, bien que- comme on pouvait s’y attendre- ils blâment les réalistes de l’administration et les alliés d’autrefois comme Rumsfeld, qu’ils accusent d’avoir saboté la mise en oeuvre de la guerre, plutôt que la décision même d’aller en guerre [1] . Vers la fin 2004, il était devenu clair comme l’eau de roche que les suppositions et justifications qu’ils avaient utilisé en faveur de l’entrée en guerre étaient sans fondement, sinon fabriquées. Non seulement les États-Unis ne trouvaient pas le moindre lien opérationnel entre Saddam Hussein et al-Qaida (sans même parler du 11 septembre), ils ne trouvaient pas non plus la moindre preuve que Saddam avait un programme de développement d’ADM en cours.
De plus, l’idée selon laquelle l’éviction de Saddam apporterait au pouvoir des laïques modérés, pro-occidentaux fut de plus en plus discréditée. Plusieurs autres assurances d’avant-guerre des néoconservateurs furent également discréditées, y compris l’idée que gagner en Irak serait une promenade de santé, comme l’a souligné Ken Adelman, membre du DPB ; que Washington serait capable de ramener rapidement le nombre de ses troupes à seulement 30,000 dés la fin 2003 ; et que la reconstruction s’autofinancerait essentiellement à travers l’augmentation projetée de l’exportation du pétrole et la fin des sanctions de l’ONU.
De façon aussi significative, l’insistance des faucons que la tactique du "shock and awe" en Irak enverrait un message à l’Iran et la Corée du Nord avait rapidement été sapée par l’incapacité des Etats-Unis et des forces alliées à vaincre ou même contenir l’insurrection croissante. L’hégémonie Américaine non seulement ne se révélait pas être "bienveillante", elle se révélait aussi être une illusion, ce que le reste du monde- les " voyous " y compris- n’avait pas manqué de relever. Alors que les informations décrivant la violence croissante en Irak, y compris le scandale d’Abou Ghraib et le siège de Falloujah, furent difusées par Al Jazeera et d’autres médias, l’anti-américanisme explosa partout dans le monde arabe et islamique. Même le premier ministre faucon d’Israël, Ariel Sharon, sentant que la Guerre d’Irak échouait à augmenter la sécurité de son pays comme promis par les néoconservateurs, s’engagea à terminer l’occupation israélienne de Gaza datant de presque 40 ans , entraînant la scission de son propre parti, le Likoud.
Ces échecs produisirent des tensions délétères- aussi bien au sein de la coalition des faucons que parmi les néoconservateurs eux-mêmes- qui renforcèrent indirectement la résurgence des réalistes du Département d’État. En effet, Kristol, Kagan, et le secrétariat du PNAC commencèrent à attaquer Rumsfeld, en l’accusant de d’être insuffisamment engagé dans un effort sérieux de « reconstruction de la nation » (Nation building) en Irak et dans l’augmentation de la taille des forces terrestres américaines, surtout militaires, à la mesure de ses responsabilités globales croissantes.
Tandis que le PNAC exigea finalement son renvoi, d’autres néoconservateurs intransigeants - comme Perle et Gaffney- défendirent le chef du Pentagone. L’Irak n’était pas le seul sujet de consternation du PNAC concernant l’administration. Pour la Chine, où les réalistes détenaient un avantage ténu depuis l’Incident de Hainan, les intransigeants furent rendus furieux, vers la fin 2003, par la réprimande publique que fit Bush après l’appel du Président Taiwanais Chen Shui-bian pour un "référendum défensif" demandant que la Chine démantèle ses missiles dirigés vers l’île. D’après Kristol, Kagan, etGary Schmitt PNAC le président se rendait coupable « d’apaisement envers une dictature". De la même manière que le plan de désengagement de Sharon avait entraîné la scission du Likoud, il a également créé une brèche au sein de la coalition du PNAC. Des néoconservateurs intransigeants et les leaders de la Droit chrétienne qui croyaient au Grand Israël se retrouvèrent en conflit avec des néoconservateurs plus pragmatiques, comme Kristol et Kagan, et quelques-uns de leurs alliés nationalistes agressifs. Cette brèche fut suivie d’une autre qui se développa en 2005 et 2006 concernant la justification à posteriori de la guerre - la démocratisation du Moyen-Orient - Comme les élections en Iran et dans le monde arabe - notamment en Egypte, en Irak, et en Palestine- confirmèrent la popularité des islamistes et des mouvements anti-américains à travers la région, un nouveau débat fit finalement surface entre les néoconservateurs qui avaient pris le parti de la démocratisation, et d’autres, y compris Perle- sans mentionner le gouvernement de Sharon- qui croyaient que des élections libres et justes dans une région radicalisée par l’invasion de l’Irak se révèleraient nuisibles à la sécurité à long terme d’Israël.
Bien que clairement en déclin, les néoconservateurs et autres faucons étaient loin d’être mis sur la touche, en particulier après la réélection de Bush en novembre 2004, qu’ils ont considéré comme un assentiment de l’opinion à l’agenda qu’ils avaient encouragé avec tant de succès après le 11 septembre. Le brusque départ de Powell immédiatement après l’élection et son remplacement par une Rice plus malléable, paraissaient aussi être de bonne augure pour les faucons, une tendance qui continua avec la nomination de Porter Goss comme nouveau directeur de la CIA qui a été interprétée comme faisant partie d’un effort de restructuration d’une agence qui avait longtemps été à désaccord avec les néoconservateurs et leurs alliés. Leur confiance fut augmentée par la rhétorique montante pro-démocratie de Bush dans son discours présidentiel et celui sur l’état de l’union de 2005, tous deux lourdement inspirés du livre The Case for Democracy alors récemment publié de Natan Sharansky. Sharansky, un ancien dissident Soviétique, était un leader de droite de premier plan dans le gouvernement Likoud de Sharon et un favori des néoconservateurs. Des critiques affirmant que ce livre était devenu une « lecture obligée » à la Maison Blanche furent applaudies par les néoconservateurs. « Un président qui dit à ses conseillers de lire Sharansky est très en avance sur ses conseillers », confia Perle lors d’une apparition au Hudson Institute.
De plus, les événements au Moyen-Orient semblaient suivre leur chemin, au moins pendant les premiers mois du deuxième mandat de Bush. Les élections irakiennes passées de façon inattendue sans encombre en janvier 2005, l’irruption de la "révolution du Cèdre" au Liban (et autres « révolutions de la couleur » en Géorgie, Ukraine, et Kirghizistan), et l’isolement subséquent de la Syrie, ont été toutes été revendiquées par les néoconservateurs comme la preuve que les démonstrations de force appuyées de l’Amérique au Moyen-Orient transformaient réellement la région, si ce n’était le monde. Mais les choses n’étaient pas aussi roses qu’elles paraissaient. Alors qu’ils se réjouissaient encore du départ de Powell, les néoconservateurs souffrirent bientôt de plusieurs contretemps sur le front personnel lors du deuxième mandat de Bush.
Durant les six mois suivant l’investiture, Wolfowitz partait pour la Banque mondiale, pendant que Feith, dont le rôle clé dans la manipulation du renseignement d’avant-guerre et les échecs de l’organisation de l’après-guerre attiraient alors l’attention croissante du Congrès et des médias, se retirait pour un poste d’enseignement à l’Université Georgetown. Cependant le plus grand coup porté aux néoconservateurs fut de loin la perte de Libby comme chef de personnel de Cheney. Considéré comme le néoconservateur le plus puissant de l’administration, Libby fut accusé en octobre 2005 d’avoir menti à un grand jury au sujet de son rôle dans la fuite sur l’identité d’un agent secret de la CIA dont le mari avait accusé publiquement l’administration de manipuler les renseignements d’avant-guerre au sujet de l’Irak. Décrivant l’impact du départ de Libby, Bob Woodward écrit dans son livre le plus récent, State of Denial, : « Plusieurs collaborateurs proches du vice-président Cheney eurent le sentiment qu’il était perdu sans Libby. Celui-ci travaillait énormément pour la préparation des réunions et des événements auxquels participait le vice-président, et assumait une part énorme du travail le plus dur. Il faisait pratiquement partie du cerveau de Cheney. »
En tant que Secrétaire d’Etat, Rice s’est montrée bien plus résolue que ce que les neoconservateurs ne l’avaient anticipé. Dès le début du second terme de bush, elle a affirmé que son premier souci était d’améliorer les alliances mises à mal, particulièrement avec la "vieille Europe" - pour laquelle les néoconservateurs n’ont que mépris - même si cela devait entraîner de sérieux compromis sur les questions allant de l’Iran à la Corée du Nord. « Le temps est venu pour la diplomatie » a-t-elle promis lors de son audition devant le parlement. Elle a rapidement traduit en acte ses déclarations en engageant publiquement les USA auprès de l’EU-3 dans ses négociations avec l’Iran. Il est devenu clair que, contrairement à Powell, Rice exerçait une influence auprès de Bush, au moins à égalité avec celle de Cheney.
La nomination de Rice a également marqué un retour à ses fondamentaux réalistes. Elle a non seulement résisté à Cheney en refusant de nommer Eric Edelman ou Bolton ( dont l’échec à obtenir la confirmation de sa nommination au Sénat a souligné le déclin de la bonne fortune politique des faucons ) pour adjoint, mais son choix de Zoellick, un atlantiste de longue date, ancien conseiller en chef de l’ex Secrétaire d’Etat James Baker, suggère qu’elle s’est cabrée contre les pressions exercées sur elle par les faucons. Elle a également nommé l’ancien ambassadeur auprès de l’OTAN Nicholas Burns comme sous secrétaire et Philip Zelikow comme conseiller, tous deux des réalistes confirmés. Burns, en particulier toujours été une épine au flanc des néoconservateurs qui l’ont condamné pour de nombreuses décisions politiques qualifiées par eux de "faibles", parmi lesquelles l’annonce par Rice à la mi-2006 que les USA étaient prêts à négocier directement avec l’Iran s’il abandonnait son programme d’enrichissement d’uranium, déclenchant alors les haut-cris des néoconservateurs.
L’un des autres problèmes des faucons, tout articulièrement pour les néoconservateurs, fut la décision de Bush au début de son second mandat de nommer John Negroponte à la nouvelle fonction de directeur national du renseignement, avec l’assurance qu’il prendrait la place du directeur de la CIA lors des briefings quotidiens avec le Président. Negroponte, un ancien membre du corps diplomatique précédemment conseiller adjoint pour la sécurité nationale sous Colin Powell, était largement considéré comme un esprit réaliste résolu et un fonctionnaire qui n’avait pas peur d’exprimer ses opinions. A la CIA, Goss avait été remplacé par l’adjoint de Negroponte, le général Michael Hayden qui avait rapidement rétabli dans leurs fonctions ou promu de nombreux agents expérimentés qui avaient été déçus par ce qu’ils considéraient comme la volonté de Gross de politiser l’agence.
Ces changements de personnes au cours des deux dernières années on eut pour effet d’affaiblir les réseaux alliés des néoconservateurs et des faucons, ainsi que leur capacité de contrôle sur les procédures - telle la validation du renseignement - qui interviennent dans le processus de décision en politique étrangère. De même, leur crédibilité chez les militaires et les fonctionnaires a subi un énorme revers du à leur gestion coûteuse et incompétente de la guerre d’Irak. Bien que certains néoconservateurs renommés aient rejoint les Démocrates dans leur dénonciation de la conduite de la politique irakienne de l’administration, leurs efforts pour pousser le pays vers la guerre comme leurs efforts à promouvoir des personnalités discutables (tel Chalabi) et des décisions désastreuses ( comme la dé-Bassification ) ne seront sans doute pas oubliées de si tôt. Restent bien sur quelques anciens alliés des néocons - comme le célèbre universitaire Francis Fukuyama (l’un des signataires de la lettre du PNAC du 20 septembre 2001 ), l’économiste George Will et l’ancien Secrétaire d’Etat Alexander Haig - qui les blâment désormais ouvertement pour leur mésaventure irakienne.
En dépit de ces revers, les néoconservateurs durant ces deux dernières années sont restés l’un des facteurs de l’équation du pouvoir, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’administration, avec Cheney qui joue le rôle de leur champion et protecteur. John Hannah qui a servi de liaison entre le bureau du Vice Président et Chalabi a été promu comme conseiller pour la sécurité nationale auprès de Cheney après le départ de Libby, tandis que David Wurmser reste son conseiller pour le Moyen Orient. Pendant ce temps, au Conseil National de Sécurité, Abrams dirige le bureau du Moyen Orient à partir duquel, durant le récent conflit entre Israel et le Hezbollah, il a contribué a contrecarrer les efforts déployeés par Rice pour persuader Bush d’initier des contacts avec Damas, et a même selon certaines sources encouragé Israel a étendre le conflit à la Syrie. Il a également mené l’offensive dans l’administration contre l’appel de la Ligue Arabe et de l’UE à adopter une position plus souple à l’égard du gouvernement du Hamas dans les territoires palestiniens.
Alors qu’ils ont vus leurs rangs s’éclaircir dans la haute administration du Pentagone, les néoconservateurs y ont quand même conservé une présence active. En un revirement remarquable, au début de cette année, le Département de la Défense a institué un « Directorat Iranien », un service dirigé et animé par les mêmes personnes que celles qui oeuvraient à l’Office of Special Plans (OSP), l’organisme qui avait soigneusement sélectionné et rassemblés à dessein les renseignements bruts mais aussi les informations contestables sur les supposés liens entre Al Quaïda et Saddam et le programme d’AMD. Il n’y a aucun doute sur le fait que la priorité majeure en politique étrangère pour les néoconservateurs durant les deux dernières années de la présidence Bush sera de le conduire vers une attaque des installations nucléaires de l’Iran si les efforts actuels de la diplomatie pour contenir ou réduire le programme nucléaire de Téhéran échouent ou ne progressent pas. « Ne vous trompez pas, le Président Bush devra bombarder les installations nucléaires de l’Iran avant qu’il quitte son poste » écrivait Joshua Muravchik, un universitaire de l’AEI dans la livraison de novembre 2006 de l’influent magazine « Foreign Policy ».
Jusqu’à il y a peu, il semblait que les deux années restantes de la présidence de Bush devaient se conformer au modèle établi durant les deux précédentes. Pendant que les réalistes ont graduellement obtenu des succès dans leur projet de pousser l’administration vers le dialogue et la diplomatie avec les ennemis des USA, les faucons ont conservés suffisamment de force pour limiter leur capacité de manoeuvre et réussir à prévenir des changements significatifs dans la politique. Le Département d’Etat, par exemple, a persuadé Bush de faire des propositions consistantes à l’occasion des négociations à Six pour amener la Corée du Nord à la déclaration du 19 septembre 2005 sur la dénucléarisation, mais il a été incapable d’obtenir la permission de la Maison Blanche pour accepter l’invitation à envoyer le Secrétaire d’Etat Assistant, Christopher Hill, à Pyongyang pour mener des discussions informelles en mai dernier. Au Moyen Orient, le Département d’Etat recommandait une position plus ouverte sur la fourniture d’assistance humanitaire à l’Autorité Palestinienne après la victoire du Hamas au élections de janvier, mais fut incapable de l’emporter auprès de la Maison Blanche. De la même manière, les fonctionnaires du Département d’Etat ont été dit favorables à une position plus souple sur la négociation d’un accord avec l’Iran, comme les partenaires européens en faisaient la demande, si Téhéran acceptait de geler ses activités d’enrichissement d’uranium, mais les partisans de la ligne dure ont également réussi à bloquer cette proposition.
Alors que ce conflit interne apparaissait devoir se poursuivre, le gain des deux Chambres du Congrès par les Démocrates à l’occasion des élections de mi-mandat, suivie par la démission de Rumsfeld et la nommination de Robert Gates pour le remplacer, ouvrent la voie à une victoire potentielle des réalistes durant les deux dernières années de la Présidence Bush. Bien que les Démocrates aient encore a définir une position commune sur les questions politiques majeures, les leaders au nouveau Congrès semblent déterminés à pousser activement en faveur du dialogue avec la Corée du Nord et a d’un « redéploiement" » des troupes US hors d’Irak aussi rapidement que possible. Au même moment, les antécédents de Gates dans l’adoption de politiques différentes à l’égard des foyers de tensions comme l’Iran et l’Irak suggèrent que lui-même et d’autres membres de l’administration qui partagent ses vues, comme Rice, ont l’opportunité de forger un nouveau consensus entre Démocrates et Républicains qui pourrait sonner le glas de l’influence des néoconservateurs dans l’administration.
Gates, qui est l’un des favoris à la fois du l’ancien Président H.W Bush et de son conseiller national pour la sécurité Snowcroft, partageait leur approche réaliste de la politique étrangère et montrait peu d’indulgence pour les néoconservateurs. Il y à deux ans de cela, Gates co-dirigeait un groupe de travail financé par l’influent Council on Foreign Relations, avec Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller pour la sécurité nationale de Jimmy Carter, l’un des plus acerbes critiques de l’administration Bush, groupe qui a appelé à mener une politique de dialogue sur les plans diplomatiques et économiques avec l’Iran. Ce rapport a été immédiatement et fortement condamné par les meneurs néoconservateurs.
Gates, qui selon certaines sources a exprimé en privé les plus fortes réserves dès l’origine sur la guerre d’Irak, était également, jusqu’à sa nomination la semaine dernière, membre de la commission bipartisane du Congrès, l’Irak Study Group, un groupe de travail co-dirigé par Baker, qui est apparu tout particulièrement depuis les élections comme le processus le plus crédible à même de définir une stratégie de sortie d’Irak. Baker, qui est un réaliste chevronné, depuis longtemps le conseiller de la famille Bush, a conservé, contrairement à Snowcroft, de bonnes relations avec Bush fils. Il a déjà suggéré que l’un des facteurs clés qui devrait être proposé par le rapport serait la recommandation d’engager le dialogue avec l’Iran et la Syrie - il a d’ailleurs rencontré des hauts fonctionnaires des deux pays - comme devant faire partie de la recherche d’une solution viable en Irak. « Parler à vos ennemis cela ne signifie pas l’apaisement » a-t-il déclaré lors d’une intervention télévisée qui est apparue comme une réfutation voulue des faucons, particulièrement des néoconservateurs. De nombreux observateurs, y compris certains néoconservateurs, pensent que c’est Baker qui est à l’origine du remplacement de Rumsfeld par Gates, qui constitue un mouvement dans une stratégie plus vaste destinée à modifier l’équilibre du pouvoir dans l’administration de façon décisive en faveur des réalistes. Désormais privé de Rumsfeld, Cheney, qui est le champion du camp néoconservatur dans l’administration, apparaît aujourd’hui plus isolé que jamais.
Fin
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